A quelques jours de l’entrée en vigueur de la loi de finances 2022 et, par conséquent, le début d’une nouvelle étape du «conflit professionnel» entre les organisations d’avocats et le gouvernement, le président de l’Union nationale des ordres des avocats (Unoa) Maître Brahim Tairi, est revenu hier sur les principales revendications de la corporation, opposée, pour rappel, au nouveau système d’imposition, jugé totalement «défavorable».

Par Nadir Kadi
Le président de la corporation, invité du forum du journal El-Hiwar, a en ce sens déclaré : «Nous espérons qu’il y aura une correction de la loi (…) Le président de la République, le Parlement, le Conseil de la nation peuvent entendre ce que vivent les avocats». Avant d’ajouter : «La justice ne peut fonctionner sans les avocats.»
Mouvement de protestation de l’Unoa, qui dure depuis le mois de novembre dernier, en prenant notamment la forme de journées de «boycott » qui ont réussi à paralyser le fonctionnement de la justice sans pour autant faire reculer le gouvernement. «L’échec» du mouvement, reconnu hier par le responsable, devrait en ce sens être discuté le 8 janvier prochain par l’assemblée générale de l’Unoa et pourrait aboutir à une reconduite de la grève. «Nous avions organisé le boycott pour attirer l’attention de l’opinion et des autorités publiques (…) pour dire qu’il y avait un problème. Mais rien n’a bougé, nous avons même constaté que les 4 jours de boycott n’ont pas été compris», déclare Me Brahim Tairi. Avant d’ajouter : «Nous sommes arrivés à la décision d’organiser une assemblée générale le 8 janvier prochain (…) ce sera plus de 500 membres qui se réuniront. C’est l’AG qui décidera des suites, elle est la plus haute autorité dans notre règlement interne (…) Nous avons échoué dans nos discussions et tentatives de discussions avec toutes les autorités, du président de la République à la Direction des impôts.»
Responsable syndical qui, par ailleurs, a répété à plusieurs reprises : «Nos demandes sont professionnelles et non politiques». Maître Brahim Tairi précise que la proposition de la corporation d’instaurer un système de prélèvement à la source reste d’actualité : «Avec un système d’imposition à la source, chaque avocat paie l’impôt en fonction du nombre d’affaires (…) Dès le mois d’août, nous avons lancé les démarches pour en discuter avec le ministère des Finances et, plus précisément, avec la Direction des impôts. Le 12 septembre, nous avons eu une réunion à notre demande (…) Nous avons défendu l’idée que l’imposition à la source est profitable pour les caisses publiques et qu’il était très facile de connaître le nombre d’affaires de chaque avocat pour détecter d’éventuelles fraudes.» Cependant, selon le président de l’Unoa, qui regrette que les discussions n’ont pas été plus loin, «on nous a dit que les discussions allaient continuer, sans que ce soit le cas depuis cette date (…) Nous avons fait un rappel au ministre des Finances», en précisant également que le système d’imposition introduit par la loi de finances 2022 est particulièrement lourd et inacceptable pour les avocats.
Ainsi le responsable explique : «Dans la précédente loi, celle de 2020/2021, l’avocat paie au maximum 12% d’impôt (…) aujourd’hui, cela pourrait monter à un maximum de 45%.» Même chose en ce qui concerne le nouveau seuil au-delà duquel est prélevé l’impôt : «Nous ne sommes pas contre l’impôt, la loi dit que l’imposition doit s’appliquer à tous. Mais sans faire de différences de traitement (…) le seuil d’imposition pour les avocats est un salaire de 24 000 dinars, alors qu’un fonctionnaire est de 30 000 dinars (…) Cela veut dire qu’a partir de 24 000 dinars l’avocat paie 42% d’impôt, en ajoutant la TVA».
Pour rappel, plusieurs avocats interrogés ces dernières semaines nous avaient expliqué que l’entrée en application de la nouvelle tarification des impôts entraînerait la faillite de nombreux cabinets d’avocats, d’autant que la concurrence serait devenue «très forte». Le président de l’Unoa est allé hier dans le même sens en dénonçant le grand nombre de diplômes décernés, ces dernières années, par les universités. Il y aurait ainsi à l’heure actuelle «près de 62 000 avocats au niveau national».