La décision de l’OPEP+ de maintenir sa politique et l’entrée en vigueur des sanctions européennes contre le pétrole russe sont les nouveaux éléments d’une conjoncture plaidant en faveur d’une hausse des cours. Les analystes et les négociants estiment que les prix du pétrole seront beaucoup plus élevés en 2023.
Par Hakim Ould Mohamed
La semaine dernière, les prix du pétrole ont chuté fortement pour atteindre leurs plus bas niveaux de 2022 alors que les marchés de l’énergie paniquaient à propos de la demande, en raison de la reprise des confinements en Chine et d’une hausse fulgurante des cas de contaminations au Covid-19. Cette reprise des confinements à grande échelle fait craindre une chute drastique de la demande. La réponse du marché à cela s’est traduite par une réaction plutôt excessive, selon certains analystes qui estiment que la politique zéro-COVID de la Chine et sa nouvelle vague de confinements pour contrer une flambée de nouveaux cas n’auront qu’un impact mineur sur sa demande de pétrole à court terme. De ce fait, la réaction du marché et la chute des prix de la semaine dernière étaient excessives. La volatilité du marché a atteint son paroxysme lorsque les pays occidentaux ont décidé de mettre à exécution leur embargo contre le pétrole russe ainsi que leur projet de plafonnement des prix des hydrocarbures russes destinés au marché européen. Oubliant soudainement ses craintes vis-à-vis de la Chine malgré une aggravation de la situation liée à la diffusion du Covid-19, les marchés pétroliers se tournent désormais vers les conséquences géopolitiques du conflit en Ukraine et l’embargo de l’UE sur le pétrole russe transporté par mer. Les prix ont aussitôt rebondi et les gains pourraient être encore plus élevés à l’avenir. Les deux indices pétroliers se négocient désormais au prix fort depuis le début de la guerre en Ukraine, mais surtout en raison des nouvelles provenant tantôt de la Chine, tantôt de l’Europe. Les fondamentaux du marché sont comme pris au dépourvu. Résultat: l’OPEP+ renforce davantage son contrôle sur les marchés, alors que l’industrie américaine du schiste est peu influente sur le cours des évènements. Les marchés sont pris dans une forte volatilité. Et, pour les négociants en matières premières, tout comme pour les exportateurs de pétrole, c’est soit une aubaine, soit une nouvelle incertitude qui menace les marchés. La volatilité serait bien plus grande sans la décision de l’OPEP+ de maintenir sa politique car il est probable que les nouvelles restrictions en Chine entraîne une baisse de 1 million de barils de la demande mondiale. Dans une nouvelle étude publiée par KAPSARC (King Abdullah Petroleum Studies and Research Center), au plus fort de la pandémie du Covid-19, l’OPEP a réduit la volatilité des prix du pétrole de 50 % grâce à la gestion de sa capacité inutilisée. L’intervention de l’OPEP, selon le rapport, a fait grimper les prix moyens du pétrole pendant la pandémie de 18 à 54 dollars le baril. Maintenant, cela sert de justification à la récente décision de l’OPEP+ de réduire la production à un moment où Washington réclamait une augmentation de la production pour faire baisser les prix. Fidèles à leur politique, les membres de l’OPEP ont réussi également la semaine dernière à inverser la tendance des prix, alors que les marchés nourrissaient les pires craintes en raison des nouvelles en provenance de Chine. La décision de l’OPEP+ de maintenir sa politique et l’entrée en vigueur des sanctions européennes contre le pétrole russe sont les nouveaux éléments d’une conjoncture plaidant en faveur d’une hausse des cours. Il y a une conviction claire chez une bonne partie des analystes et des négociants que les prix du pétrole seront beaucoup plus élevés en 2023.
Goldman Sachs prévoit un baril à 110 dollars pour l’année prochaine, mais reconnaît l’incertitude. Les récentes révisions à la baisse des prix du pétrole de la banque américaine étaient dues au dollar et à la Chine. Les experts de Goldman Sachs sont allés jusqu’à dire que la situation sanitaire en Chine était pire que la coupe de l’OPEP pour le mois de novembre. JP Morgan prévoit, en revanche, un pétrole de 90 dollars pour 2023, en baisse par rapport à sa prévision précédente de 98 dollars, au motif que la production russe se normalisera complètement aux niveaux d’avant-guerre d’ici la mi-2023. Rystad Energy pense également que la récente chute des prix du pétrole basée sur la demande chinoise est exagérée. S’il est vrai qu’en novembre, l’OPEP et l’AIE ont toutes deux réduit leurs estimations de croissance de la demande de pétrole pour 2023 en raison de ce qui se passe en Chine, Rystad pense que cela aura beaucoup moins d’impact que ce qui est suggéré jusqu’ici. En plus de la situation sanitaire en Chine, le plafonnement des prix des hydrocarbures russes et l’embargo sur son pétrole, combinés à la décision de l’OPEP+ de maintenir sa politique de réduction de la production, sont des facteurs plaidant clairement en faveur d’une hausse des cours du brut.
Il s’agit, bien évidemment, d’une aubaine pour les pays exportateurs de pétrole, dont l’Algérie qui vient de valider un budget historique de plus de 13.700 milliards de dinars au titre du prochain exercice. En plus de la hausse des recettes qu’entrainera une augmentation des prix du pétrole, le pays pourrait enfin renforcer les excédents de la balance commerciale et celle des paiements et récupérer une partie des pertes sur ses réserves de change, lesquelles se sont chiffrées à plus de 150 milliards de dollars depuis la mi-2014. <