Opérateur historique du marché africain du blé, la France est, aujourd’hui, bousculée par la concurrence d’autres acteurs mondiaux comme la Russie. En octobre dernier, les exportateurs russes ont annoncé leur intention de pénétrer le marché algérien, troisième importateur mondial de blé. L’Algérie va-t-elle ouvrir son marché aux Russes en modifiant son taux acceptable de grains punaisés en le faisant passer de 0,1 % à 0,5% ? Dans un entretien accordé à l’agence Ecofin, François Luguenot, analyste de marché, relève l’existence d’une «forte pression» pour que l’Algérie s’ouvre au blé russe. «Régulièrement, la presse se fait l’écho des surcoûts qu’occasionne l’exclusion de cette origine. Or, nous l’avons dit, le pays ne jouit pas d’une situation économique florissante», souligne l’expert. A ses yeux, la question «dépasse la seule problématique du secteur du blé : elle implique peut-être des accords gouvernementaux de plus haut niveau». Dans l’entretien, M. Luguenot indique qu’«il paraît probable que le pays s’ouvrira à d’autres origines, d’autant que les Russes savent assurer un taux de grains punaisés inférieur à 0,1 %. Mais il semble impossible de dire quand cette évolution se fera jour». Notons que l’Algérie cherche des fournisseurs autres que les traditionnels, à savoir la France, le Canada ou les USA. L’Oaic vise, entre autres, la Russie avec qui les autorités algériennes avaient confirmé l’existence de négociations en vue d’importer du blé tendre russe.
Une délégation, composée de représentants du ministère de l’Agriculture, de l’Office algérien interprofessionnel des céréales et d’experts agronomes, s’est déplacée au début du mois d’octobre dernier en Russie pour ramener des échantillons de blé russe, en vue d’en analyser les taux d’ivraie, de poussière et de résistance à l’humidité. Si à l’heure actuelle, aucun élément de réponse sur les conclusions du contrôle phytosanitaire n’est communiqué, il convient tout de même de préciser qu’il a été révélé que des clients internationaux, notamment asiatiques, à la réception des bateaux de blé russe, se sont plaints d’impuretés dans les grains. D’autre part, l’agence Sputnik a, récemment, annoncé que l’Algérie songe à augmenter ses importations de blé russe, ce qui menacerait les intérêts de la France, jusqu’ici principal fournisseur de céréales à notre pays.
La même source a également précisé que l’Office algérien interprofessionnel des céréales a annoncé que l’Algérie achèterait 550 000 tonnes de blé de minoterie. Les médias russes ont rapporté que les négociations entre l’Algérie et Moscou en étaient «à la dernière étape» en ce qui concernait l’acquisition de blé russe, sans révéler les quantités que l’Algérie pourrait importer. Notons, par ailleurs, que selon un rapport publié par le Département de l’agriculture des Etats-Unis en août 2018, l’Algérie a maintenu sa position parmi les plus gros importateurs de blé du monde, et que ses importations moyennes pour les périodes de 2018 et 2019 ont légèrement diminué (de 7,2 millions de tonnes). Les importations céréalières totales de l’Algérie, en particulier le blé tendre et le maïs, sont estimées à près de 13 millions de tonnes par an.
Constat confirmé par les statistiques des Douanes algériennes qui, elles aussi, relèvent une hausse des importations algériennes de céréales sur les 11 premiers mois de l’année 2018, comparativement à la même période de 2017. La facture des importations des céréales, semoules et farines a atteint 2,844 milliards de dollars, de janvier à novembre 2018, contre 2,552 milliards de dollars durant la même période de 2017, soit une augmentation de plus de 292 millions de dollars (+11,46%). La hausse de la facture d’importation des céréales est la conséquence, en partie, de la faible production nationale qui n’a pu dépasser les 60 millions de quintaux durant la saison 2017/2018. Les prévisions du ministère de l’Agriculture pour la saison 2018/2019 tablent sur une production céréalière de 90 millions de quintaux. n