Le nouveau procès de la double affaire du montage automobile et du financement occulte de la campagne électorale du 5e mandat devrait trouver sa conclusion, aujourd’hui, avec le prononcé du verdict final au niveau de la Cour d’Alger. Le dossier, lié à la «corruption» et qui implique plusieurs ex-hommes politiques et personnalités des affaires de l’ancien régime, avait été rouvert à la demande de la Cour suprême. La plus haute juridiction du pays avait, en effet, donné son avis favorable au pourvoi en cassation introduit par les avocats de la défense. Tous les accusés et co-accusés, dont les anciens Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, les ministres Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi ou encore les hommes d’affaires Ali Haddad (ex-FCE), Ahmed Mazouz et Mohamed Bairi … ont, en ce sens, clamé leur innocence dès la première audience du 9 janvier dernier. Les lignes de défenses des prévenus, qui invoquent le plus souvent «l’acte de gestion» pour les politiques, et le «respect de la législation» pour les hommes d’affaires, n’ont cependant pas convaincu l’accusation ; le procureur requérant «le durcissement des peines» à l’issue du procès.
En effet, déjà lourdement condamnés en première instance par le Tribunal de Sidi M’ hamed puis, en appel à la Cour d’Alger. Les principaux prévenus, qui doivent répondre de plusieurs charges dont «l’octroi d’indus privilèges», «l’abus de fonction», le «le conflit d’intérêts», «le blanchiment d’argent» ou encore de «pression sur des fonctionnaires»… risquent aujourd’hui des peines allant jusqu’à 20 ans de prison ferme et un million de dinars d’amende pour les ex-Premiers ministres. Les anciens ministres de l’Industrie Mahdjoub Bedda et Youcef Yousfi risquent quant à eux 15 ans de prison. Quant à l’ex-président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Ali Haddad, ainsi que les hommes d’affaires Hassan Arbaoui, Ahmed Mazouz et Mohamed Baïri, le procureur avait demandé 10 ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars.
Le «fond» du dossier, qui reste encore très complexe, malgré les nombreuses questions de la juge désignée pour l’occasion par la Cour Suprême, est resté axé sur les liens d’intérêts qui auraient existé entre le pouvoir politique et les principales fortunes de l’ère Bouteflika. Ainsi plusieurs déclarations ont largement mis en évidence les dessous du «financement» de la campagne de Bouteflika par les industriels du secteur du montage automobile. Ahmed Mazzouz explique en ce sens «(Mohamed) Bairi m’a contacté, me disant que la campagne allait commencer, et qu’il fallait aider le candidat libre Bouteflika (…) il m’a dit que Ali Haddad avait déjà donné 180 milliards». Le même prévenu, qui explique avoir «donné» 39 milliards de centimes «à titre personnel», avait ainsi directement désigné Ali Haddad. Ce dernier nie cependant avoir participé à la «collecte de fonds», son seul lien avec le frère de l’ancien président de la République n’aurait été que professionnel, «Saïd Bouteflika m’avait demandé de trouver un comptable financier (…) jamais il ne m’a demandé de collecter de l’argent».
Quant aux raisons qui expliqueraient la «générosité» des hommes d’affaires lors de la campagne du 5e mandat, l’accusation a en substance laissé entendre qu’il s’agirait d’un «retour d’ascenseur» suite aux facilités et agréments accordés «illégalement» par le pouvoir politique. Des accusations que les anciens responsables ont néanmoins rejetées en bloc. Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal précisent en substance avoir mis en œuvre une «politique de l’Etat» ; les faits leur étant reproché s’assimilant à des «actes de gestion», d’autant que l’octroi des concessions et autorisations d’investissement n’aurait pas été dans leurs attributions. Le Premier ministère «a une vision horizontale de l’ensemble des secteurs», explique Ahmed Ouyahia, en rejetant la charge d’octroi «d’indus avantages». L’ancien ministre Youcef Yousfi a, par ailleurs, expliqué à propos des avantages fiscaux accordés par le Conseil national de l’investissement, qu’il ne s’agissait que «d’investissement» à long terme de l’Etat. «Les avantages que donne l’Etat sont des investissements pour le futur et un encouragement aux investissements. Il n’y a pas un pays qui ne le fait pas (…), sans parler des emplois créés. L’Etat récupère les montants de ces avantages en quelques années sous forme d’impôts et de taxes», a-t-il précisé.
Quant à l’élément le plus médiatisé du procès, c’est incontestablement la surprenante déclaration d’Ahmed Oyahia concernant l’origine de tout ou partie de son patrimoine, notamment des fonds découverts sur trois comptes bancaires «oubliés». Il s’est agi d’un aveu spontané, Ahmed Oyahia précisant lors de son audition le 9 janvier par visioconférence et depuis la prison de d’Abadla, «la source n’a rien à voir avec mes fonctions (…) Je ne porterais pas atteinte à des pays frères en parlant de la source de ses fonds (…) mais je l’ai déjà expliqué dans un P-V qui se trouve au 4e étage du tribunal». Le prévenu ajoutant quelques instants plus tard avoir reçu «60 lingots d’or en cadeau de la part de quatre visiteurs de pays du Golfe». Des présents qu’il aurait par la suite, entre 2014 et 2018, «vendus au marché parallèle pour la somme de 350 millions de dinars». Une déclaration inattendue venant de l’ex-Premier ministre, d’autant qu’elle a été relativisée par son avocat, qui l’a qualifiée de «mensonge légal circonstanciel» ayant pour objectif de dénoncer ses conditions de détention : «Les déclarations liées aux lingots d’or provenaient de la prison d’Abadla de Béchar (…) Si Ouyahia était ici devant nous, à la Cour d’Alger, il n’aurait jamais tenu de tels propos». <