Sous l’effet de la crise des transports provoquée par la pandémie de la Covid-19 et de la transition énergétique, qui va s’accélérer, la demande mondiale de pétrole devrait commencer à stagner durant les prochaines années. Une première étape avant qu’elle ne décline progressivement pour ne plus retrouver les niveaux qu’elle avait précédemment, notamment avant l’été 2014 et le début de la crise des prix pétroliers.
Cette estimation est naturellement sujette à débat comme tout ce qui concerne le domaine des hydrocarbures et son marché très volatil, en particulier. Néanmoins, elle est signée par le géant britannique du secteur BP, la première «major» à faire cette prévision dans son rapport annuel paru hier, ce qui lui confère une audience et une signification à part.
Selon BP, la faiblesse de la demande actuelle ne durera pas et se relèverait de l’impact de la crise sanitaire mondiale liée à la Covid-19, qui a plombé les secteurs moteurs de la croissance comme les transports terrestres et aériens.
Elle restera «largement stable, autour de 100 millions de barils/jour pour les vingt prochaines années, avant de descendre à 95 millions de barils en 2050». D’après son rapport annuel sur l’énergie, il se produirait le phénomène suivant : la demande pour les carburants liquides continuera à progresser dans certains pays émergents comme l’Inde et d’autres pays en Asie et en Afrique, elle connaîtra un déclin dans les pays développés.
Cette hypothèse, chère à notre ministre de la Transition énergétique, Chemseddine Chitour, qui ne cesse de mettre en garde contre les conséquences du progrès des énergies hors hydrocarbures sur les parts de marché algériennes auprès des pays industrialisés, ses clients, est axée par le géant britannique des hydrocarbures sur les bouleversements que connaît l’industrie automobile.
BP explique au sujet de la supposition de déclin de la demande dans les pays avancés que son «ampleur» et son «rythme seront conduits par une efficacité énergétique croissante et l’électrification du transport routier».
La «major» britannique envisage un autre scénario en relation avec l’environnement et l’urgence climatique dont le grand débat dans les pays industrialisés conduirait à des décisions radicales de la part de leurs gouvernements : changement de modèle de consommation énergétique et une taxe carbone plus élevée, par exemple, qui feront chuter la demande en pétrole plus rapidement et plus tôt que prévu. Selon l’extrapolation de BP, la planète en consommerait jusqu’à 80 % de moins qu’aujourd’hui. «Le pétrole et le gaz – dont on continuera à avoir besoin pour des décennies» seront de plus en plus concurrencés, alors que la société réduit sa dépendance aux énergies fossiles», déclare son patron, Bernard Looney, dans le rapport.
D’après les experts, le contenu de ce document est d’autant plus saisissant que les prévisions qu’il contient s’opposent à celles contenues dans le rapport annuel de 2019, qui prévoyait une croissance de la demande de pétrole de 30% jusqu’à l’horizon 2040. L’explication est que la pandémie de la Covid-19 a durement frappé les industries et le secteur des transports, l’aérien, en particulier, qui mettra des années avant de retrouver son cours d’avant, et a bouleversé toutes les données.
Une autre explication, sans doute plus convaincante, est que BP va vers des investissements massifs dans les énergies renouvelables pour se mettre au niveau de ses concurrents européens comme Shell et Total et compenser le déclin de sa production de brut avec l’arrêt de l’exploration pétrolière dans les pays où elle n’est pas présente. «Le pétrole et le gaz – dont on continuera à avoir besoin pour des décennies» seront de plus en plus concurrencés alors que la société réduit sa dépendance aux énergies fossiles», déclare son patron Bernard Looney, plus engagé dans le renouvelable que ses prédécesseurs.
BP veut multiplier par 10 ses investissements dans les énergies à faible émission carbone d’ici 2030, pour atteindre 5 milliards de dollars par an, afin de respecter ses engagements à devenir neutre en carbone d’ici 2050. Il a notamment annoncé la semaine dernière son entrée sur le marché de l’éolien en mer, en investissant un milliard de dollars dans des projets portés par le groupe norvégien Equinor aux États-Unis.