D’une pierre deux coups, l’Etat veut à travers cette mesure tourner la page de l’inflation qui a marqué les esprits des ménages ces derniers mois, grimpant à près de 10%, mais aussi passer à la vitesse supérieure en matière de régulation des marchés et de lutte contre l’anarchie des prix.
Hakim Ould Mohamed
Une note diffusée par l’Association des banques et des établissements financiers (Abef) fait état de la décision du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations de restreindre l’importation des légumes secs et du riz.
Désormais, seul l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) est autorisé à importer les légumes secs et le riz. Les opérations d’importation de ces produits sont ainsi interdites aux autres opérateurs privés aussi bien pour la revente en l’état que pour usage propre, lit-on dans la note rendue publique ce week-end par l’Abef. «J’ai l’honneur de vous informer que l’Abef a été rendue destinataire d’une correspondance (…) émanant de M. le Secrétaire général du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations, nous informant de l’exclusivité d’importation des légumes secs et du riz par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et l’interdiction de leur importation par d’autres opérateurs, et ce, que ce soit pour la revente en l’état ou pour usage propre», précise la note de l’Abef, s’adressant aux banques de la place, appelées à «prendre toutes les dispositions nécessaires pour l’application de cette mesure».
On peut comprendre ainsi aisément que les producteurs et les transformateurs de ces produits doivent passer désormais par l’OAIC pour s’approvisionner, comme c’est le cas déjà pour le blé depuis 2021.
D’une pierre deux coups, l’Etat veut tourner la page de l’inflation qui a marqué les esprits des ménages ces derniers mois, grimpant à près de 10%, alors que l’Indice des prix à la consommation a, lui, cru à plus de 10%, en raison, entre autres, de la hausse importante des produits alimentaires agricoles et des produits alimentaires industriels, mais aussi de passer à la vitesse supérieure en matière de régulation des marchés et de lutte contre l’anarchie des prix. Il s’agit, en un mot, de plafonner les prix des légumes secs et du riz en fonction des tarifs qu’appliquera l’OAIC aux producteurs en amont, et aux transformateurs en aval, comme c’est le cas déjà pour le blé et la poudre de lait, dont les transformateurs ont été contraints de s’approvisionner auprès de l’OAIC. Ainsi, en plus des mesures monétaires prises par la Banque d’Algérie pour enrayer l’inflation, qui sont venues, elles aussi, en complément aux dispositions prises par le gouvernement en soutien au pouvoir d’achat des ménages, la régulation des marchés semble prendre forme car celle-ci constituait jusqu’ici le maillon faible de la chaîne.
Dans son dernier rapport pour décembre 2022, qui vient d’être publié, l’Office national des statistiques (ONS) lève le voile sur une inflation qui continuait à être élevée et qui tirait sa source particulièrement des prix des produits alimentaires frais et des produits alimentaires industriels. Selon l’ONS, en décembre 2022, par rapport au même mois de l’année 2021, des hausses de prix importantes ont été relevées. Il s’agit, notamment des produits agricoles frais dont la hausse était de +17,4% et des produits alimentaires industriels qui affichaient un taux de +9,8%. En 2022 et par rapport à 2021, une tendance à la hausse marque l’ensemble des catégories de produits, en inscrivant une variation de +10,1% en 2021 à +13,4% en 2022 pour les biens alimentaires.
«Ces évolutions ont considérablement contribué à l’augmentation du rythme global d’inflation qui passe de +7,2% en 2021 à +9,3% en 2022», fait constater l’Office national des statistiques. Certains produits alimentaires importés et transformés localement, dont le riz et les légumes secs, continuaient à afficher des prix à la consommation exorbitants malgré la baisse des cours sur les marchés mondiaux pour le neuvième mois consécutif. Rien ne pouvait ainsi justifier le fait que les prix à la consommation continuent d’être élevés, d’autant plus que le dinar s’est nettement apprécié contre les deux principales devises d’échange, en plus de la baisse des cours de ces produits sur les marchés mondiaux. La décision de tordre le cou aux importateurs, en transférant à l’OAIC les missions d’importation du riz et des légumes secs peut être ainsi justifiée ; l’Etat nourrissant l’ambition somme toute légitime de stopper le rallye des prix sur le marché domestique et réguler un marché qui, au rythme où vont les choses, pourrait déboucher vers un remake de l’affaire des minoteries qui profitaient aux transformateurs des céréales au détriment des consommateurs.
Face à la hausse des prix à la consommation, l’Etat décide de remettre les pendules à l’heure en confiant à l’OAIC la mission d’importation des légumes secs et du riz et les revendre aux transformateurs et aux producteurs dans l’objectif d’enrayer le mouvement haussier des prix, de fixer les marges bénéficiaires aux transformateurs et de réguler un marché qui échappait jusqu’ici au contrôle de l’Etat. Il s’agit ainsi de muscler le dispositif de commerce extérieur de ces produits visant ainsi à réguler l’offre des entreprises aux consommateurs. n