Le Forum des chefs d’entreprise (FCE) sous la Présidence de Sami Agli tente de soigner l’image de cette organisation patronale, la plus importante du pays, écornée par l’emprisonnement de plusieurs de ses responsables pour des délits très graves de corruption, financement occulte de campagne électorale, blanchiment d’argent. Parmi ses principales actions, en vue de redynamiser son activité après les scandales qui l’ont ébranlé depuis février 2019, la production d’une contribution d’excellente qualité, datée de décembre dernier, sur les mesures de sauvegarde des entreprises en difficulté. Un exercice qui démontre que le Forum garde intacte sa force de proposition et sa capacité à analyser de manière très fine les dysfonctionnements de l’économie nationale et à suggérer des remèdes adéquats aux maux de l’appareil de production de biens et services du pays. Le mot du président du FCE, qui introduit cette contribution, invite à une concertation avec les pouvoirs publics pour sauvegarder en particulier le secteur du BTPH qui est, selon le forum, en situation de paralysie totale ainsi que la filière électronique électroménager qui subit les effets du rationnement des kits et ceux des notes de l’Abef sur le financement des importations, le FOB et le recours au pavillon maritime national. Le gouvernement Bedoui, auquel s’adressait la contribution, n’a pas réglé pour autant les difficultés de ces entreprises en dépit de son interpellation par le Forum des chefs d’entreprise. Cette contribution par son actualité – la situation n’ayant pas changé d’un iota depuis – constitue donc de facto un clin d’oeil au gouvernement Djerad, l’invitant implicitement à tenir compte de ces propositions dans la conception de son plan d’action en voie d’élaboration, du moins dans ses premières mesures à très court terme. Le nouveau Premier ministre vient d’appeler d’ailleurs à cette concertation avec les acteurs économiques et sociaux.
En ce sens, le président n’a pas manqué d’appeler donc à l’ouverture de cette concertation. «Le forum des chefs d’entreprise se veut un partenaire de premier plan des pouvoirs publics par sa force de propositions, sa représentativité du monde de l’entreprise et sa capacité de mobilisation des principaux acteurs de la vie économique du pays. Notre engagement est total pour redynamiser la vie des filières économiques et à engager des réflexions pour donner un nouveau souffle dans la construction de la compétitivité du pays dans l’économie mondiale grâce à la compétitivité de chacune des entreprises et chacune des filières et/ou de secteur. La refondation de notre économie passe par le redressement de filières en difficulté et la promotion de nouvelles activités dans la nouvelle économie articulée au numérique et à la connaissance», souligne Sami Agli dans son texte introductif de la contribution. Privilégié à l’époque du président Bouteflika, honni par le Hirak aujourd’hui, le FCE veut se frayer une place dans les espaces de dialogue et de concertation qui seront ouverts vraisemblablement prochainement autour des questions économiques de l’heure.
Quant au contenu de la contribution, ce rapport ne se limite pas à énumérer les mesures de sauvegarde de ces filières, il affiche les enjeux et les défis de l’économie nationale. Parmi les enjeux, rappelle la contribution, figure la capacité de résistance du pays aux chocs extérieurs. «Depuis 2014, lit-on, suite à l’effondrement des prix du pétrole, tous les paramètres économiques sont devenus inquiétants (déficit budgétaire et de la balance commerciale, tendance à l’épuisement des réserves de change, endettement interne en forte croissance). L’économie réelle articulée à la rente s’essouffle… La dépense publique utilisée pendant de longues décennies n’a pas produit au final les résultats escomptés : une croissance modeste (de 4 à 5%°) compte tenu de l’importance de cette dépense (30 à 40% du PIB)…» Quant aux défis, il convient de stopper la dégradation de l’activité économique, de renforcer la résistance de l’économie nationale à la volatilité des prix du pétrole à la fois en atténuant l’impact de cette volatilité sur le budget et en diversifiant les leviers et les relais de la croissance économique. Autres points positifs dans la contribution, le FCE suggère de renforcer et réhabiliter des instances de concertation comme le Cnes et le Conseil national de la recherche scientifique. Il suggère une série de remèdes pour promouvoir le développement de la recherche et du développement, de l’économie numérique et du tourisme.
Cette contribution comporte cependant des limites liées à une tendance de nombre de ses membres à tabler sur la commande publique pour assurer l’essor de leur entreprise. Sur ce point, le rapport ne nous dit pas comment passer d’une croissance économique fragile, fondée sur la commande publique, à une croissance plus solide bâtie sur l’effort, l’initiative des entreprises et leur compétitivité. Elle occulte la nécessaire amélioration de la gouvernance des entreprises privées qui, pour la plupart, sont de statut familial. Ce qui constitue un frein à leur contribution significative à la création de richesses et d’emplois dans le pays. Le rapport considère en outre qu’en 2021, l’Algérie sera en grave difficulté financière suite à l’épuisement de ses réserves de change. Cette question divise les économistes. Pour un spécialiste financier, au rythme actuel de fonte des réserves en devises, ce seuil sera atteint en 2024. Tout dépendra finalement de l’évolution des prix du pétrole. Plus les cours du brut baissent plus diminue le matelas de devises. Cela évidemment si rien ne bouge en matière de redressement de la situation financière du pays.