Le général à la retraite Mohamed Betchine est mort. Né en 1934, il décédera paisiblement à l’hôpital militaire de Constantine après que son état de santé se soit subitement détérioré, même si depuis quelques années la maladie s’était déjà bien installée.

Par Hamid Bellagha
Son itinéraire est bien simple à tracer. Il a rejoint le maquis adolescent, en 1955, et n’y descendra qu’à l’indépendance. Entre temps, son frère ainé Ahmed tombera au champ d’honneur et inscrira son nom au panthéon de ceux qui se sacrifieront pour que l’Algérie vive. Mohamed ne quittera pas l’armée et y fera carrière durant toute sa vie. Il a eu un parcours «normal» jusqu’à ce qu’il devienne le numéro deux du pouvoir durant la présidence de Liamine Zeroual. Là, les feux de la rampe se braqueront sur le général Betchine et ne s’éteindront, partiellement, qu’après qu’il ait quitté El Mouradia.
Beaucoup de mystère entoureront son passage à la «présidence» car beaucoup lui prêteront, à tort ou à raison, des pouvoirs de premier homme du pays. L’armée ayant été à l’époque une grande muette, son véritable rôle sous la présidence de Zeroual (1994-1999) reste à écrire.
Auparavant, il a été commandant de la troisième et de la quatrième région militaire. Il rejoindra par la suite les services de renseignement de 1988 et 1990, une époque marquée par les soulèvements d’octobre 88 et sa cohorte de dépassements et des abus du pouvoir envers la jeune population sortie dans la rue à la recherche d’une vie meilleure. On prêtera à Betchine le mauvais rôle dans la répression qui s’était abattue sur les émeutiers, même si d’autres généraux ont été également pointés du doigt. On avait espéré un temps que le voile se lève sur cette période trouble avec la promesse de Betchine d’écrire ses mémoires en 2016, mais pour des raisons que l’on ignore, ces mémoires ne paraitront jamais.
Ne s’étant pas fait que des amis dans le cercle très fermé du pouvoir, Betchine sera remplacé par son «ennemi intime», le général Toufik, les deux hommes forts des services qui se livreront une «guerre» sans merci. Finalement, Betchine quittera le pouvoir en 1990 pour une deuxième retraite se reconvertissant en homme d’affaires, une «fonction» acquise quand même du temps où il était encore à la présidence. Il aura eu le mérite d’être co-fondateur du RND avec, entre autres le secrétaire général de l’UGTA feu Benhamouda, le parti «né avec des moustaches» qui recueillera la majorité absolue lors des élections législatives et propulsera Zeroual pour un deuxième mandat, avorté deux années plus tard. A propos de Benhamouda, Betchine et lors de plusieurs discussions soutiendra qu’il a été «liquidé» par une arme de l’armée, et qu’il révélera en temps et en heure, les commanditaires. Il ne le fera jamais.
Il jouera aussi un rôle non négligeable dans la lutte contre le terrorisme, les pourparlers avec le FIS armé et peut-être même de l’arrivée de Bouteflika au pouvoir. Betchine sera aussi le propriétaire d’une usine de produits de construction à Oued Seguène, wilaya de Mila, à 20 km de Constantine. Il sera surtout à la tête d’un groupe de journaux dont ne subsiste aujourd’hui qu’El Acil. Il espérait avec les titres qui étaient les siens défendre son image auprès de l’opinion nationale, mais le choix des journalistes chargés de le défendre s’était révélé caduque, avec des rédacteurs plus enclin à toucher des émoluments sans pour autant n’avoir ni l’envie ni le talent d’intervenir dans les querelles d’après pouvoir de ni pour contrer les articles d’une certaine presse.
Depuis une dizaine d’années, Betchine n’interviendra pratiquement plus sur la scène politique, et se convertira pleinement à son usine d’Oued Seguène. Ne faisant plus «peur», il verra même l’énergie qui alimente son usine coupée pour non-paiement de facture. Un crime de lèse-majesté, inimaginable quelques années auparavant.
Avec sa disparition, c’est encore un général, un politique, qui emportera avec lui des secrets qui seront enterrées à tout jamais. L’écriture d’une partie de l’histoire attendra encore. <