L’expert aborde dans cet entretien l’orientation des prix du pétrole et du gaz à court terme sur les marchés internationaux, ainsi que les répercussions du plafonnement du pétrole russe à 60 dollars. Mais aussi les leçons à tirer de la crise russo-ukrainienne et l’impact de ces évènements internationaux sur l’Algérie.
Par Khaled Remouche
Reporters : Quel est l’impact du plafonnement des prix du pétrole russe à 60 dollars sur le marché ?
Noureddine Legheliel : Jusqu’à présent, les indicateurs du marché ne montrent aucune orientation à la baisse des prix du pétrole. Si les Européens passent à l’acte et plafonnent les prix du pétrole russe à 60 dollars, les Russes seront dans l’obligation de stopper leurs livraisons de pétrole. Il y aura alors une hausse euphorique des prix du pétrole sur les marchés internationaux.
Quels sont vos commentaires des dernières décisions de l’Opep-Opep+ concernant la production de pétrole de ces pays exportateurs ?
Cette alliance a assez augmenté la production de pétrole. Le marché était sur une tendance baissière. La réduction de la production puis son maintien récemment constituent une très bonne initiative. Une initiative pour stabiliser le marché pétrolier. Les prix actuels ne sont pas mauvais. Le Brent est arrivé à 82 dollars le baril. La fourchette oscille entre 80 et 90 dollars à court terme. Les prix du baril vont atteindre entre 95 et 100 dollars en janvier parce que le mois de janvier est un bon mois pour les traders. Dans leur jargon, cela s’appelle «le January effect».
Quelles leçons devons-nous tirer de la crise russo-ukrainienne en termes d’approvisionnement du marché international en pétrole et gaz ?
Les sanctions économiques des pays occidentaux ont fait que la Russie était dans l’obligation de freiner les livraisons particulièrement de gaz. Cette crise a montré une grande dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe. Elle a également dévoilé une surmédiatisation des énergies renouvelables ces dix dernières années. On se demande où sont passées les énergies renouvelables dans la couverture des besoins énergétiques de l’Europe ? Dans cette crise, les énergies renouvelables ne sont pas au rendez-vous. J’ai découvert à travers mes analyses qu’il y avait une propagande sur les énergies renouvelables destinée à faire pression sur l’Opep et l’Opep+ pour sur-produire le pétrole et par conséquent entraîner une baisse de ses prix.
Faut-il freiner le développement des énergies renouvelables ?
Pas du tout. Il faut continuer à développer les énergies renouvelables. Mais il convient de comprendre qu’aujourd’hui les énergies renouvelables ne suffisent pas à couvrir les besoins de consommation énergétique dans le monde, particulièrement en Europe. J’ai parlé en ce sens du PDG de BP qui insistait beaucoup sur les énergies renouvelables. Or, dans la publication du résultat trimestriel de BP de 2019, il ressort que le montant des investissements dans les énergies renouvelables ne représentait que 7% des Capex (investissements). Ce qui veut dire que l’essentiel des investissements de BP était orienté vers l’exploration et le développement de gisements de gaz et de pétrole, ces dix dernières années, et non vers les énergies renouvelables. La crise russo-ukrainienne a donc dévoilé cette surmédiatisation sur les énergies renouvelables.
Comment évolueront les prix du gaz sur les marchés internationaux ?
Les prix du gaz vont se stabiliser. Ils sont arrivés à un tel niveau de hausse durant la guerre entre l’Ukraine et la Russie qu’ils ne vont plus augmenter. Les marchés ont déjà intégré dans leur fixation du prix les conséquences de cette guerre. Les cours du gaz seront orientés vers la baisse par rapport aux pics des prix de cette énergie fossile.
On observe une panique en Europe en raison des risques de coupures d’électricité en cette fin d’année. Les pays européens ont-ils la capacité de passer l’hiver sans grandes difficultés d’approvisionnement en électricité ?
Il y a une surmédiatisation en Europe qui crée cette panique. Les pays européens ont la capacité de passer l’hiver sans problèmes graves. Il faut voir les choses sur le terrain. Je ne crois pas à de gros problèmes de délestage en France, en Allemagne et en Italie. Les prix du gaz ne vont pas augmenter. Ils ont déjà connu des hausses historiques. Ils ont atteint des niveaux tels qu’ils vont baisser.
Quel sera l’impact de cette orientation des prix du gaz sur l’Algérie ?
Tout dépend des prix du gaz sur les marchés internationaux. L’Algérie exporte son gaz essentiellement via des contrats long terme. Les prix dans ces contrats ne sont pas indexés sur les prix du marché. Il s’ensuit que cette orientation du marché n’a pas d’impact sur l’Algérie.