L’Algérie est aujourd’hui dans une situation où elle doit freiner le déclin de sa production et de celui de ses réserves gazières et consolider sa puissance de pays producteur-exportateur. Sonatrach devra développer et exploiter dans des délais rapides ses nouveaux sites en gaz, capter les investissements et songer au recours à l’extraordinaire ressource non conventionnelle.

Par Khaled Remouche
La participation de l’Algérie au Sommet du forum gazier de Doha, au Qatar, reflète la place importante qu’elle occupe parmi les pays producteurs-exportateurs présents à ses travaux. Face à la Russie, le Qatar, l’Iran et le Nigeria, pour ne citer que ces Etats, notre pays joue, en effet, un rôle considérable et dispose d’une voix audible. Ces deux caractéristiques se trouvent incarnées dans le fait que le Forum est né, il y a plus de dix ans, d’une initiative notamment algérienne et qu’il est présidé par un Algérien, Rachid Hamel, ancien conseiller auprès du ministère de l’Energie.
En Effet, l’Algérie n’a jamais fait mystère, en tant que puissance gazière, de son souhait de voir se créer entre les pays producteurs-exportateurs un espace de concertation, d’échanges d’expérience et d’expertise ainsi que d’analyse du marché du gaz. Son dynamisme observé sur ce terrain depuis 2011 au moins – séquence durant laquelle elle n’a cessé de militer à l’occasion des grands rendez-vous énergétiques internationaux ou lors de ses relations bilatérales avec les pays du Forum – correspond à son positionnement sur le marché de l’exportation du gaz naturel et du GNL.
Ce dynamisme résulte aussi d’une vision (largement confirmée aujourd’hui par la crise de l’approvisionnement et des prix en Europe) que le gaz est devenu une source énergétique de haute valeur géoéconomique et géostratégique, au même titre que le pétrole. Aujourd’hui, des experts parlent d’«échiquier gazier». L’enjeu, c’est d’avoir les meilleures pièces possibles…
Mais où en est-on ? S’il convient de reconnaître que les niveaux d’extraction et d’exportation gaziers de l’Algérie demeurent encore importants, il y a lieu également de relever que notre pays a reculé par rapport aux autres grands producteurs-exportateurs mondiaux, un déclassement qui s’est opéré du fait de la régression de ses exportations de GNL.
De renommée mondiale, la revue des statistiques de BP, dans son édition de 2021, montre bien ce phénomène qu’elle mesure sur une séquence décennale : en 2020, l’Algérie n’a exporté que 15 milliards de mètres cubes de GNL contre 19,5 milliards de mètres cubes en 2010. La moyenne durant ces dernières années, rappelle-t-on, se situe entre 13 et 16 milliards de mètres cubes. Conséquence de cette chute, l’Algérie a perdu plusieurs places. Tantôt troisième, tantôt quatrième exportateur mondial de GNL durant la première décennie 2000 – avec une capacité d’exportation entre 27 et 30 milliards de mètres cubes par an – elle est aujourd’hui dépassée par l’Australie, la Russie, les Etats-Unis, le Nigeria, la Malaisie et l’Indonésie.
Pour la production, l’Algérie, qui figurait au Top Cinq des pays les plus performants, se retrouve aujourd’hui derrière neuf pays. Motif d’assurance, cependant, notre pays figure toujours au Top dix des pays producteurs de gaz naturel et exportateurs de GNL dans le monde. Un classement qui la place néanmoins à la croisée des chemins et devant des choix décisifs. Soit elle continuera de subir l’impact du recul de ses réserves et de son niveau de production – les premières sont passées de 4 300 milliards de mètres cubes, en 2010, à 2 300 milliards de mètres cubes, en 2020, selon la revue BP ; le second est passé, selon la même source, de 93,8 milliards de mètres cubes, en 2018, à 81,5 milliards de mètres cubes, en 2019, et 87 milliards de mètres cubes en 2020. Soit elle s’emploie à préserver sa puissance gazière, en tenant compte de cet autre et redoutable paramètre qu’est la croissance extraordinaire de la demande domestique et son effet sur le volume des exportations.
Dans ce domaine, l’Algérie n’a pas d’autre choix que de développer rapidement la quarantaine de sites pétroliers et gaziers récemment découverts, selon un responsable de la compagnie nationale des hydrocarbures, Sonatrach. Il s’agit notamment de développer et de mettre en service dans des «délais raisonnables» les nouveaux gisements découverts tels que ceux d’Issaren de l’Ahnet et ceux du Sud-Ouest. Attirer les partenaires étrangers devient également nécessaire si on veut concrétiser rapidement cet objectif. Concernant le GNL, la chute de production est due à des problèmes de maintenance des anciens complexes de GNL à Arzew et Skikda. Il faudrait soit les rénover, soit prévoir de nouvelles installations de GNL une fois le problème de volumes réglé.
A moyen terme, relève encore un expert, la consolidation et le renforcement de la puissance gazière de l’Algérie passeront par le recours aux ressources non conventionnelles. Les découvertes réalisées au cours des dix dernières années sont, pour bon nombre d’entre elles, du tight gas (gaz compact) ou du gaz non conventionnel.
Le potentiel de l’Algérie en gaz et pétrole reste important. Il faudra mobiliser des ressources financières et de l’expertise et convaincre les populations des régions concernées du bienfait de ces richesses, en leur présentant des garanties quant à la protection de l’environnement et la préservation des ressources hydriques, insiste notre expert.