Par Khaled Remouche
Alors que les indicateurs macro-financiers sont au vert avec, notamment, une croissance des réserves de change du pays et une augmentation significative des exportations hors hydrocarbures, le dinar par rapport à l’euro et au dollar américain sur le marché parallèle atteint des seuils jamais vus depuis des décennies, se déconnectant du marché officiel qui observe un raffermissement de la monnaie nationale.
Des membres de la commission finances de l’APN, lors de la présentation, jeudi dernier, par le ministre des Finances du projet de loi sur la monnaie et le crédit, ont proposé l’éradication du marché parallèle de la devise.
Cette proposition est-elle réaliste ? D’abord, il convient de souligner que ce marché noir de la devise est nocif pour l’économie nationale au regard ne serait-ce que des pressions à la baisse de la valeur du dinar ainsi que du risque de transfert illicite de devises et du blanchiment d’argent. Il est donc logique que les autorités cherchent à l’éradiquer.
Les chemins pour y parvenir ne sont pas simples. En effet, pour cerner cette problématique, il convient en premier lieu de situer l’écart entre les taux du dinar par rapport à l’euro et au dollar américain sur le marché parallèle et ceux du marché officiel. Hier, l’euro s’échangeait contre 223 dinars à la vente, le dollar à 203 dinars. Sur le marché officiel, suivant la cotation du 10 février 2023, l’euro était cédé contre 146 dinars et le dollar 136 dinars.
L’écart entre les taux de ces deux marchés est d’environ 50% pour les deux monnaies étrangères. Cet écart a atteint ces dernières années des pics jamais atteints en dépit de l’amélioration de la situation financière du pays. L’augmentation des recettes en devises tirées des exportations d’hydrocarbures, la croissance importante des exportations hors hydrocarbures, l’augmentation des dépôts de Sonatrach à la BEA et celle des liquidités bancaires ainsi que des réserves de change, qui ont atteint la barre des 60 milliards de dollars, n’ont pas fait réagir le marché parallèle de la devise.
Les fluctuations du dinar s’effectuent donc selon les lois de l’offre et de la demande, propres à ce marché où se greffe l’aspect spéculatif. Les indicateurs macro financiers en nette amélioration n’ont donc pas fait remonter la valeur du dinar sur le marché parallèle. La coexistence des deux marchés brouille ainsi la perception sur la vraie valeur du dinar.
Pour Hocine Benissad, dans un ancien ouvrage, la valeur du dinar sur le marché parallèle constituait la vraie valeur du dinar. D’où la propension constatée auparavant par certaines entreprises de facturer des biens produits ou importés sur la base du dinar sur le marché parallèle, ce qui a induit un surcoût que supporte in fine le consommateur. Pour les tenants de l’orthodoxie financière, le dinar sur le marché officiel est surévalué. Il est clair que ce ne sont pas par des mesures répressives qu’on parviendra à éradiquer le marché parallèle suivant plusieurs spécialistes du domaine. Pour un observateur de la scène financière locale, l’éradication du marché parallèle passe par la réduction des besoins des particuliers et des entreprises à ce marché. La disponibilité d’une offre locale en quantité et qualité participe à cette éradication. En particulier, il convient d’assurer la disponibilité des médicaments, une offre de soins de qualité en Algérie qui n’oblige pas les Algériens à recourir à ce marché pour y accéder. Un enseignement supérieur de qualité qui ouvre des perspectives d’emplois bien rémunérés permet d’empêcher l’exode des étudiants et des jeunes diplômés vers l’étranger qui passe souvent par le recours au marché noir de la devise. Il s’agit également de réunir les conditions pour une offre touristique locale de qualité susceptible d’encourager les Algériens à passer leurs vacances et les émigrés à privilégier l’Algérie dans leur choix de séjour touristique. n