Au début, ça ne devait être qu’une banale affaire d’aide médicale à un enfant, plutôt un bébé de sept mois. Le bébé est né avec un ictère (physiologique.) apparent, sans doute la jaunisse de naissance, comme disaient nos grand-mères.
Puis, des complications sont apparues au fur et à mesure du traitement du petit Maouche Bara’, un traitement que l’on croyait suffisant pour guérir l’enfant. Et le diagnostic final tombera comme un couperet, Bara’ est affecté d’une insuffisance hépatique qui nécessite en urgence une greffe du foie issu généralement des personnes les plus proches. Sa propre mère a été déclarée en parfaite compatibilité avec son fils et devait offrir à son enfant 30% de son foie. Comme les enfants sont « el kebda » de leurs mères, le problème était presque résolu, sauf que le hic dans tout cela c’est que la médecine algérienne commence à peine à tâtonner dans le domaine de la greffe du foie, plusieurs expériences ont été effectuées, mais jamais sur un bébé de sept mois. Il fallait donc que Bara’ puisse être reçu par un hôpital étranger, en même temps que le donneur et accompagnateur, en l’occurrence sa maman. Plus facile à imaginer qu’à concrétiser, car la famille du petit Bara’ ne disposait pas de la somme nécessaire à l’opération, une somme que ne possède pas la majorité des familles algériennes. Echourouk TV, qui avait rendu l’affaire publique en rendant visite au domicile constantinois de Bara’, avait fait vibrer la fibre des Algériens quand il s’agit d’une aide de l’un de leurs compatriotes. Une association, « L’îlots Calin d’Ambre », s’était déclarée prête à aider le petit Bara’ pour son voyage médical, mais l’opération nécessitait 72 000 euros ! (copie du devis de l’hôpital turc Acibadem en notre possession). Nous vous laissons le soin de calculer en dinars, cotation officielle ou celle du square Port Saïd. Un appel à donation fut lancé par ladite association et très vite la cagnotte commença à enfler, en même temps que la maladie du petit Bara’ empirait.
Le reportage télé a atterri chez Radja Arioua grâce à nos confrères d’Echourouk TV, suspectant un prix exorbitant pour l’opération qui devait, selon l’association « bienfaitrice », se faire dans un hôpital turc, le fameux Acibadem Health Group, devenu la seconde chaîne de soins de santé au monde après un accord avec d’autres noms dans le domaine médical.
Radja Arioua nous a alerté à son tour. Elle est la directrice de Innovationway Consulting, une boîte spécialisée dans le « tourisme médical », basée à Constantine, en plus d’une agence à Alger, la seule à être certifiée pour l’Afrique du Nord, et en contact avec d’innombrables hôpitaux européens et, justement turcs. « De par mon expérience, j’ai tout de suite su que quelque chose ne tournait pas rond. Surtout le prix. J’ai eu une boule au ventre quand j’ai vu les images du petit Bara’, et j’ai de suite contacté un hôpital turc spécialisé dans le domaine de la transplantation avec un taux de réussite de 98% pour le foie et 99% pour le rein, l’hôpital Medical Park, un hôpital 5 étoiles, un groupe qui active sur tout le continent européen et qui reçoit des centaines de patients de l’Afrique, aussi ». Il faut savoir, au passage, que Innovationway Consulting propose des services gratuits pour l’oncologie et la pédiatrie.
Une odeur d’escroquerie
Radja Arioua parviendra à avoir une prise en charge du domicile du bébé à Aïn S’mara, 15 km de Constantine, jusqu’à Istanbul, avec billet d’avion pour deux personnes, un traducteur, prise en charge aéroport-hôpital et retour, prise en charge totale à l’hôtel pendant la durée d’hospitalisation, les analyses, etc., le tout pour 36 000 euros, la moitié du devis de l’association « L’îlots Calin d’Ambre », que nous avons localisée, avec l’aide précieuse de Radja Arioua à… Paris. Une adresse, 23, rue du Départ 75014 Paris, qui se révélera une simple boîte postale. Nous enverrons, toujours à partir du portable de Mme Radja Arioua, des messages à la curieuse « ONG » à laquelle la directrice Innovationway Consulting exposera son devis de moitié et les interrogera sur leur immobilisme puisque
« L’îlots Câlin d’Ambre » a déjà récolté la somme faramineuse de 62 548 euros au 14 février, plus que suffisante pour une prise en charge à Medical Park. Proposition leur a été faite d’utiliser l’argent récolté pour envoyer Bara’ à l’hôpital cité plus haut qui ne demande que 36 000 euros, avec prise en charge totale, hors prix du déplacement par avion. L’association répondra par un français approximatif, très approximatif, qu’elle « ne travaille qu’avec l’hôpital Acibadem », captures d’écran de l’échange par Messenger en notre possession. Curieuse façon « d’aider » un bébé dont l’état se dégrade de jour en jour, qui dispose plus que la somme nécessaire pour son transfert à Istanbul et qui reste otage d’une « ONG » dont on suppose une origine africaine, ivoirienne ou ghanéenne, des escroqueries similaires ayant fait le buzz à partir de ces deux pays d’Afrique de l’Ouest ces dernières années. En attendant, la famille Maouche ne sait plus à quel saint ou marabout se vouer. L’association domiciliée ( ?) à Paris et qui a affirmé dans ses messages qu’elle donnera l’argent récolté directement à la famille de l’innocent Bara’. Sauf que nous apprendrons, par un coup de fil adressé à Mme Radja Arioua, après son insistance pour discuter avec une personne fiable de ladite association, que « le petit Bara’ se trouve depuis deux jours à l’hôpital Acibadem », que l’information n’est pas rendue publique «pour que les dons affluent toujours» (sic !), mais, et il y a un énorme mais, que son opération ne se fera que lorsque la somme totale de 72 000 euros soit réunie.
Comment le bébé et sa mère sont hébergés ? De quelle prise en charge bénéficient-ils ? Sont-ils réellement en Turquie à l’hôpital ?
En tout cas le téléphone de la famille Maouche ne répond plus, et à supposer que Bara’ se trouve à Acidabem, l’urgence de l’opération n’a pas pour autant incité l’hôpital turc et l’association à parer au plus pressé, opérer le bébé. Pendant ce temps, le petit Bara’ se bat toujours contre le mal insidieux qui le ronge. Jusqu’à quand ? n