Face à la persistance des tensions et des pénuries de médicaments malgré les multiples efforts du ministère de l’Industrie pharmaceutique pour garantir leur disponibilité au niveau national, le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Ali Aoun, a donné un ultime avertissement aux différents opérateurs concernés : «C’est fini, je ne permettrai à personne de jouer avec la santé des citoyens et la disponibilité des médicaments qui revient très cher à l’Algérie.»

Par Sihem Bounabi
S’exprimant lors d’une conférence de presse animée en marge de sa visite à la 17e édition du Salon international de la pharmacie en Algérie «Siphal 2023», au palais des Expositions, jeudi dernier, Ali Aoun a tenu à préciser : «Nous avons 6 classes thérapeutiques sous tension. Pour les 10 classes en rupture ou qui connaissent des perturbations, toutes les mesures nécessaires ont été prises. La situation devrait rentrer dans l’ordre dans environ une semaine.» Soulignant qu’il s’agit «de produits qui ont été commandés par des importateurs ayant failli à leurs engagements».
Il a ainsi saisi cette occasion pour donner un ultime avertissement, rappelant que la loi de finances 2023 prévoit des sanctions financières à l’encontre des importateurs, producteurs et distributeurs qui ne respectent pas leurs engagements. Dans ce sillage, le ministre de l’Industrie pharmaceutique a, également, donné un ultime avertissement aux distributeurs impliqués dans les perturbations de la disponibilité des médicaments dans les officines.
Ali Aoun a ainsi déclaré que «nous combattons d’une manière farouche le monopole, la spéculation et les ventes concomitantes qui sont venus perturber ce secteur de manière impensable». Il poursuit en expliquant que «nous avons des signalements de produits qui sont en rupture ici et là, dans certaines régions, alors que dans ces mêmes régions il y a les distributeurs qui ont ces médicaments». Martelant encore une fois : «Nous sommes décidés et nous ne permettrons à personne, quelle que soit son importance, ce genre de comportement. Je les dénoncerais publiquement. Certains ont commencé à payer ces comportements.»
Le ministre a aussi tenu à souligner que «ce secteur a trop souffert des lobbies et de la spéculation». A son arrivée à la tête du ministère, le marché de la distribution était «sous l’emprise de 4 opérateurs, alors que le pays compte 200 distributeurs». Ali Aoun a, également, réaffirmé la nécessité d’une solution pérenne pour assurer la disponibilité des médicaments en Algérie, en soulignant que «la satisfaction du besoin du marché national du médicament ne peut l’être que par une production locale conforme aux normes et pratiques internationales». Ajoutant : «Je suis un farouche défenseur des producteurs locaux à condition qu’ils soient sérieux, qu’ils respectent l’éthique et la déontologie du secteur.»
Pour rappel, au début de ce mois de février, Ali Aoun avait déclaré, lors d’une séance plénière à l’Assemblé populaire nationale (APN), que «depuis sa création, le ministère a veillé sur la régulation de la distribution des médicaments qui a connu des perturbations en raison des pratiques exercées par certains distributeurs qui recourent au monopole, au stockage et à la vente concomitante».
Dès lors, le ministère de l’Industrie pharmaceutique a lancé des campagnes d’inspection dirigées par des brigades mixtes de son ministère et celui du Commerce qui se sont soldées par la fermeture de dix établissements de distribution n’ayant pas respecté la déontologie professionnelle.
De son côté, le Dr Messaoud Belambri, président du Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo), alerte depuis des années sur la problématique de la rétention des stocks et des ventes concomitantes souvent à l’origine des perturbations dans la disponibilité des médicaments. Ainsi, même s’il reconnaît que le phénomène de vente illégale a nettement reculé depuis près d’une année à cause des sanctions telles que des saisies, des mises en demeure et des procès-verbaux contre ceux qui ne respectent pas la réglementation, il affirme que «le marché du médicament en Algérie n’est toujours pas épuré de ce type de comportements qui est souvent à l’origine de pénuries». Il affirme à propos des mesures efficaces pour mettre fin à ce phénomène que «l’élimination des ventes concomitantes et de la rétention des stocks, une bonne fois pour toute, passe par la disponibilité suffisante de médicaments, le renforcement des contrôles et une véritable prise de conscience de l’éthique professionnelle et l’esprit de responsabilité des différents acteurs impliqués dans le marché du médicament».
Levée des restrictions sur 580 dossiers
Par ailleurs, le ministre de l’Industrie pharmaceutique a annoncé la levée des restrictions sur 580 dossiers liés à l’enregistrement des médicaments au niveau de l’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP), faisant état du lancement des travaux de réalisation de 67 nouveaux projets pour la production des médicaments à l’échelle nationale. Dans une entrevue accordée à la Télévision algérienne, diffusée vendredi, M. Aoun a fait part de la levée des restrictions, au cours des derniers mois, sur environ 580 dossiers liés à l’enregistrement des médicaments au niveau de l’ANPP, «ce qui contribuera efficacement à la relance du secteur». Et d’ajouter que le ministère tend, à travers une série de mesures, à réduire la facture d’importation des médicaments, notamment ceux destinés aux maladies chroniques, et à assurer leur disponibilité sur le marché local «avec une bonne qualité et à des prix abordables». «L’approvisionnement du marché national en médicaments fabriqués localement, particulièrement les produits destinés au traitement du diabète et du cancer, est nécessaire plus que jamais, compte tenu de la disponibilité des moyens pour ce faire», a estimé M. Aoun, d’autant plus que «ces deux types de médicaments constituent environ 30% de la facture d’importation des produits pharmaceutiques en Algérie, soit environ 400 millions d’euros pour l’insuline et près de 600 millions d’euros pour les médicaments destinés aux patients atteints de cancer». A ce propos, le ministre considère que le lancement de projets liés à la production de l’insuline au niveau local permettrait de réduire de moitié la facture des importations, insistant, dans ce sens, sur la nécessité de respecter les délais et la qualité. «Notre objectif en 2023 est de couvrir 50 % du marché de l’insuline en production locale, notamment après le lancement de laboratoires de production de ce type médicaments», a soutenu le ministre, expliquant que les projets de production d’insuline lancés jusque-là permettront de réduire la facture d’importation de l’insuline d’environ 200 millions d’euros. Dans un autre contexte, le ministre a relevé «la disponibilité d’un tissu industriel estimé à quelque 200 usines, certaines étant déjà opérationnelles et d’autres devant entrer prochainement en service, outre le lancement des travaux de réalisation de 67 nouveaux projets». <