Les sanctions prises par les pays occidentaux contre la Russie n’ont pas encore touché directement les exportations pétrolières de ce pays. Les Etats-Unis et leurs alliés semblent mesurer à ses justes retombées l’interdiction d’acheminement des volumes de brut, fournis par le deuxième exportateur mondial à une demande mondiale en plein rebond, alors que les pays gros consommateurs jugent l‘offre insuffisante.

Par Feriel Nourine
L’industrie pétrolière russe serait, cependant, en train de connaître des perturbations, suite au retrait d’entreprises européennes évoluant en Russie, pour ne citer que ce facteur déterminant. Des mesures directes contre cette même industrie ne sont, cependant, pas exclues. Si le conflit entre la Russie et l’Ukraine venait à durer dans le temps dans sa version armée, ce type de mesures pourrait bien figurer sur la liste de nouvelles sanctions qui seraient prises contre Moscou. La coalition antirusse est sans doute en train d’étudier la possibilité de mettre à l’arrêt total les exportations russes de pétrole en comptant sur une alternative fiable, et surtout durable, qui permettrait de combler le déficit que causerait fatalement le manque d’or noir à l’offre mondiale.
Alternative durable signifie que la menace du recours aux réserves stratégiques, brandie de nouveau mardi dernier par les Etats-Unis et d’autres pays consommateurs, n’aurait pas la portée escomptée pour faire redescendre les prix du brut tel que souhaité par ces derniers. Etant épuisable à court terme, ce type de stocks ne saurait convaincre les pays membres de l’Opep+ de renoncer à la démarche prudentielle qu’ils appliquent au programme d’assouplissement de leur accord de production, soit 400 000 barils par jour depuis août dernier. Un quota reconduit pour le mois d’avril, mercredi dernier lors de la réunion ministérielle de l’alliance, faut-il le rappeler.
Autrement dit, les pays consommateurs doivent chercher une piste autre que les réserves stratégiques pour pallier l’éventuelle rupture des livraisons russes dans une configuration de guerre et d’intervention de nouveaux facteurs qui mettraient le marché dans un situation plus difficile à gérer. Sur ce registre, des indicateurs se dégagent de plus en plus de la réunion de Vienne sur le nucléaire iranien. Les négociations qui se tiennent depuis plusieurs semaines dans la capitale autrichienne se poursuivent, ces derniers jours, dans une atmosphère inévitablement impactée par le conflit armé entre la Russie et l’Ukraine. Partant, ces négociations ne pouvaient éviter les dossiers qui font l’actualité, même si ceux-ci ne sont pas officiellement comptabilisés dans le cadre d’un accord final.
Comprendre que, bien qu’étant considéré comme ennemi nucléaire potentiel, l’Iran est aussi perçu comme gros producteur de pétrole dont le retour sur le marché peut considérablement aider les pays consommateurs à supporter une configuration d’offre mondiale amputée des volumes russes. Cette donne n’est certainement pas sans influer sur les négociations et leur raccourcir la voie vers un accord. Celui-ci serait même imminent, selon des médias occidentaux. Il se heurte, toutefois, à des exigences de la Russie portant sur des garanties américaines que les mesures de rétorsion prises à l’égard de l’Iran n’affecteraient pas sa coopération avec Téhéran.
L’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) sont, en effet, convenus d’un mécanisme pour régler des questions en suspens, mais des exigences formulées par la Russie pourraient retarder un succès des négociations visant à sauver l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, rapporte l’AFP. Dans le cas précis de l’offre pétrolière, les autorités iraniennes auraient promis plus de production si l’accord venait à être officiellement conclu. C’est en tous les cas ce que rapportent encore les médias occidentaux, citant le ministre iranien du Pétrole Javad Owji. «La République islamique d’Iran est prête à accroître sa production et ses exportations au niveau d’avant-novembre 2018», a affirmé ce dernier faisant référence au 5 novembre 2018, lorsque les Etats-Unis avaient rétabli des sanctions très sévères contre le secteur pétrolier iranien, suite au retrait unilatéral de Téhéran de l’accord international de 2015, visant à limiter le programme nucléaire iranien.
«Je promets d’atteindre la capacité d’exportation de pétrole la plus élevée d’ici un à deux mois dès que le feu vert de Vienne sera donné», a assuré Javad Owji, soutenant que «l’Iran est techniquement et opérationnellement en mesure de stabiliser sa part des exportations sur le marché mondial après la levée des sanctions». Le ministre estimait début février la capacité de son pays d’exporter 2,5 millions de barils par jour de pétrole et de produire environ 4 millions de barils par jour.
Reste à savoir ce qui a poussé le ministre iranien du secteur à faire de telles promesses. Aurait-il donc subi des pressions sur ce registre par des pays en quête d’un remplaçant à la Russie ? En tous les cas, l’accord sur le nucléaire semble bel et bien avoir été conditionné par la situation actuelle du marché qui est loin de satisfaire les pays consommateurs. La question qui se pose aussi concerne la démarche qu’adopterait l’Iran pour augmenter en solo ses quotas sans provoquer de tensions au sein de l’Opep+ dont ce pays est membre de l’Opep où il est classé cinquième producteur.