Sur les planches, deux musiciens, Benjamin Constant et Evert Verhees. Derrière le rideau, quelqu’un qui s’occupe du son. Une scène dépouillée, sauf de l’essentiel. Et puis, lui, avec sa dégaine d’éternel jeune homme et cette voix qui parle au public comme on tutoie un vieux copain qu’on n’a pas vu depuis longtemps et qu’on retrouve avec le même bonheur qu’avant. Veste noire, de toutes petites choses scintillantes dessus, une chemise blanche lâchée par dessus la ceinture, un jean de tous les jours, et voilà Julien Clerc sur la scène de l’Opéra d’Alger !

Le voyage du chanteur à Alger était léger, il était court aussi – un concert unique en cette soirée du 12 septembre – mais il était bourré de plaisir aussi ; plein de cette joie que seul un grand artiste comme lui, qui a traversé le temps et les générations, sait en procurer en partageant, avec ceux qui ont eu l’excellente idée de venir assister à son spectacle, quelques grands titres de son riche et beau répertoire qu’il a agrémenté de morceaux de Gilbert Bécaud et Charles Aznavour auxquels il a rendu hommage. Une prestation d’un peu plus d’une heure, qui a commencé plus tard que prévue (vers 20H 30 au lieu de 19H30), mais qui a entraîné la salle sur des airs qu’elle suit et répète promptement.
Julien Clerc, c’est plus de cinquante ans de carrière si l’on se rappelle de ses vrais débutsen en 1967 et pas en 1969, année séminale d’une carrière comme peu d’artistes en font aujourd’hui ; ce sont des tubes écrits et composés seul ou avec Etienne Roda-Gil, des créations faites pour la durée et pour marquer le déjà très riche patrimoine de la chanson française, écrites pour qu’elles soient partout reprises là, où on parle et comprend la beauté de la langue française.
«La Californie», «This Melody», «Ce n’est rien », « Lili voulait aller danser », « Melissa » et d’autres, pas un seul de ces morceaux n’a été interprété par leur auteur sans qu’il ne soit repris en chœur par le public de l’opéra Boualem-Bessaiah, des gens conquis, connaisseurs, complices aussi, qui ont apprécié dans un silence admiratif des grands textes – comme cette
« balade pour un fou » jouée sur un air d’Astor Piazzolla, ce cri d’amour de « Femmes je vous aime » ou cette complainte des « séparés »-, qui ont tapé des mains et déhanché à la diable comme ce « Cœur de rocker » qui a fait danser les plus récalcitrants, conquis par le sourire et la générosité de l’interprète au talent qui se moque du temps qui passe.
Vous y étiez, à l’Atlas ? », lancera-t-il à un moment à la salle. « Ouiii ! » répondront avec conviction ceux qui avaient assisté au premier concert de Julien Clerc, en 1975, dans la salle mythique de Bab El Oued. « Ouii ! », répliqueront des spectateurs qui n’ont pas vingt ans, pour rire et s’amuser des séniors présents en force, mais aussi pour témoigner de la puissante et transgénérationelle popularité de celui qui a su faire entrer le soleil dans une soirée où il a plu à torrents sur Alger et ses hauteurs. « Let the Sunshine », a-t-il entonné en reprise d’une pièce de la comédie musicale « Hair », qu’il a été le premier à interpréter en France au théâtre parisien de la Porte-Saint-Martin en 1969, deux ans après l’originale de Broadway en 1967.
Entre l’ancien et le nouveau (il interprétera des pièces de son dernier album), entre le public d’hier et celui d’aujourd’hui, Julien Clerc a fait un retour réussi à Alger avec la promesse d’y revenir. « Je reviendrai », a-t-il promis sous la belle et magnifique ovation de ses fans. Merci l’artiste ! Merci à l’Institut français qui a eu l’idée de l’inviter à faire escale en Algérie pour sa tournée mondiale de son demi-siècle de carrière. Merci à l’Opéra d’Alger !