En raison de fortes pressions politiques exercées par les Etats membres des Nations unies, rares sont les Hauts-commissaires onusiens, chargés des questions des droits humains, qui font plus d’un mandat. Cette réalité vient d’être confirmée, lundi 13 juin à Genève, par l’actuelle responsable de cette mission, Michelle Bachelet, qui a annoncé ne pas vouloir briguer de second mandat comme cela est permis et quitter ses fonctions à la fin du mois d’août prochain.

Par Kahina Terki
«Alors que mon mandat de haute-commissaire arrive à son terme, cette 50e «session du Conseil sera la dernière à laquelle je m’exprimerai», a déclaré la Haute-commissaire onusienne aux droits de l’Homme. Aux délégués présents dans la salle, elle n’a pas donné d’indications sur les raisons de son renoncement, mais on estime qu’elle le fait pour les mêmes raisons que celles invoquées par son prédécesseur Zeid Ra’ad al-Hussein.
A son départ en 2018, le diplomate jordanien avait déclaré son intention de ne pas se représenter parce qu’il ne pensait pas disposer du «soutien» crucial des grandes puissances, dont les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Et qu’il ne lui était pas possible dans ce contexte de rempiler honorablement pour un second mandat – comme il est accordé à tout Haut-commissaire onusien aux droits de l’Homme depuis la création de ce poste en 1993 – et de poursuivre sa mission sans trahir sa lettre de mission. A la même période, le directeur de l’ONG Human Right Watch, Kenneth Roth, qui quitte lui aussi ses fonctions et qui s’est révélé très critique de l’action de Mme Bachelet durant ces derniers mois, faisait le même commentaire sur les complications auxquelles fait face un Haut-commissaire onusien des droits de l’Homme. «C’est l’un des emplois les plus difficiles au moment où les droits humains subissent une attaque généralisée», disait M. Roth durant la fin de l’été 2018. Depuis, rien n’a semblé changé. Les violations n’ont pas cessé et elles ont même empiré en certains endroits de la planète.
Pendant son mandat, Michelle Bachelet a essuyé de sévères critiques, notamment durant ces derniers mois, de la part des Etats-Unis mais aussi d’importantes organisations de défense des droits de l’Homme comme Human Rights Watch ou Amnesty International, sur son «laxisme» vis-à-vis de la Chine. Les mêmes lui reprochent, également, de ne pas avoir dénoncé plus fermement les atteintes aux droits humains en Chine lors de sa visite, fin mai dernier dans ce pays, la première d’un Haut-commissaire depuis 2005. Elle a, également, subi de nombreuses critiques pour avoir retardé la publication d’un rapport qui documente la situation des droits de l’Homme au Xinjiang, région peuplée par les Ouighours. Hier, elle a indiqué qu’elle partagerait ce rapport d’abord avec les autorités chinoises – comme le veut la tradition avec tout pays – avant publication. Elle a aussi souligné que lors de ses échanges avec les responsables chinois, y compris le président Xi Jinping – elle avait bien évoqué le sujet des violations des droits de l’Homme. «J’ai toujours souligné l’importance du dialogue dans mes interactions avec tous les pays membres y compris sur les sujets les plus difficiles», a-t-elle déclaré. Mme Bachelet a annoncé un accord avec la Chine pour une réunion annuelle de haut niveau consacrée aux droits de l’Homme. Vendredi, 10 juin, la mission chinoise auprès de l’Office des Nations unies à Genève a réfuté les accusations portées contre son pays par «certains experts» de l’ONU, affirmant qu’ils avaient abusé de leur mandat et agi comme «l’outil politique des forces anti-Chine».
En ignorant les réalisations remarquables de la Chine en matière de droits de l’homme, ce groupe d’experts de l’ONU a approuvé les «mensonges et la désinformation» des pays occidentaux, dont les Etats-Unis, et des forces anti-Chine, a déclaré le porte-parole de la mission chinoise dans un communiqué. Ils ont abusé de leur mandat et ont choisi de collaborer avec les Etats-Unis pour calomnier la Chine, à la veille de la 50e session du Conseil des droits de l’homme, dans une vaine tentative de contraindre le Conseil des droits de l’homme à servir la stratégie américaine d’endiguement de la Chine, et à servir l’hégémonisme et la politique de puissance, a ajouté la même source.

Michelle Bachelet, un parcours à part

Née le 29 septembre 1951 à Santiago, Michelle Bachelet a passé son enfance à sillonner le Chili au gré des mutations de son père, pilote de l’armée de l’air. En 1970, elle entame des études de médecine et entre aux Jeunesses socialistes. Le 11 septembre 1973, date du coup d’Etat d’Augusto Pinochet, son père, est arrêté. Il mourra six mois plus tard en détention, torturé par ses pairs. La mort d’Alberto Bachelet marquera à jamais la vie de sa fille, qui voudra toujours se montrer à la hauteur de ce père aimé et admiré.
Elle poursuit ses études de médecine mais, en janvier 1975, elle est arrêtée avec sa mère par les services secrets, qui les conduisent au centre de détention de la Villa Grimaldi, où les deux femmes sont torturées. Elle sera deux fois présidente de son pays. Après un premier mandat (2006-2010) achevé avec une popularité record, Mme Bachelet n’avait pu immédiatement se représenter, la Constitution interdisant d’exercer deux mandats consécutifs. Nommée directrice exécutive de l’ONU Femmes, elle avait alors quitté Santiago pour New York. Elle a ensuite fait un second mandat (2014-2018) à la Présidence chilienne au cours duquel elle a bousculé une société réputée très conservatrice par une série de réformes progressistes, dont l’adoption du mariage homosexuel et la dépénalisation de l’avortement, jusque-là interdit.