Face à un marché pétrolier perturbé par la guerre en Ukraine, l’alliance avance à pas mesurés malgré les pressions des grands pays consommateurs.

Par Feriel Nourine
L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses partenaires dans le cadre de l’Opep+ s’apprêtent à tenir une nouvelle réunion ministérielle à la fin de la semaine en cours. Des retrouvailles qui vont se dérouler dans une étape particulière pour le marché de l’or noir, qui se trouve fortement perturbé par la guerre en Ukraine et les sanctions prises par les pays occidentaux contre la Russie.
Même si l’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe n’est qu’au stade de projet, difficilement réalisable, ces sanctions ont déjà lourdement impacté l’acheminement de la production de la Russie vers ses clients, créant un déséquilibre entre l’offre et la demande qui se manifeste à travers la flambée des prix, mais aussi dans le déploiement des pays gros consommateurs visant à dénicher des alternatives aux approvisionnements du géant russe.
Ces derniers ne ratent, en outre, aucune occasion pour faire redémarrer la pression qu’ils tentent d’exercer sur l’Opep+, afin d’obtenir plus de brut dans les robinets des 23 pays qui composent l’alliance.
C’est d’ailleurs ce qui devrait se produire une nouvelle fois durant les quelques petits jours qui nous séparent de la réunion mensuelle de l’Opep+. En prévision de ce rendez-vous, qui décidera de la démarche qu’elle prendra pour le mois de mai, l’alliance sera sans doute de nouveau interpellée par les pays consommateurs pour assouplir davantage son programme de réduction et mettre plus de brut sur le marché, c’est-à-dire dépasser le supplément de 400 000 barils par jour qu’elle ajoute à ses quotas depuis août 2021.
L’on se rappelle qu’à la veille de la dernière réunion, début mars courant, l’Agence
internationale de l’énergie (AIE), en sa qualité de conseillère des pays développés sur la politique énergétique, avait fait ressortir la menace des stocks énergétiques en annonçant que les Etats-Unis allaient utiliser 60 millions de barils.
Une annonce qui n’avait pas suffi à faire dévier les pays producteurs de la démarche prudentielle adoptée au sein de l’alliance depuis plusieurs mois, et ces derniers sont restés attachés au supplément des 400 000 barils par jour, poussant les hauts responsables des pays consommateurs à mettre en place une offensive sur tous les fronts afin d’obtenir gain de cause. Et c’est la destination Golfe qui a été privilégiée dans cette optique, sachant que des producteurs de cette région pourraient faire appel à des capacités supplémentaires pour renforcer leurs offres respectives. A l’exemple du premier exportateurs mondial et chef de file de l’Opep qu’est l’Arabie saoudite, les Emirats arabes Unis ou encore le Qatar, sollicités ces derniers par une Union européenne éprouvée par le déséquilibre qui marque le rapport offre-demande de brut.
Or, les réponses de ces pays n’annoncent rien de nouveau concernant la démarche adoptée à ce jour dans le cadre de l’alliance, dont Ryad et l’artisan principal aux côtés de la Russie. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est, à son tour, fait une idée sur la position des Saoudiens et des Emiratis vis-à-vis de la demande d’augmentation de la production formulée par l’UE, lorsqu’il a rencontré hier ses homologues de ces deux poids lourds au sein du cartel, et par ricochet au sein de l’Opep+.
Si les réponses de ces derniers au ministre français n’ont pas été reprises par les agences de presse européennes, elles se dégagent néanmoins assez explicitement de l’intervention des chefs de la diplomatie qatarie et saoudienne lors du Forum de Doha.
«La souffrance humanitaire que nous voyons en Ukraine (…) existe dans beaucoup de pays de cette région depuis des années», a déclaré le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani.
«Nous n’avons jamais vu de réponse internationale pour répondre à ces souffrances», a-t-il constaté lors d’une table ronde au Forum de Doha, évoquant «la brutalité contre le peuple syrien, les Palestiniens, les Libyens, les Irakiens, les Afghans».
Le ministre qatari a dit espérer que la crise en Ukraine serve de «signal d’alarme» pour que la communauté internationale s’intéresse à la situation au Moyen-Orient «avec le même niveau d’engagement».
La région est secouée de troubles politiques et de conflits dont certains ont provoqué des drames humanitaires parmi les pires au monde, notamment au Yémen ou en Syrie.
Abondant dans le même sens que son homologue qatari, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane, a fait remarquer que «l’engagement de la communauté internationale» pour l’Ukraine par rapport à celui qui a été avant pour les pays du Moyen-Orient est «bien différent». «Vous devriez avoir un meilleur dialogue avec le reste de la communauté internationale», une réponse politique qui sonne déjà comme une partie de la réponse économique qui sanctionnera la réunion de l’Opep+. <

Le directeur de l’AIE reconduit pour un nouveau mandat
Le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, a été reconduit pour un nouveau mandat sous le signe de la lutte contre le changement climatique, a annoncé vendredi l’institution. L’économiste turc, qui occupe ce poste depuis septembre 2015, effectuera un troisième mandat de quatre ans à compter de septembre 2023. Cette prolongation, décidée à l’unanimité par le conseil des gouverneurs de l’agence basée à Paris, intervient à un moment clef. Elle «lui donne un soutien fort pour conduire une nouvelle ère pour l’AIE», estime celle-ci dans un communiqué. Cette agence, dont le mandat porte depuis son origine sur la sécurité énergétique des pays développés, a en effet vu cette semaine sa mission officiellement étendue à la recherche de la neutralité carbone face au dérèglement climatique, à l’occasion de la réunion annuelle de ses États membres. Parmi ses nouvelles missions, l’AIE suivra aussi la question des ressources en métaux et minerais, stratégiques pour fabriquer les équipements énergétiques décarbonés.