Par Feriel Nourine
Comme attendu, la Russie a dit non, hier, au plafonnement du prix du baril de pétrole sur lequel se sont mis d’accord, la veille, l’Union européenne, le G7 et l’Australie.
Ces derniers ont fixé à 60 dollars le prix du pétrole russe (brut de l’Oural) livré par voie maritime, et Moscou s’y est opposé, sur fonds d’avertissement d’interrompre ses livraisons aux compagnies et aux pays qui suivraient cet accord.
«Nous n’accepterons pas ce plafond», a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, cité par les agences russes. Il a ajouté que son pays s’était «préparé» en amont «pour un tel plafond», sans donner plus de détails. Mais l’ambassadeur russe auprès des organisations internationales, dont le siège est à Vienne, Mikhaïl Oulianov, en a apparemment donné l’essentiel en assurant que l’Europe devrait désormais «vivre sans le pétrole russe».
La riposte de la Russie à l’accord des 27 et leurs alliés était, effectivement, attendue dans cette direction. Ceci d’autant plus que le rejet du plafonnement de son pétrole n’a pas attendu l’accord de vendredi pour se manifester.
Il a été réitéré à plusieurs reprises, au rythme de la longue série de discussions entre les membres de l’Union, avant d’arriver à une entente aux forceps, et un plafonnement dont l’entrée en vigueur est prévu pour ce lundi 5 décembre, afin de priver la Russie de ressources pour financer sa guerre contre l’Ukraine.
Sauf que pour que le plafonnement dégagé se concrétise sur le terrain, Moscou devra continuer d’accepter de vendre du pétrole aux pays qui l’ont adopté. Ce qui ne sera visiblement pas le cas, et avant la sortie de Dmitri Peskov, le vice-Premier ministre russe chargé des questions énergétiques, Alexandre Novak, avait prévenu que cela ne se ferait pas. «En ce qui concerne les restrictions sur les prix, (…) nous ne livrerons simplement plus de pétrole ou de produit pétrolier aux compagnies ou aux pays qui imposent de telles restrictions», a-t-il averti, jeudi, cité par les agences de presse russes.
En fait, l’accord était déjà acté sur le principe, mais il restait suspendu à la décision de Varsovie, qui a donné son feu vert vendredi sur ce prix, permettant d’abord un accord au sein de l’UE, puis avec les autres pays du G7 et l’Australie.
Les cours du baril de pétrole russe évoluent actuellement autour de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, impliquant un impact limité à court terme.
«Nous serons prêts à examiner et à ajuster le prix maximum le cas échéant», indiquent le G7 et l’Australie dans leur communiqué. Et un plafond devrait également être trouvé pour les produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023.
Le mécanisme proposé par Bruxelles prévoit d’ajouter une limite fixée à 5% en dessous du cours du marché, dans le cas où le pétrole russe passerait sous les 60 dollars.
De fait, certains experts craignent une déstabilisation du marché mondial et s’interrogent sur la réaction des pays producteurs de l’Opep, qui se réunissent aujourd’hui à Vienne.
«Ce plafonnement contribuera à stabiliser les marchés mondiaux de l’énergie (…) et bénéficiera directement aux économies émergentes et aux pays en développement», puisque le pétrole russe pourra leur être livré à des prix inférieurs au plafond, a au contraire assuré sur Twitter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
En revanche, «un plafond de prix du pétrole, ça ne s’est jamais vu. On est dans l’inconnu», s’alarme Phuc-Vinh Nguyen, Phuc-Vinh Nguyen, un expert des questions énergétiques à l’Institut Jacques-Delors. Il souligne que la réaction des pays de l’Opep ou de gros acheteurs comme l’Inde et la Chine sera cruciale.
Parallèlement à ces analyses, la question se pose quant à l’adhésion que pourrait susciter l’accord de vendredi, sachant que pour avoir un effet, il doit être adopté par d’autres pays, en priorité de grands clients de la Russie comme l’Inde ou la Chine.
«Le G7 leur fait miroiter la possibilité de négocier des prix plus bas. Mais la Chine et l’Inde achètent déjà leur pétrole moins cher» à la Russie, rappelle Bill O’Grady, de Confluence Investment. «Ils ne vont pas suivre» le plafonnement, prévient John Kilduff, d’Again Capital au sujet de pays qui n’ont, jusqu’ici, pas participé au mouvement de sanctions qui vise la Russie depuis le début de sa guerre contre l’Ukraine. <