Après le constat établi par plus d’un acteur quant aux difficultés de faire avancer sur
le terrain les conclusions de l’Accord d’Alger, visant une solution à la crise malienne,
un activisme diplomatique, impliquant l’Algérie et le Mali, s’est mis à l’œuvre en ce début
de janvier avec l’espoir d’une « redynamisation » de l’Accord.

PAR NAZIM BRAHIMI
Cet objectif passe visiblement par faire revenir les groupes du Nord Mali (CMA, la Plateforme, CMI) – rassemblés au sein du Cadre stratégique pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) – au processus de paix après avoir demandé l’intervention de la médiation internationale dirigée par l’Algérie.
Fin décembre, le Cadre stratégique pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) composé de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), de la Plateforme du 14 juin 2014 d’Alger et de la Coordination des mouvements de l’inclusivité (CMI), a décidé de suspendre sa « participation au mécanisme de suivi de l’Accord de paix inter malien, jusqu’à la tenue d’une réunion avec la médiation internationale sur un terrain neutre ».
Cette séquence a sonné déjà le glas d’une situation difficile, ont estimé des observateurs de la situation au Mali. D’autant plus que le CSP-PSD, signataire de l’Accord de principe de Rome du 2 février 2022, réuni du 20 au 21 décembre à Djounhan, dans la région de Kidal, a pointé d’un doigt accusateur « l’absence de volonté politique des autorités à appliquer l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du Processus d’Alger signé en 2015 ».
Le CSP-PSD a reproché également aux autorités maliennes de transition leur « inertie » face aux défis sécuritaires ayant occasionné des centaines de morts et de déplacés dans les régions de Ménaka, Gao et Tombouctou. « L’ensemble des Mouvements membres du CSP-PSD ont décidé à l’unanimité de la suspension de leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre, afin de statuer sur l’avenir de cet accord », a déclaré le CSP-PSD.
Pour sa part, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) avait adressé, le 10 décembre dernier, une correspondance au chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, sollicitant l’Algérie et les autres médiateurs internationaux engagés pour l’application de l’Accord d’Alger de 2015 pour la paix au Mali, à organiser une « réunion d’urgence » dans un « lieu neutre ». La CMA a justifié sa demande par « le besoin d’un examen décisif de la viabilité de l’accord signé en 2015».
La Médiation internationale a réagi en estimant que le Comité de suivi de l’Accord constitue « un cadre idoine permettant de procéder aux évaluations requises et de convenir des actions concrètes à entreprendre pour faire avancer la mise en œuvre de l’accord que son comité de suivi devrait être le seul cadre de discussions de l’accord ».
La voie à emprunter
M. Lamamra a réagi le 9 décembre à Oran en affirmant qu’un effort supplémentaire doit être fait pour redonner une nouvelle dynamique à l’Accord d’Alger, relevant que la réintégration des combattants au Mali dans le cadre de l’Accord d’Alger est un défi.
M. Lamamra a ajouté, par la même occasion, que « les choses n’évoluent pas de manière régulière », soulignant qu’il « y a des avancées et des reculs. C’est la voie que nous devons emprunter, et il n’y a pas d’autres alternatives ». Il a mis en avant la vanité de prétendre à rétablir l’unité nationale du Mali sans avoir rétabli celle de son armée nationale.
« Nous ne pouvons pas renforcer l’unité nationale si nous ne pouvons pas réaliser l’unité de l’armée nationale (Mali), et cela est essentiel », a déclaré M. Lamamra, estimant que « par conséquent, le monopole des armes dans un pays fragile devrait revenir aux forces armées de la République et toutes les dispositions doivent être prises pour qu’il y ait une formation consensuelle des forces armées, que ce soit à un niveau inférieur ou supérieur de la hiérarchie du commandement militaire ».
Avant-hier, le 15 janvier, M. Lamamra a eu des entretiens, à Alger, avec son homologue malien, Abdoulaye Diop, ainsi qu’avec le ministre de la Réconciliation nationale, chargé de l’Accord de paix et de réconciliation, le colonel Ismaël Wagué.
Les entretiens entre les deux parties ont porté sur les relations bilatérales et les moyens de leur développement, outre les perspectives de « redynamisation et de renforcement de la cadence de mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation, en collaboration avec toutes les parties maliennes dans le cadre des mécanismes de suivi de la mise en œuvre de l’Accord supervisé par l’Algérie », selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Les deux ministres maliens sont arrivés dimanche soir à Alger dans le cadre d’une visite de travail en tant qu’envoyés spéciaux du Président malien de la transition, Assimi Goït, et ce, suite à la visite effectuée récemment par M. Lamamra à Bamako.
En effet, le 10 janvier, M. Lamamra s’est rendu à Bamako dans une visite de travail où il a été reçu par le Président de la Transition, Assimi Goïta. Durant cette visite, il a eu « plusieurs entretiens bilatéraux et multilatéraux dans le cadre des relations algéro-maliennes et des efforts pour instaurer la paix et la réconciliation au Mali ».
Il s’agit également « d’accélérer la cadence de mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation issu du Processus d’Alger, compte tenu de son extrême importance dans la préservation de l’unité, de la souveraineté et de la stabilité de la République du Mali et de la région entière ».
Le chef de la diplomatie algérienne a également rencontré, au siège de l’ambassade d’Algérie à Bamako, des représentants des mouvements maliens signataires de l’Accord d’Alger.
Au terme de sa visite, M. Lamamra a présidé, au siège de l’ambassade d’Algérie, une réunion de coordination avec le Groupe de médiation internationale sur le Mali, composé de représentants des pays voisins, de membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que de représentants d’organisations régionales et internationales, notamment l’ONU, l’UA, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et l’Organisation de la coopération islamique (OCI).
« La réunion a été consacrée à l’examen des moyens d’accompagnement des parties maliennes pour surmonter les défis actuels et réaliser des résultats concrets dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation issu du Processus d’Alger, notamment en pleine période transitoire que traverse ce pays frère », selon le ministère des Affaires étrangères. Hier, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu lundi à Alger, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, M. Abdoulaye Diop, et le ministre de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale de la République du Mali, le colonel Ismaël Wague. n