Selon le New York Times, le chef de la Maison Blanche a ordonné d’assassiner le général Qassem Soleimani, chef de la Force Al-Qods, chargée des opérations extérieures de l’Iran, contre l’avis des récents rapports du renseignement et les décisions du Pentagone.
D’après le journal, qui cite des sources au ministère de la Défense et dans l’administration américaine, des responsables du département militaire auraient proposé au chef de l’Etat américain la mort de Soleimani mais en dernier ressort, considérant qu’il s’agirait de la mesure la plus extrême et que Donald Trump ne risquait pas de choisir cette option. Le quotidien new yorkais affirme que Donald Trump a initialement refusé le 28 décembre d’éliminer Soleimani et a demandé à l’US Air Force de faire un raid sur le camp chiite de Kitaib Hezbollah en Irak à al-Qa’im. Le jour de l’opération, le 30 décembre, 25 miliciens ont été tués et 50 autres soldats blessés. Les services de renseignement auraient informé le 30 décembre M. Trump que rien d’inhabituel ne se passait au Moyen-Orient et que les déplacements de Soleimani relevaient des « activités ordinaires ». En outre, le président américain aurait été informé que le guide suprême iranien Ali Khamenei avait invité Soleimani à retourner à Téhéran sans donner son consentement à la mise en œuvre de ses plans anti-américains, de sorte que les prétendues préparations d’attaques contre l’armée américaine, que Washington attribue au général iranien, n’étaient pas inévitables. Cependant, Donald Trump a choisi une option radicale qui a également surpris les représentants du Pentagone, indique le New York Times. Cette prise de décision, soutenue par le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et le vice-Président Michael Pence, est analysée comme une déclaration de guerre. « Les Etats-Unis attaquent directement un général iranien et des groupes combattent désormais ouvertement au service de l’Iran pour venger ce général: ce n’est plus une guerre par procuration, c’est une guerre directe», affirme à l’AFP Erica Gaston, chercheuse à la New America Foundation. «Personne n’imagine que les Iraniens vont reculer», tranche cette spécialiste de l’Iran qui s’attend à une escalade entre les Etats-Unis et l’Iran dont les autorités ont promis une « vengeance terrible » et avertit qu’il s’attaquerait à des cibles américaines partout dans le monde. En réponse, le président Donald Trump a averti Téhéran que les Etats-Unis ont identifié 52 sites en Iran et les frapperont « très rapidement et très durement » si la République islamique attaque du personnel ou des objectifs américains. Certains de ces sites iraniens « sont de très haut niveau et très importants pour l’Iran et pour la culture iranienne », a précisé M. Trump dans un tweet. « Les Etats-Unis ne veulent plus de menaces! », a-t-il prévenu. M. Trump a souligné que le chiffre de 52 correspondait au nombre d’Américains qui avaient été retenus en otages pendant plus d’un an à partir de la fin de 1979 à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran.
En Irak, les appels à la « vengeance »
En Irak, les factions pro-Iran en Irak font monter la pression sur les bases abritant des soldats américains à l’issue d’une journée de défilés monstres pour les funérailles du puissant général iranien Qassem Soleimani tué à Bagdad par les Américains. Samedi, les appels à la « vengeance » ont fusé au milieu des drapeaux américains en feu et des cris de « Mort à l’Amérique » dans des défilés de dizaines de milliers d’Iraniens en pleurs à Téhéran, ou d’Irakiens en noir et se frappant la poitrine en signe de deuil à Bagdad, Kerbala et Najaf, deux villes saintes au sud de la capitale. En présence du Premier ministre démissionnaire Adel Abdel Mahdi et de hauts commandants du Hachd, ils ont accompagné dans la Zone verte ultrasécurisée les cercueils des dix hommes tués vendredi par un drone américain près de l’aéroport de Bagdad. Devant celui de Mouhandis, Hadi al-Ameri, patron des députés pro-Iran au Parlement, a lancé: « Sois-en sûr, le prix de ton sang sera le départ des troupes américaines d’Irak ». En soirée, des roquettes et obus de mortier se sont abattus quasi-simultanément dans la Zone verte de Bagdad, où se trouve l’ambassade américaine, et sur une base militaire plus au nord, où sont déployés des soldats américains, sans faire de victimes. Après ces attaques, les brigades du Hezbollah, la faction la plus radicale du Hachd, ont appelé les forces de sécurité irakiennes à s’éloigner « d’au moins 1.000 mètres » des bases irakiennes où sont présents les soldats américains, à partir de dimanche à 17H00 (14H00 GMT).
Parce que Washington a «violé la souveraineté de l’Irak», selon les mots des plus hauts dirigeants, le Hachd a appelé ses combattants à se «tenir prêts» et le leader chiite irakien Moqtada Sadr a réactivé sa milice dissoute après avoir harcelé l’occupant américain en Irak (2003-2011). Lors des obsèques à Bagdad, plusieurs chefs du Hachd se sont montrés après des rumeurs, démenties, sur la mort de plusieurs d’entre eux dans un raid samedi avant l’aube, au nord de Bagdad, contre un convoi du Hachd. La télévision d’Etat irakienne a accusé les Etats-Unis d’avoir encore frappé, mais un porte-parole de la coalition antidjihadistes a assuré qu’ «aucun raid américain ou de la coalition n’avait eu lieu ». En soirée de la journée de samedi, des drones survolaient la base K1 de Kirkouk où sont postés des Américains, de même que celle de Balad, également au nord de Bagdad, selon des sources sur place. Depuis l’assassinat de Soleimani, la communauté internationale redoute la déflagration. Moscou et Paris ont appelé à ne pas « aggraver sérieusement la situation » au Moyen-Orient. Malgré l’escalade verbale, le travail diplomatique en coulisses semble s’intensifier. Le chef de la diplomatie qatarie, Mohammed ben Abderrahmane Al-Thani, dont le pays est proche de l’Iran et abrite la plus grande base américaine au Moyen-Orient, a rencontré son homologue iranien Mohammad Javad Zarif à Téhéran.
La Royal Navy au détroit d’Ormuz
La Royal Navy va escorter les navires commerciaux battant pavillon britannique dans le détroit d’Ormuz, en raison de l’escalade de la tension entre l’Iran et les Etats-Unis, a annoncé samedi le ministre britannique de la Défense. Ben Wallace a indiqué que deux navires de guerrre, la frégate HMS Montrose et le destroyer HMS Defender, « reprendront leurs escortes de navires commerciaux battant pavillon britannique », qui transitent dans ce point de passage stratégique pour le commerce mondial de pétrole. « J’ai ordonné de préparer le HMS Montrose et le HMS Defender afin qu’ils puissent accompagner les navires » de la marine de commerce britannique. « Le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger nos bâtiments et nos ressortissants », a-t-il précisé. La Royal Navy avait déjà escorté des navires civils entre juillet et novembre, après l’arraisonnement par l’Iran en juillet du pétrolier suédois Stena Impero, naviguant sous pavillon britannique. Le ministre de la Défense britannique a également affirmé, sur Twitter, s’être entretenu avec son homologue américain Mark Esper vendredi. Les forces américaines ont été « attaquées de manière répétée » ces derniers mois par une milice pro-Iran en Irak, a-t-il déclaré.Le gouvernement britannique a conseillé samedi à ses ressortissants d’éviter de voyager en Irak et en Iran.