Reporters : Vous dirigez une entreprise de fabrication de produits de céramique. Vous êtes combien d’entrepreneurs dans le pays dans ce domaine ?
Mohamed Moncef Bouderba :
En effet, je suis Directeur général d’une entreprise spécialisée dans la production de carreaux céramiques. Il s’agit d’une société familiale, créée en 1988. Elle est donc présente sur le marché depuis plus d’une trentaine d’années et a pratiquement vécu toutes les séquences que ce dernier a connu à la faveur des changements économiques survenus dans le pays et des habitudes de consommation du produit que nous fabriquons. Pour répondre à votre question, la filière céramique algérienne dispose de 65 unités de fabrication installées dans toutes les wilayas.

Quel est le profil dominant de ces entreprises ? S’agit-il de petites et moyennes entreprises ou autres ?
Toutes ou presque sont des entités familiales comme beaucoup de PME/PMI du champ entrepreneurial privé algérien, quels que soient les domaines d’activité. Le caractère familial des entreprises de la filière céramique est, cependant, davantage accentué en raison de leur histoire. Souvent, au début, leur création est à l’initiative d’une ou deux personnes qui transmettent leur héritage ou leur patrimoine à leurs descendants ou aux membres de leurs familles. Certains passent de l’artisanat à l’industrie en gardant le cachet familial. En résumé, les usines algériennes de céramique sont en général des PME qui représentent 600 millions de mètres carrés de capacité installée de production de carreaux rouges ou blancs.

Vous êtes, également, président de l’Association des céramistes algériens (ACA). Depuis quand cette association existe-t-elle et à quoi sert-elle réellement ? Quelle relation a-t-elle avec les autres associations patronales du pays ?
Oui, notre association, l’ACA, regroupe 35 sociétés de différentes régions du pays. Il s’agit d’une structure qui défend les intérêts des professionnels de la filière, mais qui prend, également, part aux grandes discussions sur l’entreprise et l’économie dans le pays. Il est dès lors normal d’avoir des contacts et des relations de travail et de concertation avec les autres associations professionnelles et patronales qui existent dans le pays.
A titre de rappel, l’ACA a été créée en 2006 et depuis mon élection à sa tête, en 2018, nous avons entamé des pourparlers avec toutes les organisations patronales, CAPC, CIPA, ONDPE, CGEOA, CREA, et les partenaires sociaux comme l’UGTA. Il est naturel aussi que nous ayons des relations de travail permanent avec des acteurs comme les ministères de l’Industrie et du Commerce, le Cnese et les Chambres de commerce.

Selon les échos, la filière de la céramique ne se porte pas bien. Vrai ou faux ?
Effectivement, la filière souffre, aujourd’hui, d’un certain nombre de difficultés. Je citerai l’arrêt du Programme du gouvernement pour la réalisation de logements tous types confondus et l’attente du nouveau programme de 2023. Cette césure équivaut à un amoindrissement, voire une interruption, d’activité chez beaucoup d’opérateurs de la filière. La demande du marché, en général, est moins importante qu’elle ne l’était et les effets de cette situation se font ressentir.

On prétend que la dégradation de la relation entre l’Algérie et l’Espagne a profondément affecté la filière. Quelles sont les raisons, selon vous ?
En effet, la filière subit les perturbations provoquées par l’interdiction de Domiciliation bancaire pour la matière première, achetée chez des fournisseurs espagnols depuis le 9 juin 2022. Cela oblige les opérateurs de la filière à rechercher ailleurs qu’en Espagne de nouveaux fournisseurs, chez les Italiens, les Portugais ou les Turcs, par exemple. Il s’agit de combler le transfert de technologie maîtrisée avec l’Espagne qui peut prendre 6 à 12 mois d’adaptation et de mise en conformité pour les essais de laboratoire. Nous respectons les décisions politiques de notre pays et souhaitons trouver des solutions alternatives pour ne pas mettre en danger notre activité économique et préserver les emplois dans notre filière qui est programmée pour obtenir les meilleures performances dans la politique de notre pays pour encourager les exportations hors hydrocarbures.

La nouvelle loi sur l’investissement a été promulguée, ses textes d’application sont en cours d’élaboration. Qu’en attendez-vous au juste ?
La filière est aujourd’hui une fierté pour notre pays en qualité et quantité, standards internationaux, et ISO 9000 en management. C’est une réalité à souligner en cette période d’anniversaire de l’Indépendance nationale. Un moment idéal pour le rappel de notre ambition de performer notre économie et devenir un pays émergent. Le marché national peut absorber les 200 millions de mètres carrés des besoins exprimés avant la Covid et le reste doit être impérativement exporté avec un plan de consolidation et d’encouragement de la part du Gouvernement algérien, avec la logistique et la convertibilité du commerce extérieur et des transactions financières et bancaires en urgence.
La céramique algérienne peut atteindre des objectifs en exportations aussi élevés que le ciment, les aciers et l’agroalimentaire, si toutes les conditions adéquates sont réunies dans la nouvelle loi sur les investissements, comme convenu lors des discussions et propositions que toutes les organisations patronales ont suggérées au Gouvernement avant la promulgation de la loi.