Ils étaient des dizaines, voire des centaines, de jeunes sans emploi, de tous âges et niveaux, venant des quatre coins de la grande-Ouargla, à répondre présents à l’appel lancé par des militants à travers les réseaux sociaux. Cette fois, les chômeurs, qui se sont rassemblés à la place de Souk Lahdjar, exigent, en premier lieu, l’ouverture d’une enquête sur la gestion de l’emploi par les responsables des différentes institutions concernées.
Mars 2013-janvier 2021, huit ans de combats incessants et de souffrance. Les dates diffèrent, les visages aussi, mais les revendications demeurent les mêmes : «On veut un emploi». «On réclame l’ouverture d’une enquête et de punir la mafia qui a gâché l’avenir des jeunes du Sud et brisé leurs rêves», est l’appel de tous les manifestants qui ont participé au rassemblement des chômeurs ce dimanche.
A peine 8H50, dans cette belle matinée ensoleillée mais glaciale, des jeunes venant des localités lointaines sont déjà sur les lieux de rassemblement.
Le rendez-vous est donc tenu, et la place de Souk Lahdjar (ex-souk Lahtab), jouxtant le vieux Ksar d’Ouargla, a été envahie par les manifestants. La fameuse Rose de sable, symbole de la contestation sociale et des chômeurs à Ouargla, est couverte de banderoles et du drapeau national, à peine visible au bout de quelque temps, suite à l’afflux des protestataires. Les organisateurs, en gilet orange, tentent de contenir les manifestants, dont certains ont voulu escalader la Rose de sable, espérant prendre la parole et s’exprimer.
Pacifisme, civisme et bonne organisation
Pacifique, civique et bien organisé, c’est ce qui a marqué le rassemblement des chômeurs, en ce début d’année et qui reflète surtout le sens du civisme chez les jeunes demandeurs d’emploi. Ces derniers, à travers leurs mouvements de protestations, ont montré leur capacité à se mobiliser collectivement pour la défense de leurs droits, à travers des revendications et des pratiques pacifiques.
Avant, ce rassemblement, des rencontres nocturnes dans les espaces publics entre des jeunes cadres sans emploi et chômeurs, au niveau des quartiers populaires de la ville, ont eu lieu ces deux dernières semaines pour planifier cette manifestation, qui signe le retour des protestations des chômeurs dans la région.
«Il faut que ça change !»
«Ouin raki ya adala wel issaba daret hala», « Massiretna dayma madam el issaba kayna», «Al-amal hak machrouu» sont les quelques slogans parmi d’autres qui ont été scandé par les manifestants.
Une escalade qui survient après l’achèvement du délai accordé aux autorités locales pour répondre à la plateforme de revendications, adressée par courrier le 8 décembre 2020 dernier, au wali d’Ouargla et aux autorités concernées par la voie hiérarchique. Les demandeurs d’emploi avaient, rappelons-le, réclamé dans leur requête l’ouverture d’une enquête aux fins de lever le voile sur les agissements, qualifiés de «douteux, d’ambigus et de carrément malhonnêtes», de certains acteurs de l’emploi, chefs d’entreprise pétrolière et toutes les institutions qui interviennent dans le domaine de l’emploi au niveau de la wilaya d’Ouargla, précise un des coordonnateurs du mouvement des chômeurs, Kamel Bouchoule, dans un entretien avec Reporters.
«Depuis l’envoi de notre courrier, aucune réponse de la part du wali ne nous est parvenue. La situation stagne, une génération brisée et l’avenir de centaines de jeunes de la région est en jeu. Il faut que ça change. On ne mendie pas un travail, on réclame un droit, notre droit», lance Bouchoule.
«Après plus de 32 semaines, et malgré la pandémie du coronavirus, de sit-in pacifiques et de grèves de la faim, aucun signe manifeste d’amélioration ou une lumière quelconque au bout du tunnel. Cette fois, les choses doivent changer», poursuit ce dernier. Des jeunes, inscrits à l’Anem depuis des décennies et qui franchissent la quarantaine, n’ont toujours pas été embauchés. «Des cadres supérieurs, diplômés de l’Institut des hydrocarbures, vendent des légumes et d’autres sont exploités par des privés dans des travaux de manœuvrier pour des salaires indécents dans une ville, située au cœur de la zone des hydrocarbures», dénonce-t-on. Une situation difficile du fait de la concurrence de travailleurs venus du Nord, voire de l’étranger, et la gestion «douteuse» et «malhonnête» des offres et des recrutements au niveau des agences de l’emploi. Le chômeur, durant des années d’attente, oscille entre espoir et découragement. Toutes les formes de contestation ont été déployées allant jusqu’à la mutilation du corps dans le seul but de solliciter un poste dans une des 3 000 sociétés implantées sur le territoire de la wilaya.
Les solutions apportées jusqu’ici par les différents responsables qui se sont succédé à la tête de la wilaya étaient aléatoires et visaient beaucoup à calmer les jeunes en colère.
Un parcours qui date de plus d’une décennie. Rappelons que la «milouniya» de mars 2013 a constitué un moment charnière dans le mouvement des chômeurs dans la wilaya d’Ouargla, qui se sont révoltés contre leur exclusion du travail dans les compagnies pétrolières, la marginalisation et l’injustice dans le partage des richesses du pays. Aujourd’hui, les chômeurs de la wilaya d’Ouargla, souffrant encore de chômage, de marginalisation et de favoritisme, exigent la transparence dans la gestion des offres d’emploi et appellent à lutter contre la corruption au sein des agences locales de l’emploi et punir leurs responsables, qui ont fait du recrutement dans les sociétés pétrolières un véritable business. Les manifestants ont exprimé, également, leur désarroi face aux mensonges, aux fausses promesses et leur exclusion du recrutement direct notamment des sortants des universités et des CFPA. Ils ont aussi dénoncé la bureaucratie et les pratiques abusives des entreprises nationales ainsi que des entreprises de sous-traitance, avec des salaires indécents et dans des conditions de travail difficiles. Seuls des postes de manœuvriers ou de petits boulots au niveau des caterings et de gardiennage sont offerts aux jeunes du Sud. Les manifestants poursuivent : «Beaucoup de travailleurs contractuels ou à travers les agences de sous-traitance ont perdu arbitrairement leur poste de travail et leurs salaires sous le prétexte du Coronavirus et sans aucun respect de leurs droits.