Chaque jour qui passe accentue l’inquiétude quant à la situation épidémiologique du pays caractérisée par l’augmentation sensible des cas Covid et ses nombreuses répercussions. La sonnette d’alarme est tirée depuis plusieurs jours et les mises en garde continuent d’être émises afin de passer le cap de cette quatrième vague du variant Delta sans les dommages subis lors de la précédente.
PAR INES DALI
C’est d’ailleurs l’un des points focaux sur lesquels a insisté le ministre de la Santé, Abderrahmane Benbouzid, lors de sa réunion, par visioconférence, avec les directeurs de la santé et de la population (DSP) de wilayas. Il a souligné la nécessité de «ne pas refaire les mêmes erreurs que celles de la 3e vague, ni de voir les mêmes insuffisances surgir». Dans ce contexte, il a mis, également, l’accent sur «l’importance de la prise en charge des malades dans les hôpitaux où ils se présentent», maintenant qu’il y a «disponibilité de tous les moyens humains et matériels indispensables dans la lutte contre cette épidémie», a-t-il affirmé aux DSP. La réunion qu’a tenue le ministre, avant-hier, avec les responsables locaux de la santé est la troisième du genre en ce mois de décembre. C’est un signe, encore une fois, que la situation épidémique liée à la pandémie de Covid-19 inquiète.
La hausse des cas confirmés annoncée dans les bilans quotidiens n’est pas qu’un bilan comptable, elle se traduit sur le terrain par plus de lits occupés par des malades dans les hôpitaux, dont des dizaines se trouvent en réanimation ou encore intubés. D’autres y laissent la vie. Le rythme actuel des admissions ne tarderait pas à saturer les hôpitaux alors que le pays, pour le moment, ne fait face qu’à la propagation du variant Delta.
La hantise de voir déferler le nouveau variant Omicron se fait ressentir à chaque déclaration des spécialistes, même si seulement quatre cas ont été détectés à ce jour. «Vu le contexte mondial actuel, il n’est pas étonnant qu’on enregistre encore des cas d’Omicron dans les jours ou les semaines à venir», a estimé le Pr Fawzi Derrar, directeur général de l’Institut Pasteur d’Algérie, avant de signaler que «nous assistons, depuis la mi-décembre, à un virage dans l’épidémiologie de la pandémie de Covid-19, puisque le variant Omicron évolue à une vitesse qui a déclassé le Delta qui était, pourtant, un variant à transmission élevée».
Omicron causera «un grand nombre» d’hospitalisations
Même si pour le moment, en attendant de connaître les résultats des études en cours, il est observé «une gravité moindre d’Omicron» comparativement au Delta, il faut «garder à l’esprit que la vaccination est la seule arme qui permettra de contrôler l’épidémie que ce soit avec l’un ou l’autre variant», a relevé le Pr Derrar. Contrôler l’épidémie passe aussi par la non-saturation des hôpitaux qui peut affecter les systèmes sanitaires. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a déjà émis une mise en garde dans ce sens, prévoit «un grand nombre» d’hospitalisations même si Omicron se révélait avoir une gravité moindre. «La propagation rapide du variant Omicron va susciter un grand nombre d’hospitalisations de malades du Covid-19, même s’il s’avérait légèrement moins dangereux que son prédécesseur», a mis en garde, hier, la branche européenne de l’Organisation.
«Une hausse rapide d’Omicron, comme celle que nous observons dans plusieurs pays, même si elle se combinait avec une maladie légèrement moins grave, entraînera tout de même un grand nombre d’hospitalisations, notamment parmi les non-vaccinés», a déclaré à l’AFP une responsable de l’OMS Europe. L’écrasante majorité des patients Covid retenus dans les hôpitaux en Algérie ne sont pas vaccinés, selon les médecins exerçant dans les hôpitaux en charge de ces malades. Ils avancent un taux de 95% d’hospitalisés non-vaccinés.
Le pays compte déjà plus de 3600 malades dans les structures hospitalières, dont plus de 600 dans la capitale. D’autres wilayas comptent également un nombre élevé d’hospitalisations comme Béjaïa, Tizi Ouzou, Oran et Jijel. Au niveau de la wilaya de Blida, il est également enregistré une «hausse progressive» des hospitalisations ces derniers jours. A l’Etablissement public hospitalier (EPH) de Boufarik, centre de référence de soins de la Covid, le nombre de malades est en train d’augmenter progressivement, selon son chef de service infectieux le Dr Mohamed Yousfi.
«Actuellement, nous sommes pratiquement à plus de 50% de lits occupés, alors qu’on était à un taux de remplissage de 10-15% il y un mois», a-t-il affirmé dans une déclaration à Reporters, ajoutant que le nombre de ceux qui passent en consultation a été multiplié par quatre comparativement au mois dernier. Étant infectés par le variant Delta, les malades, dans leur majorité, présentent «des formes graves de Covid-19 et nécessitent de l’oxygénothérapie». Pour faire face à cette hausse, «pratiquement tout l’hôpital est réquisitionné pour les malades Covid, exception faite du service maternité», a révélé Dr Yousfi.
Lors de l’accalmie, plusieurs services avaient repris leurs activités initiales comme le prévoit le plan national, mais ont dû l’interrompre maintenant en raison des hospitalisations qui progressent. Trois services sont concernés à l’EPH de Boufarik, à savoir ceux de l’infectieux, médecine interne et chirurgie, a-t-il fait savoir, expliquant que depuis une quinzaine de jours, et suite aux réunions du ministre avec les DSP, les hôpitaux ont été réquisitionnés pour le Covid dans la wilaya, citant trois hôpitaux à Blida-ville, un autre à Meftah et un autre à El Affroun.
Ces structures sont redevenues Covid mais continuent d’«exercer les autres activités car il ne faut pas oublier qu’il y a les autres malades non-Covid», selon le Dr Yousfi. Il regrette, cependant, que le centre infectieux qu’il dirige ne soit plus en mesure de garder tous les lits dont il dispose, alors que «les patients ne peuvent pas être orientés ailleurs car c’est le seul centre qui prend en charge ce type de malades, ceux de Blida et de neuf wilayas du Centre», a-t-il indiqué.
Le Dr Yousfi, qui est également président de la Société algérienne d’infectiologie, a tenu à appeler, à son tour, la population à aller «se faire vacciner» mais aussi de «respecter les gestes barrières», insistant que ces deux recommandations vont de pair. n