Il n’y a sans doute pas de mots assez forts pour décrire le crime commis contre notre patrimoine au Tassili N’ajjer. Des pans entiers de l’héritage préhistorique de l’humanité sont en train de disparaître dans un silence assourdissant.

Par Hamid Bellagha
Des gravures rupestres d’une valeur inestimable font l’objet d’attaques apparemment bien orchestrées pour dépouiller la région de ces trésors inestimables. Des dessins sur les rochers et sur les murs des grottes, attestant d’une présence humaine il y a des milliers d’années, ainsi que d’une flore et d’une faune aujourd’hui disparues, menacent de rendre l’âme après des siècles de témoignages anthropologiques, et pas seulement.
Le pillage des lieux qui était à un stade artisanal, avec plus de dégradations du fait d’ignares, semble prendre une tournure professionnelle, et c’est là le plus inquiétant.
En effet, des gravures rupestres de Tassili N’ajjer, wilaya d’Illizi, ont subi de sérieux actes de déprédation. Ce n’est point du vandalisme qui consiste à inscrire des initiales d’amoureux transis sur les dessins rupestres, mais de véritables opérations de vols manifestes. Une dame, tragiquement outrée par le décor qu’elle a découvert sur plusieurs sites du Tassili N’ajjer, a posté une vidéo du lieu du crime et, d’une voix émue, implore les responsables au niveau le plus haut dans la hiérarchie du pays, «à mettre fin au pillage» de la culture ancienne de l’Algérie et même mondiale.
La vidéo postée par la donneuse d’alerte ne laisse aucun doute sur les intentions de voleurs sans scrupules. Ce n’est pas «pour des raisons inconnues», comme mentionné sur certains sites d’informations, que les détrousseurs sont passés par Illizi, mais bien pour des raisons pécuniaires qui ne laissent pas de place au doute sur leur intention de pillage culturel. Les traces de tronçonneuses laissées par les larrons témoignent d’un vol organisé, planifié, et sans doute déjà en contact avec des receleurs ou carrément de «commandes» à l’avance. Car plusieurs gravures d’animaux ont déjà disparu laissant des vides, alors que d’autres attestent d’une future rapine qui menace de décimer la faune dessinée sur les murs des grottes de nos lointains aïeux.
«J’ai vraiment mal au cœur. Voilà, ils ont carrément altéré le dessin de la gazelle et ils s’apprêtent à faire de même avec celui de la vache. Ce sont peut-être des voleurs qui veulent subtiliser ces gravures» se lamente la dame sur son post. Sa vidéo ne manquera pas d’alerter les autorités compétentes dont on attend une réaction immédiate. La dame, désormais une héroïne, continuera de témoigner et de solliciter «monsieur le wali d’Illizi, madame la ministre de la Culture, monsieur le chef de l’Etat, il faut intervenir en urgence.» Elle situe le lieu à In Amenas, toujours dans la wilaya d’Illizi.
La police des sites protégés qui existent depuis des années ne peut pas ne pas être au courant des méfaits commis contre la mémoire de l’humanité. Le peu d’images sur la vidéo ne laisse aucune ambiguïté sur les intentions des voleurs mais aussi et surtout sur leur professionnalisme dans le pillage organisé des sites culturels.
On se rappelle qu’il y a quelques mois, c’est une touriste italienne qui a donné l’alerte sur le saccage des dolmens millénaires de Bounouara, à 15 kilomètres de Constantine, destinés à devenir de la vulgaire caillasse dans les carrières avoisinantes.
L’essentiel a pu être sauvé. Espérons que les gravures rupestres du Tassili N’ajjer pourront aussi trouver une main salvatrice. <