Messaoud Belambri, président du Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo), revient dans cet entretien sur le projet de Décret exécutif modifiant et complétant le Décret exécutif n 19-379 du 31/12/2019 fixant les modalités de contrôle administratif, technique et de sécurité des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes.
Entretien réalisé par Sihem Bounabi
Reporters : Tout d’abord, le 5 mai, le décret 19-379 sur les psychotropes était encore une fois au centre de toute l’attention du gouvernement et sur le point d’aboutir après des années d’attente. Pourquoi ce dossier est-il très important pour les pharmaciens d’officine ?
Messaoud Belambri : Nous nous félicitons de l’aboutissement de ce travail et son adoption par le gouvernement, car les pharmaciens ont longtemps souffert de ce manque de réglementation. Nous avions, en tant que syndicat, alerté durant des années sur la nécessité de mettre en place une réglementation qui permette aux pharmaciens d’exercer dans la sécurité et la clarté. Les pharmaciens étaient pratiquement les seuls à payer un lourd tribut à cause des psychotropes, sans compter les assassinats, les agressions et les menaces.
Cela a eu pour conséquence de pousser la majorité des pharmaciens à abandonner la vente des psychotropes, c’était devenu une source d’injustice et d’insécurité. De ce fait, les vrais malades étaient pénalisés, ils n’arrivaient plus à se procurer leurs médicaments. Aujourd’hui, avec l’adoption de ce texte, les pharmaciens d’officine pourront enfin travailler en toute sécurité et sérénité.
Ainsi, dès que le décret sera publié, les pharmaciens sont prêts pour son application, car le Snapo a fait un énorme travail de communication et de préparation. Nous espérons que les ministères de la Santé et de l’Industrie pharmaceutique feront un travail à destination du public et des secteurs qui relèvent de leur autorité pour qu’ils se préparent à l’application du décret dans les délais réglementaires.
Quel est, selon vous, l’urgence pour accélérer l’application de ce décret ?
Le nouveau décret sera mis en application trois mois maximum après sa publication au Journal Officiel. L’urgence absolue maintenant est de publier au Journal Officiel, sous forme d’arrêté ministériel, la liste nominative des produits psychotropes et assimilés. Cette liste est déjà établie depuis longtemps, il ne reste que la signature et la publication de l’arrêté. Il est important de signaler que la nouveauté de taille dans ce décret est l’introduction de produits dits « assimilés ». On entend par là tous les produits qui avaient des effets notoires hallucinogènes et addictogènes, mais qui n’étaient pas classés officiellement comme psychotropes.
Or, ces produits font l’objet d’un usage détourné et posent un réel problème sur le terrain. Ils vont désormais être concernés par toutes les nouvelles dispositions du décret sur les psychotropes. Ils ne pourront plus être prescrits ou dispensés que sur des ordonnances à souches et devront être inscrits sur les différents registres. Au total, cette liste devrait comporter une quinzaine de produits. Maintenant, le plus urgent, est d’établir cette liste et la publier sur le Journal Officiel notamment sous forme d’arrêtés.
En parlant de délai, pourquoi a-t-il fallu attendre le 5 mai dernier pour que la loi sur les psychotropes soit modifiée et, encore une fois, reportée ?
Il y a eu un premier report à cause de la pandémie de la Covid, ensuite, l’adoption du décret 19-379 de décembre 2019 a été reporté suite à l’émission de l’ordonnance présidentielle 20-02 où il y a séparation des deux ministères, celui de la Santé et de l’Industrie pharmaceutique. Les établissements pharmaceutiques tels que les importateurs, les producteurs et les distributeurs se trouvent désormais sous la tutelle du ministère de l’Industrie pharmaceutique. Le décret en question est partagé entre deux ministères, celui de la Santé et celui de l’Industrie pharmaceutique.
Le report s’imposait de facto pour répartir les missions et responsabilités fixées par le décret psychotropes entre les deux ministères.
Est-ce que concrètement cela implique d’autres modifications ?
Justement une des autres urgences est la création de deux commissions mixtes, l’une pour la santé et l’autre pour l’industrie pharmaceutique. En effet, il y a un énorme travail qui se fera désormais sur le contrôle et la gestion de ces produits sensibles au niveau des établissements pharmaceutiques qui sont sous la tutelle de l’Industrie pharmaceutique, notamment pour l’importation des matières premières ou pour les mouvements des produits psychotropes au niveau du secteur de la distribution.
Maintenant que le décret a été modifié, complété et approuvé par le gouvernement, après sa soumission au comité d’arbitrage composé de tous les ministères et départements sécuritaires concernés, il n’y a plus aucune raison qu’il soit encore ajourné.
Il faut rappeler qu’avant son étude par le comité d’arbitrage au niveau du Secrétariat général du gouvernement, il avait été soumis et travaillé par les comités d’experts et commissions mixtes qui ont regroupé les représentants des médecins, psychiatres et pharmaciens. n