Soucieux de la santé des Algériens, le Pr Khelifa revient de nouveau sur nos colonnes avec toujours le même objectif, inciter les gens aux gestes barrières et les convaincre d’aller se faire vacciner. Suivons-le, il est encore une fois de bon conseil.

Propos recueillis par Hamid Bellagha
Reporters : Vous aviez prédit sur nos colonnes une 3e vague que personne ne soupçonnait et qui a eu lieu. Aujourd’hui, on parle d’une 4e vague. Y sommes-nous déjà ?
Pr Foudil Khelifa : Nous constatons, depuis le début du mois de décembre, une augmentation régulière du nombre de cas qui a pratiquement doublé en 15 jours. Les services hospitaliers enregistrent, eux aussi, une augmentation du nombre d’hospitalisations. Les indicateurs de l’arrivée d’une nouvelle vague sont donc présents, il faut s’y préparer.
Dans le monde, le variant Omicron est en passe de supplanter Delta. Y aura-t-il le même scénario en Algérie ?
En Europe, le nouveau variant Omicron est en train de s’étendre rapidement et va très probablement remplacer le Delta. En Afrique australe, là où il a été découvert, les cas d’infection au variant Omicron explosent. Je pense donc qu’il va devenir prédominant et l’Algérie n’échappera pas à son extension.

Le variant Omicron, selon les premières études, serait plus contagieux mais moins létal, moins dangereux. Faudrait-il alors laisser l’Omicron «vaincre» Delta pour avoir une immunité collective plus rapidement ?
Trente-deux mutations au niveau de la protéine «S» sont à l’origine de l’apparition de ce nouveau variant. Je vous rappelle que c’est par le biais de cette protéine qu’il se fixe à son récepteur cellulaire. Ces mutations ont renforcé sa capacité de fixation et ce qui est donc pour l’instant prouvé, est qu’il est beaucoup plus contagieux que le Delta. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons pas affirmer qu’il est moins dangereux, pour cette raison, les gestes barrières doivent être de mise. D’autre part, si ce virus est très contagieux, il y aura donc beaucoup plus de personnes contaminées, les risques existent.

On patine encore chez nous pour se faire vacciner. Quelles en sont les causes et pourquoi y a-t-il une telle défiance envers la vaccination ?
Le nombre de vaccinés reste faible en Algérie par rapport à la population candidate à la vaccination. Les vaccino-sceptiques sont, malheureusement, très nombreux dans notre pays à la suite de fausses informations qui circulent quant aux méfaits des vaccins. Ces personnes ne se rendent pas compte du danger qu’elles encourent et qu’elles font encourir aux autres. Les autorités devraient imposer le pass sanitaire pour inciter la population à se faire vacciner.

En Europe et aux Etats-Unis, une troisième dose est requise pour maintenir un vaccin efficace. Qu’en pensez-vous ?
Des études et des données observationnelles prouvent qu’il y a une diminution du taux des anticorps avec le temps, que ce soit pour les personnes vaccinées ou celles qui ont été infectées. Afin de booster le système immunitaire, il est préconisé, surtout chez les sujets âgés et ceux à risques de formes graves, de faire une troisième dose, 4 à 6 mois après la dose de rappel. Les personnes qui ont été infectées doivent se faire vacciner avec une seule dose, 3 mois après une infection.

Trop de vaccin n’about-il pas à induire une «fainéantise» du système immunitaire naturel ?
Ce virus a tué actuellement près de 5,4 millions de personnes. Les biostatisticiens estiment que ce chiffre peut être multiplié par 3, ça fait une quinzaine de millions de morts, c’est beaucoup. Les vaccins anti-Covid nous protègent en nous évitant les formes graves et les décès. Pour que cette vaccination soit efficace, il faut maintenir des taux d’anticorps appréciables dans l’organisme parce que ceux-ci diminuent avec le temps si le système immunitaire n’est pas sollicité (par le virus ou le vaccin). D’où l’intérêt des rappels (vaccins) qui, justement, ne rendent pas le système immunitaire fainéant, mais le stimulent pour mieux nous protéger.

Que diriez-vous aux vaccino-sceptiques et aux anti-vax pour les convaincre de se faire vacciner ?
La première vaccination dans l’histoire de la médecine a été effectuée en 1796, par un médecin anglais, Edward Jenner, il s’agissait de protéger contre la variole. Déjà, à l’époque, des vaccino-sceptiques s’étaient opposés à la généralisation de cette vaccination. L’histoire leur a donné tort, puisque la variole a été éradiquée grâce au vaccin. Depuis, chaque fois qu’il y a un nouveau vaccin, il y a automatiquement des antivax qui s’opposent aux campagnes de vaccination. Tous les scientifiques s’accordent pour dire que dans le cas de la Covid, les vaccins protègent contre les formes graves et les décès, mais beaucoup de personnes restent sceptiques. Elles se basent sur des informations infondées pour dissuader le maximum de personnes à se faire vacciner. Il y a néanmoins une question à laquelle je n’ai pas de réponse. Tous les parents font inoculer à leurs enfants l’ensemble des vaccins du calendrier vaccinal algérien (une quarantaine). Ils montent même au créneau quand il arrive qu’un vaccin manque. Pourquoi refusent-ils donc celui qui nous protège contre la Covid ?

Devrons-nous aller vers une vaccination obligatoire ?
Etant donné que le virus continuera à circuler, tant qu’une partie de la population refuse de se faire vacciner, l’idéal serait que la vaccination soit obligatoire, mais là se pose un problème d’éthique. Par contre, elle devrait être obligatoire pour le personnel de la santé.

Le vaccin Coronavac produit par Saïdal commercialisé dans «quelques semaines»
Le vaccin anti-covid, Coronavac, produit par le groupe Saïdal en partenariat avec le laboratoire chinois Sinovac, sera commercialisé dans «quelques semaines», a-t-on appris mardi de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP).
«Dans le cadre du projet de fabrication par le groupe Saïdal du vaccin anti-covid, avec l’accompagnement du groupe chinois Sinovac, ce vaccin est bel et bien fabriqué et répond aux normes internationales», a indiqué à la presse, le directeur de l’ANPP, M. Kamel Mansouri. «Nous espérons enregistrer le vaccin avant la fin du mois de décembre en cours. Sa commercialisation sera effectuée dans quelques semaines», a précisé M. Mansouri en marge d’une audience accordée par le ministre de l’Industrie pharmaceutique Lotfi Djamel Ben Bahmed au directeur général de Sinovac et la délégation qui l’accompagne.
L’Algérie a lancé le 29 septembre la production locale du vaccin anti-Covid, CoronaVac, en partenariat avec le chinois Sinovac, dans le site de Constantine.