Prédominance de l’informel, problèmes d’offre, spéculation, transactions sans factures, augmentation des prix des intrants, sont autant de facteurs qui expliquent ces hausses de prix importantes enregistrées à chaque Ramadan.
Par Khaled Remouche
Le constat dressé par le président de l’Association de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce), Mustapha Zebdi, est amer. La situation du marché en termes de flambée des prix et d’organisation de la distribution de produits de large consommation n’a quasiment pas changé. « En dépit des efforts fournis par les pouvoirs publics en matière de disponibilité des produits de large consommation et de stabilité des prix, d’ouverture des marchés de proximité, le comportement du commerçant et du consommateur n’a pas beaucoup changé et la situation du marché est presque identique à celle des Ramadans précédents », a souligné le premier responsable de l’association, tirant les enseignements de ces premiers jours de Ramadan. De façon plus précise, il faut dire, a-t-il ajouté, que les prix de certains produits ont connu des augmentations depuis quelques semaines, comme la pomme de terre, la viande rouge, et la hausse supplémentaire ne touche que quelques légumes, tandis que le prix de la viande est en hausse depuis quelques jours. La hausse des prix de la viande ovine a atteint jusqu’à 20% dans différentes régions du pays. Mustapha Zebdi reconnaît, cependant, que les produits de large consommation étaient disponibles, à part la persistance de la tension sur l’huile de table subventionnée et la semoule. Le seul point noir, selon lui, est cette hausse de la courgette en début du mois de Ramadan injustifiée et peut-être anticipée par des commerçants au vu de la demande de ce produit. Elle a atteint 150 à 180 dinars alors se vendait avant le Ramadan à 70 dinars, soit une hausse de plus de 100%. A cela s’ajoute la frénésie d’achat ou la boulimie des consommateurs et le goût du gain facile par certains commerçants. Ce qui a exacerbé la situation, c’est la récolte de la pomme de terre qui a engendré une offre insuffisante, d’où le prix de 100 à 110 dinars le kilogramme, a indiqué Mustapha Zebdi. Ce qui a freiné la hausse plus importante du prix de la pomme de terre est la nouvelle récolte de Mostaganem ainsi que les opérations de déstockage de l’Onilev. S’il n’y avait pas la pomme de terre de Oued Souf, ces deux derniers mois, le prix de la pomme de terre aurait atteint des seuils sans précédent, a-t-il observé. Mustapha Zebdi reconnaît qu’un problème de régulation se pose notamment concernant ce légume. Il faudrait revoir, selon lui, le système Syrpalac. Il rapporte que des agriculteurs ont refusé de vendre leur produit aux offices publics de régulation. Il faut voir ce qui a marché et ce qui n’a marché dans ce système pour le réviser. Concernant la viande blanche, les prix se situaient entre 350 dinars et 380 dinars le kilogramme avant le Ramadan. Ils ont atteint le seuil de 400 à 420 dinars dès les premiers jours du Ramadan. Il faut savoir que les prix de la viande blanche se sont maintenus à la hausse pendant un an, une situation sans précédent. Mustapha Zebdi l’impute à l’importante augmentation des prix des aliments de volaille ainsi que celle du prix du poussin et la situation de la filière dominée par l’informel : 80% des aviculteurs ne sont pas connus des services de l’agriculture. « Le mécanisme de fixation des prix n’est donc pas connu, comment voulez-vous que les prix du poulet soient stables et maîtrisés », a-t-il précisé.
Au chapitre des transactions commerciales, Mustapha Zebdi qualifie la situation ainsi : « C’est une anarchie qu’on peut vérifier dans certains marchés de gros de fruits et légumes où les transactions ne se font pas par bons de transactions (factures). C’est ce qu’on appelle l’absence de transparence dans les transactions commerciales, ou en termes crus, de l’évasion fiscale. » Il faut, a-t-il estimé, revoir l’organisation des marchés de gros de fruits et légumes, introduire en particulier un cahier des charges en vue d’une meilleure organisation, plus de transparence et donc plus de facilité de contrôle.
Quant au plafonnement des marges bénéficiaires inhérentes aux produits de large consommation, une solution pour stabiliser les prix et protéger le pouvoir d’achat de la majorité des ménages, une mesure suggérée par l’Apoce depuis plusieurs années, il est resté jusqu’ici sans réponse. A cet égard, le Premier ministre, Aïmène Benabderrahmane, a annoncé que cette mesure allait être mise en oeuvre prochainement. « Nous attendons que cette décision soit effective et qu’elle soit appliquée », a-t-il ajouté. Concernant la feuille de route élaborée fin décembre 2020, en concertation avec les associations de protection des consommateurs et différents intervenants sur le marché, pour moraliser les pratiques commerciales, elle n’a pas connu de traduction sur le terrain. Ainsi, c’est toute cette série de dysfonctionnements sur le marché qui explique l’anarchie sur le marché de distribution des produits de large consommation et les flambées des prix récurrentes à chaque Ramadan.
Mustapha Zebdi conclut ainsi : « Il convient de tout revoir. Au niveau des textes réglementaires, de l’organisation des marchés, d’effectuer une analyse approfondie de toutes ces failles, de toutes les lacunes, des mécanismes d’organisation et de régulation des marchés et en créer d’autres s’il le faut » pour espérer en finir avec toute cette anarchie persistante dans nos marchés et ces flambées des prix périodiques de produits de large consommation qui ne font que laminer, à l’évidence, le pouvoir d’achat de la majorité des ménages. n