Les courants et les figures politiques qui considèrent, aujourd’hui, que la solution à la crise politique et institutionnelle de l’Algérie passe par la tenue d’une élection présidentielle, ne forment pas un bloc homogène comme on pourrait vite le croire. Ils se distinguent par des éléments de différenciation qui vont au-delà de la nuance et révèlent par leurs attitudes et leurs discours des approches différentes sur la façon de concrétiser l’option dite présidentielle. Un bref examen croisé des récentes déclarations de Abdelaziz Belaïd et Abdelaziz Rahabi permet de le constater.

Dans ce camp des partisans de la présidentielle, il y a les candidats déclarés, comme le président du Front El Moustakbel, Abdelaziz Belaïd qui, dès le départ, s’est positionné en faveur du scrutin présidentiel comme unique solution à la crise que vit le pays. Cette attitude, il l’a de nouveau réitérée, samedi dernier à Guelma, lors d’une rencontre régionale des cadres de son parti. Notamment, en appelant à la mise en place « dans les plus brefs délais » de la commission nationale de préparation et d’organisation de ce scrutin.
«Il ne faut pas perdre davantage de temps et accélérer la mise en place de l’initiative du chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, relative à l’ouverture d’un dialogue en vue de mettre sur pied une commission nationale, chargée d’organiser l’élection avec des ramifications au niveau des wilayas et des communes pour mettre un terme à toutes les formes de fraude », a précisé Abdelaziz Belaïd. Le leader affirme avoir eu des discussions avec le président de l’Etat et reçu « plusieurs formations politiques » dans le cadre du dialogue, auquel il appelle et dont l’objectif, estime-t-il, ne doit réellement porter que sur la création d’une commission électorale et la mise sur pied d’un dispositif d’étape devant conduire à l’organisation d’une élection présidentielle avant la fin de l’année, selon ses collaborateurs.
Face à Abdelaziz Belaïd, qu’on peut surnommer « l’homme pressé de la présidentielle », puisqu’il n’a jamais fait mystère de son ambition présidentielle ni de son empressement à l’assumer comme candidat dans les temps les plus courts, qu’on peut considérer aussi comme un inconditionnel des thèses du chef d’état-major de l’ANP sur la crise et les solutions à lui opposer, il y a les candidats non déclarés ou prudents.
Ces derniers sont caractéristiques d’une catégorie politique qui n’est surtout pas hostile à l’option de la présidentielle comme solution, mais qui ne veut pas, pour l’instant, s’avancer trop vite sur un terrain qu’elle considère comme truffé de mines, susceptible d’évoluer dangereusement contre la cohésion et la sécurité du pays.

Interrogations et méfiance
Ils n’ont, donc, pas la lecture optimiste, voire simpliste que fait Abdelaziz Belaïd de la crise, dont il a dit à Guelma qu’elle n’était « pas grave ». Ils s’inscrivent, comme on le voit à travers les « forces du changement » et leur « forum pour le dialogue national » du 6 juillet, dans une initiative collective qui consiste à considérer l’élection présidentielle non pas comme une finalité en soi, mais comme l’aboutissement d’un processus consensuel devant lui-même s’ouvrir sur les réformes que revendiquent les partisans d’une solution de transition et d’une constituante, disons-le.
Leur posture consiste à mettre entre parenthèses leurs aspirations personnelles pour « jouer ensemble » contre le processus transitionnel, qu’ils jugent difficile à élaborer et périlleux en raison du temps qu’il coûte. Une attitude qu’on peut percevoir chez une personnalité comme le coordinateur des « forces du changement », Abdelaziz Rahabi, dont le diagnostic de la crise fait de lui un « partisan patient » de la présidentielle. Et qui, contrairement à un Abdelaziz Belaïd, qui a déclaré samedi dernier à Guelma que « l’Algérie est appelée à entrer de plain-pied dans la vraie démocratie à travers l’organisation d’une élection propre et transparente », insiste avant tout sur le fait qu’« il n’est pas possible de convoquer le corps électoral dans le contexte actuel parce que le peuple n’est pas prêt à l’accepter ». Il souligne que
« la date de l’élection n’est pas la clé de la solution » et que « la clé de la solution est l’accord politique global entre les forces politiques et un environnement de nature à donner aux Algériens le sentiment qu’ils vont vers une élection propre, que leurs voix ne seront pas détournées, que les choses ont changé et que le pays entre véritablement dans un processus électoral démocratique». «Le pouvoir est-il disposé à céder de ses prérogatives et à accompagner cet effort de sortie de crise ?» se demande M. Rahabi. Vis-à-vis de l’Armée, qui détient le pouvoir réel, l’attitude chez lui, comme chez les figures politiques engagées dans les « Forces du changement », est interrogative, voire méfiante. Ce sentiment n’existe pratiquement pas chez M. Belaïd qui a préféré déléguer un représentant au Forum du 6 juillet dernier.