Une délégation du gouvernement éthiopien est arrivée lundi dans la capitale du Tigré pour une première visite officielle depuis plus de deux ans dans cette région rebelle, marquant une étape majeure dans le processus de paix lancé en novembre après un conflit meurtrier.
Par Simon VALMARY
Ce groupe d’officiels de haut rang est présent à Mekele pour «superviser l’application des principaux points de l’accord de paix» signé le 2 novembre entre les autorités dissidentes du Tigré et le gouvernement fédéral, a annoncé le service de communication du gouvernement dans un communiqué. Cette délégation menée par le président de la Chambre des représentants Tagesse Chafo compte notamment le conseiller du Premier ministre à la sécurité nationale Redwan Hussein, plusieurs ministres (Justice, Transports et communications, Industrie, Travail), mais aussi le directeur général de l’autorité en charge des infrastructures routières et les PDG des compagnies Ethiopian Airlines et Ethio Telecom. Aucun détail sur la durée ou le programme de cette visite n’a été communiqué. Cette visite «est une preuve que l’accord de paix est sur la bonne voie et progresse», a affirmé le service de communication du gouvernement. Le porte-parole des autorités rebelles Getachew Reda a salué sur Twitter «une étape importante dans l’accord de paix». Gouvernement et autorités rebelles ont signé le 2 novembre à Pretoria un accord visant à mettre fin à une guerre qui a ravagé durant deux ans le nord de l’Ethiopie, faisant des dizaines de milliers de morts et plongeant la région dans une profonde crise humanitaire. Ce texte prévoit notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l’autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès et des communications à cette région coupée du monde depuis plus d’un an.
Accusations d’exactions
Les combats ont débuté au Tigré en novembre 2020, quand Abiy Ahmed a envoyé l’armée arrêter les dirigeants de cette région qui contestaient son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales. Le bilan précis de ce conflit jalonné d’exactions, et qui s’est déroulé largement à huis clos, est inconnu. Le centre de réflexion International Crisis Group et l’ONG Amnesty international l’ont décrit comme «un des plus meurtriers au monde». Depuis l’accord de paix, les combats se sont arrêtés. Les rebelles ont affirmé avoir «désengagé» 65% de leurs combattants des lignes de front. Mais ils dénoncent la présence persistante de l’armée érythréenne et de forces de la région éthiopienne de l’Amhara, qui ont toutes deux épaulé l’armée fédérale dans le conflit mais dont les dirigeants n’ont pas participé aux discussions de Pretoria. Les autorités rebelles, ainsi que des habitants et des travailleurs humanitaires ayant témoigné à l’AFP, les accusent de commettre pillages, viols, exécutions et enlèvements de civils. Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain. Rebelles et gouvernement ont convenu jeudi d’un mécanisme de suivi du cessez-le-feu, permettant également de recueillir les plaintes en cas d’abus sur les civils.
Aide insuffisante
Sur le plan humanitaire, les opérations se sont amplifiées depuis l’accord de Pretoria, mais l’aide alimentaire et médicale acheminée reste très inférieure aux énormes besoins. La guerre a déplacé plus de deux millions d’Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU. Selon l’ONU, les deux ans de guerre ont rendu plus de 13,6 millions de personnes dépendantes de l’aide humanitaire dans le nord de l’Ethiopie (5,4 millions au Tigré, 7 millions en Amhara et 1,2 million en Afar). Privée d’électricité, de télécommunications et de service depuis plus d’un an, la région connaît par ailleurs une timide ouverture ces dernières semaines. La ville de Mekele a été raccordée au réseau électrique national le 6 décembre et la principale banque du pays, la Commercial Bank of Ethiopia, a annoncé le 19 décembre la reprise de ses opérations dans certaines villes. Les liaisons téléphoniques ont également commencé à être rétablies. n