Par Khaled Remouche
Les experts émettent plusieurs réserves. Cette opération n’est pas considérée par certains comme une mesure à court terme. L’urgence actuellement est le redressement de l’économie nationale. Adel Bensaci, président du Conseil national consultatif pour la promotion des PME (CNDPME), insiste sur la nécessité notamment de définir l’objectif de cette opération et de son insertion dans une stratégie globale de sortie de crise.
En effet, l’annonce du président de la République quant à l’ouverture du capital des entreprises publiques, y compris les banques, en vue de rompre avec la gestion administrative du secteur public économique a suscité la réaction d’experts et d’un opérateur qui émettent plusieurs réserves. Selon Adel Bensaci, président du CNDPME et également industriel, cette décision soulève plusieurs interrogations. S’il considère que la décision est une mesure positive sur le principe, elle n’apporte pas de réponses, a-t-il ajouté, à diverses interrogations : quelles sont les entreprises publiques concernées ? A qui est destinée cette ouverture du capital ? Sous quelle forme sera opérée cette ouverture du capital, semi-privatisation, privatisation partielle ? Quel objectif est assigné à cette ouverture du capital ? Adel Bensaci relève qu’à l’exception de certains secteurs stratégiques, où l’Etat devra être présent et contrôler l’entreprise, ce dernier devrait se limiter à son rôle régalien, s’occuper de la santé, de l’éducation, de la sécurité. Sur le plan technique, pour que cette opération d’ouverture puisse s’effectuer, il faut des préalables : l’assainissement de la situation financière des entreprises publiques concernées et l’assainissement de leur situation fiscale, la valorisation de leur patrimoine à travers notamment une évaluation fiable des actifs. Elle devra s’effectuer également dans la transparence totale. Adel Bensaci rappelle que les privatisations opérées sous Abdelhamid Temmar, ex-ministre des Participations, au début des années 2000, ont été de mauvaises privatisations. On a privatisé des entreprises publiques qui étaient saines financièrement, comme l’Enad, l’Engi, et cédé le complexe El Hadjar à l’indien Ispat, qui s’est sucré sur le dos de l’Algérie au lieu d’investir dans la modernisation de ce complexe sidérurgique. Sur le plan de l’orientation de ces ouvertures de capital, ces opérations devraient s’inscrire, a-t-il ajouté, dans une stratégie globale de croissance ou de sortie de crise et non comme une mesure isolée parmi d’autres et sans cohérence entre elles.
Kamel Agsous, ancien PDG d’une entreprise publique et président des Bourses de sous-traitance, considère, lui, que ce n’est pas une mesure à court terme mais une mesure à appliquer à moyen terme. Il faut d’abord redresser l’économie nationale, qui est l’urgence des urgences actuellement et une des conditions pour que cette opération réussisse. Il faut commencer par diagnostiquer les opérations de privatisation qui ont été pratiquées en 2003-2004 suivant la feuille de route d’Abdelhamid Temmar, dont les résultats sont faibles selon une fausse conception dont le passage au secteur privé serait un gage de meilleure performance, alors que dans le secteur privé, il existe bien de cas d’entreprises guère performantes et dont la gestion ne répond pas aux standards internationaux. Il existe, à l’opposé, des entreprises publiques performantes. «Je ne pense pas que le passage au secteur privé soit la principale solution pour relancer l’économie nationale. Nous continuons à travailler suivant le même système», observe-t-il, «les entreprises publiques restent fermées sous le carcan administratif. On ne leur a pas donné la liberté d’investir, de mettre à niveau leur appareil de production, de moderniser leur entreprise. C’est pourquoi, aujourd’hui, la majorité des entreprises publiques vivent de graves difficultés financières accentuées par les effets de la crise sanitaire». L’autre condition pour que réussisse le processus d’ouverture du capital des entreprises publiques «est de consulter au préalable les hommes du terrain», les industriels, les organisations patronales, les syndicats, les associations professionnelles. En d’autres termes, organiser une concertation et dégager un consensus. Kamel Agsous insiste, in fine, sur la régularité de ces opérations et sur la transparence pour éviter la prédation du patrimoine de l’Etat. n