La Fondation Cheikh Abdelkrim-Dali a organisé, dans la soirée de vendredi dernier, un vibrant hommage à la diva du chant hawzi et du aroubi algérois à l’Opéra d’Alger Boualem-Bessaih. A cette occasion, le public a assisté à une soirée exceptionnelle, où durant près de trois heures, il a été convié à apprécier l’univers enchanteur de la grande dame de la chanson algéroise à travers un programme artistique et musical de haute facture.
A cette occasion, étaient exceptionnellement réunies sur scène, les plus belles voix féminines algéroises du genre incarnant la relève, tant de l’ancienne génération que de la nouvelle, en l’occurrence les grandes dames Nardjess et Nadia Benyoucef, mais aussi les talentueuses Lamia Madini, Imène Sahir et Hasna Hini dans une vingtaine de pièces d’un riche répertoire. Fidèles à l’esprit de Fadhéla Dziria, qui se produisait toujours sur scène en tenue traditionnelle et dans une quaâda algéroise, les chanteuses se sont présentées en karakou et serouel chelqa ou qweyet, avec la touche raffinée de m’hermet el f’toul, Elles étaient accompagnées par un orchestre composé de près d’une trentaine de musiciens dont la moitié font partie de l’orchestre de la Fondation Cheikh Abdelkrim-Dali, dirigés d’une main de maître par le maestro Naguib Kateb, rapporte l’APS. La soirée a débuté par la projection d’un court documentaire sur la vie de la grande cantatrice algéroise, réalisé par Sabrina Softa, huit ballerines et autant de danseurs du Ballet de l’Opéra d’Alger, ont embelli le rendu des cinq cantatrices rapporte, l’APS. En trois parties de quelques pièces, en guise d’«avant-goût» sur le «style Fadhéla Dziria et deux séries, d’inquilabet et de hawzi-aroubi, les cinq interprètes ont présenté dans de belles variations modales et rythmiques entre autres pièces «Ya Belaredj», «Dakhli M’Sam’âï», «Houni Kanou», «Assafi âla ma mada», «Rachiq el qad», «Sabri Qalil», «Ana Touiyri» et «Had el wahch aâliya». Les intermèdes musicaux était assurés par la talentueuse conteuse Sihem Kennouche, également, en élégante tenue algéroise ajoutant une touche onirique à ce spectacle inédit. Le spectacle présenté dans un décor de «qaâda algéroise», avec des objets de dinanderie traditionnelle, briq, es’sniy, m’rach et des tables basses ornées de sucreries et de boissons chaudes, a été très apprécié par le public qui, à son tour, a rendu hommage à l’oeuvre de Fadhéla Dziriya par des salves d’applaudissements et des youyous nourris.
Une pionnière dans l’émancipation du chant féminin
Pour rappel, Fadhéla Dziria, Fadhela Madani de son vrai nom, (1917-1970) a commencé très jeune à imiter Cheikha Yamna Bent el Hadj el Mahdi et Meriem Fekkaï El Bessekria, animant dès les années 1930 les soirées de Ramadhan en arabe et en kabyle. Mohamed Lahbib Hachelaf et Haddad El Djillali, deux grands noms de la Radio algérienne, la découvrent lors d’une émission intitulée, «Min koul fène chouiya» et l’aident à faire ses premiers pas dans la chanson, à une époque difficile, où la femme ne pouvait s’émanciper et prendre son destin en main. Partie en 1935 à Paris, après un mariage précoce qui n’a pas duré, la jeune femme chante dans les quartiers à forte concentration maghrébine et rencontre Abdelhamid Ababsa, qui lui apprendra plusieurs mélodies en vogue. A son retour au pays, elle anime cérémonies et fêtes, avant de croiser Mustapha Skandrani et Mustapha Kechkoul, deux grands artistes qui vont l’aider à trouver sa voie et choisir le registre de la chanson algéroise qui la conduit à intégrer le groupe de Meriem Fekkaï qui animait les soirées et les fêtes algéroises. En 1949, et après l’interprétation de «Rachiq el ked», Fadhéla Dziria enregistre «Mel Hbibi Malou», une chanson qui fait très vite son succès et amène Mahieddine Bachtarzi à l’engager comme chanteuse pour animer ses tournées, puis la distribuer dans des rôles au théâtre, avec Keltoum, Rachid Ksentini et Mohammed Touri, entre autres. Deux autres enregistrements, «Ana Toueyri» et «Houna Kanou, vont encore lui apporter le succès, avant d’être appelée par le devoir national et participer, avec sa sœur Goucem, à collecter des fonds pour aider à financer la lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie. Arrêtée, elle est emprisonnée à Barberousse. A sa sortie de prison, elle forme son propre ensemble musical avec sa sœur Goucem à la derbouka, Reinette l’Oranaise au violon et sa nièce Assia au piano et à l’orgue, confirmant sa place de diva dans le paysage de la chanson algéroise féminine.n