Rien ne semble pouvoir arrêter le mouvement haussier des cours des matières premières et des produits de base, qui filent vers des niveaux historiques, alors que les tensions entre la Russie et l’Occident montaient d’un cran autour de la crise ukrainienne.
PAR Hakim Ould Mohamed
Signe d’une nervosité extrême sur les marchés, le baril du Brent a atteint dans la matinée d’hier plus de 113 dollars, un plus haut depuis le contre choc pétrolier de 2014, alors que l’indice américain, le WTI a franchi la barre de 111 dollars le baril, un record depuis 2013. Les deux références gagnaient plus de 6% dans la matinée d’hier avant de retomber vers midi sans perdre de vigueur, au moment où les investisseurs nourrissaient les pires inquiétudes quant à l’approvisionnement mondiale en pétrole et en gaz. Les marchés ne prêtaient même plus attention à la réunion des membres de l’Opep+ qui devaient statuer, hier, sur les quantités de pétrole à écouler sur le marché le mois prochain. Les prix du gaz ont également atteint des records historiques en Europe, alors que l’Union européenne a décidé, dans la journée, d’exclure sept banques russes du système financier international Swift. Même si deux établissements liés aux ventes d’hydrocarbures ont été épargnés, cette sanction n’a pas manqué de provoquer une onde de choc sur les marchés pétroliers et gaziers. Le cours européen de référence du gaz naturel, le TTF néerlandais, a, en effet, flambé hier jusqu’à culminer à 194,715 euros le mégawattheure (MWh), un sommet historique, et le prix du gaz britannique évoluait à un niveau très proche de son record historique de décembre dernier. Les prix du gaz britannique et néerlandais ont grimpé de plus de 30% durant la seule journée d’hier, poussés par une inquiétude grandissante quant à l’approvisionnement du Vieux Continent en gaz russe. Le prix britannique du gaz a augmenté de 85 pence à 380 p/therm. Le contrat d’avril a bondi de 68,50 pence à 360 pence/therm. Le principal facteur de cette flambée était le risque de coupures d’approvisionnement en provenance de Russie, en réaction aux sanctions occidentales. En tout cas, la situation géopolitique reste hautement imprévisible et le risque d’une nouvelle escalade et de nouvelles sanctions sont susceptibles de soutenir davantage les prix. La nouvelle, qui s’est répandue hier dans les milieux des investisseurs, selon laquelle l’UE envisageait d’interdire les navires russes dans les ports du Vieux Continent, a également contribué à alimenter cette panique en Bourse.
Vers une crise énergétique en Europe ?
La Grande-Bretagne a ordonné, lundi, la fermeture de son port aux navires associés à la Russie, une décision qui pourrait être adoptée par l’Union européenne. Plusieurs pétroliers en provenance de l’installation russe de Yamal LNG, qui ont initialement signalé des destinations au Royaume-Uni et en France ont changé leur statut et ont montré les données de suivi des navires de Refinitiv Eikon. Cependant, l’approvisionnement par pipeline de gaz naturel de la Russie vers l’Europe a augmenté ces derniers jours, ont déclaré des analystes à Reuters.
En outre, l’approvisionnement en gaz russe de la Slovaquie à partir de l’Ukraine via le point frontière de Velke Kapusany devrait atteindre leur plus haut niveau en 2022, à 881 917 mégawattheures (MWh), hier, tandis que les livraisons via la Pologne sur le gazoduc Yamal-Europe se sont poursuivies. Cela n’a pas empêché le marché de valser au rythme des folles inquiétudes sur d’éventuelles représailles russes à la suite de l’interdiction à certaines banques d’accéder au système Swift.
Cette panique a poussé l’Allemagne à s’approvisionner en gaz non russe pour une valeur de 1,5 milliard d’euros. En tout cas, tout porte à croire que la situation peut basculer dans un sens ou dans un autre compte tenu des développements de la situation durant la journée d’hier, marquée par la mise à exécution de l’interdiction du système Swift à certaines banques russes. De ce fait, toute perturbation des exportations énergétiques de la Russie entraînera une nouvelle crise énergétique en Europe. D’autant plus que les capacités de stockage et les sources d’approvisionnement alternatives sont pour le moins très limitées. Bien que les Etats-Unis aient appelé à une libération des réserves mondiales de pétrole,
les prix du brut devraient rester au-dessus de 100 dollars à moins que d’importantes sources alternatives n’entrent sur le
marché.
Preuve en est, l’annonce, mardi, par l’Agence internationale de l’énergie de la mise sur le marché de 60 millions de barils tirés des réserves de ses pays membres n’a pas eu l’effet d’apaisement escompté. La Russie est le deuxième plus grand exportateur de pétrole brut au monde, premier producteur de gaz et principal fournisseur de l’Europe. De ce fait, les problèmes de la chaîne d’approvisionnement et les pressions inflationnistes résultant de la flambée des cours restent la première préoccupation de nombreux investisseurs dans le monde. n
Les actions du géant pétrolier Saudi Aramco à un niveau record
Les actions du géant pétrolier saoudien Aramco ont atteint hier un niveau record depuis son entrée en Bourse fin 2019, dans un contexte de flambée des prix du pétrole en raison du conflit armé en Ukraine.
L’action d’Aramco s’échangeait à la clôture mercredi à 43,05 riyals (environ 10,33 euros) à Ryad, selon le site du Tadawul, la Bourse de l’Arabie saoudite, la riche monarchie pétrolière du Golfe étant actionnaire majoritaire de l’entreprise.
Premier exportateur de pétrole brut au monde, Aramco avait été introduit en grande pompe en Bourse à Ryad en décembre 2019. L’action avait été lancée à l’époque au prix de 32 riyals (environ 7,7 euros).
Ce record boursier d’Aramco intervient après que les sanctions contre Moscou liées à l’invasion de l’Ukraine dans la nuit du 23 au 24 février commencent déjà à peser sur les exportations de brut russe. Les deux cours du pétrole de référence, le Brent de la mer du Nord et le West Texas Intermediate (WTI) américain, n’ont pas arrêté de croître. Les pays membres de l’Opep+ réunis hier à Vienne ont maintenu leur plan prudent d’augmentation mensuelle de la production de 400.000 barils/jour.
Les analystes observent un certain attentisme de la part de l’Opep+ composé des treize membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menés par Ryad, et de leurs dix alliés conduits par Moscou.
L’économie du royaume saoudien qui repose essentiellement sur l’exportation de pétrole, avait lourdement pâti des baisses des prix de l’or noir sur les marchés mondiaux depuis 2014.