Par Hakim Ould Mohamed
L’Opep+, une alliance constituée essentiellement des membres de l’Opep et une dizaine de producteurs non-Opep, a décidé, jeudi, de rouvrir progressivement ses vannes à partir du mois de mai prochain. La réunion de jeudi, dédiée essentiellement à fixer les prochains quotas de production, s’est conclue sur une surprise : l’Opep+ a décidé d’alléger progressivement les coupes de production imposées à ses membres à compter de mai, alors que les investisseurs s’attendaient plutôt à un statu quo dans la politique de l’Organisation, en raison des inquiétudes persistantes sur la demande mondiale de pétrole. Le Secrétaire général de l’Opep a même appelé, la veille, à observer une attitude prudente face à la baisse de la consommation et l’absence de reprise. Emmenés par l’Arabie saoudite et la Russie, deux poids lourds de l’Opep+, les producteurs ont dit constater «des améliorations du marché soutenues par les programmes de vaccination» dans le monde et «les politiques de relance dans les économies clés», tout en notant la «prudence» nécessaire face à «la volatilité observée ces dernières semaines». Le ministre saoudien de l’Energie et chef de file de l’alliance, Abdelaziz ben Salmane, avait comparé la situation actuelle du marché du brut à une «mer agitée», soulignant que la «la situation mondiale est loin d’être homogène et la reprise est loin d’être complète». Ce pourquoi, les producteurs fédérés sous la casquette de l’Opep+ ont préféré aller vers une levée progressive des restrictions de la production à compter de mai prochain. Plus concrètement, l’Opep+ a décidé d’augmenter le niveau actuel de production de ses membres de 350 000 barils par jour en mai, autant en juin et de 450 000 en juillet. Les baisses actuelles de production cumulent une coupe globale d’environ 7 millions de barils par jour, à laquelle s’ajoute une coupe volontaire de 1 million de barils par jour soutenue par l’Arabie Saoudite.
Le poids des entretiens politiques
Ces coupes ont permis au marché d’éviter une situation de saturation des capacités de stockage et une rechute des prix, convalescents aux alentours de 60 dollars le baril mais toujours fragiles. Le cadeau de Ryad n’est bien évidemment pas éternel, puisque le 1 million de barils saoudiens retirés quotidiennement du marché depuis février reviendra lui aussi progressivement, par palier entre mai et juillet. La décision de jeudi est d’autant plus surprenante que l’Opep et l’AIE ont livré des estimations peu réjouissantes sur l’évolution de la demande mondiale de pétrole. Les entretiens d’avant la réunion ont probablement pesé sur la décision finale. Le prince héritier Mohammed ben Salmane s’est entretenu au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine avant la réunion, a fait savoir le Kremlin, évoquant surtout les initiatives des deux pays en matière de développement durable. Des échanges ont également eu lieu, mercredi, entre la partie saoudienne et la ministre américaine de l’Energie, Jennifer Granholm, selon un tweet de cette dernière. Non membres de l’accord, les Etats-Unis n’en restent pas moins les premiers producteurs du brut au monde avec 11 millions de barils produits chaque jour. Quoi qu’il en soit, l’orientation a été donnée dès le début de la réunion par les deux ministres de l’Energie, saoudien et russe, le premier entrevoyant une reprise, même si elle n’est pas complète, le second constatant «que l’économie continue de se redresser». Il est vrai que la situation actuelle se présente sous de meilleurs auspices que lors du début 2020, mais l’arrivée de la troisième vague des contaminations en Europe et un virus qui se propage à grande vitesse sur des marchés porteurs pour la demande de brut comme l’Inde, les espoirs d’une reprise se sont lézardés et le moral de la plupart des producteurs était au plus bas ces dernières semaines. Ce pourquoi les investisseurs et les analystes tablaient sur le maintien des coupes de production, en l’absence de signaux positifs provenant du front de la demande et de la reprise économique. Les ministres de l’Opep+ ont par ailleurs convenu de se retrouver dès la fin du mois, le 28 avril. n