L’expert plaide pour la tenue d’un mini-sommet pétrolier à Alger en vue d’un rapprochement
des positions entre l’Arabie Saoudite et la Russie.
Contacté par Reporters, Noureddine Legheliel, spécialiste pétrolier et ancien analyste à la banque suédoise Carnegie, estime que les prix du pétrole vont remonter au cours du second trimestre 2020, contrairement à ceux qui prédisent qu’ils vont s’installer au cours de cette période à 20 dollars le baril. Selon lui, ils pourraient atteindre la barre des 40 dollars au cours du second trimestre 2020. « Je ne suis pas pessimiste. Ce n’est pas la fin du monde, le marché pétrolier international est condamné à une correction. » Explication. « Les prix du pétrole, qui ont atteint actuellement des prix planchers, n’arrangent pas les acteurs du marché pétrolier. A titre d’exemple, avec des prix à moins de 30 dollars, c’est une bonne partie de l’industrie du schiste américain qui risque la faillite. Le marché pétrolier international, en un mot, va devoir opérer des corrections. En d’autres termes, les prix du pétrole vont devoir remonter, mais, attention, souligne-t-il, les prix du pétrole resteront volatiles. » Il note que les pays Opep gardent toujours leur cohésion. Les discussions sont d’ailleurs en cours pour amener l’Opep et non Opep à s’asseoir à une même table et parvenir à un accord de baisse de production. Cette question sera d’ailleurs évoquée lors de la prochaine réunion du comité des experts Opep et non Opep qui examinera la situation du marché et pourrait proposer un seuil de réduction du niveau de production aux deux parties qui pourrait être entérinée par l’Arabie Saoudite et la Russie et les autres pays partenaires de la coalition. A cette fin, Nourreddine Legheliel suggère la tenue d’un mini-sommet à Alger en vue d’un rapprochement des positions entre l’Arabie Saoudite et la Russie. Concernant sa prédiction optimiste, il s’appuie sur sa longue expérience des marchés pétroliers et notamment sur un indice révélateur. Le lundi 9 mars à 5H30 du matin, la Bourse de Singapour, c’est-à-dire la Bourse pétrolière de l’Asie, le prix du Brent a ouvert à 31,50 dollars et clôturé le mardi à 36,80 dollars, il a augmenté jusqu’à 38,50 dollars par la suite, soit une hausse de 10% suite à un rebond technique. Il a ainsi augmenté de 7 dollars, soit une hausse de 24% en 48 heures ! C’est un indicateur de la force des prix du pétrole, a-t-il ajouté. Ce signal montre que les prix du pétrole pourraient résister à une baisse plus importante des cours du pétrole.
Revenant sur la genèse de ce nouveau choc pétrolier, le spécialiste pétrolier estime que cette chute très brutale des prix du pétrole est due à l’intervention des politiques. Premier acte. Le Président russe Vladimir Poutine justifie le refus de son pays d’opérer une réduction de sa production de seulement 200 000 barils/jour par les parts de marché que grignotent les Américains lors des réductions de production de pétrole.
« A chaque fois qu’on fait réduire la production, ce sont les Américain qui gagnent des parts de marché », a-t-il argué. L’industrie du schiste américain a augmenté sa production au maximum jusqu’à 13 millions de barils/jour, a-t-il relevé. La seconde raison, c’est que les Américains font pression sur l’Allemagne pour faire capoter le projet du gazoduc russe North Stream II qui passe par la mer Baltique en vue de pouvoir vendre leur GNL aux Européens. La stratégie long terme des Etats-Unis est de vendre le GNL aux Européens. A cela s’ajoute l’embargo américain sur les compagnies pétrolières russes comme Rosneft, qui vend du pétrole et investit au Venezuela. Dans cette attitude russe se profile en filigrane les différends économiques entre la Russie et les Etats-Unis. En réaction à cette position russe de ne pas réduire sa production, le prince héritier Salmane a déclenché cette guerre des prix qui s’avère catastrophique pour les pays producteurs, notamment les petits producteurs comme l’Algérie.
En conclusion, il souligne qu’il ne faut pas céder à la panique. Un baril à 20 dollars dans la conjoncture actuelle n’est pas possible, soutient-il. Le spécialiste reconnaît l’impact de la pandémie coronavirus sur la demande pétrolière. Mais estime qu’elle n’a pas autant d’impact que celui décrit par les médias occidentaux. Mais pour l’Algérie, un baril de pétrole même à 40 dollars aura un impact très négatif sur l’économie nationale. Si le baril se maintient à une moyenne de 40 dollars sur l’année 2020, c’est une perte d’au moins 10 milliards de dollars pour l’Algérie, estiment des spécialistes, soit un niveau d’exportation d’hydrocarbures autour de 23 milliards de dollars annuellement, la plus faible recette d’hydrocarbures du pays depuis deux décennies au moins ! Ainsi, si des mesures urgentes ne sont pas prises immédiatement, l’Algérie court à une crise économique beaucoup plus grave.
- Noureddine Legheliel est l’un des meilleurs spécialistes pétroliers algériens, en raison de sa longue expérience des marchés pétroliers internationaux. Il a été reçu en audience par le ministre de l’Energie Mohamed Arkab. Il avait prédit, en 2016, que le pétrole ne pouvait descendre à des niveaux de 20-30 dollars cette année-là. Il avait vu juste puisque les prix n’ont pas baissé sous ce seuil. Ils ont atteint la barre des 70 dollars puis se sont stabilisés ces dernières années autour de 60 dollars le baril.