Par Hakim Ould Mohamed
Le président chinois Xi Jinping veut un partenariat plus étroit et plus stratégique avec les monarchies du Golfe. Dans un discours prononcé, vendredi, en Arabie saoudite, où il s’était rendu pour une visite de trois jours, sanctionnée par la tenue d’un sommet Chine-CCG (Conseil de coopération du Golfe), élargi à des dirigeants arabes, le président chinois a proposé cinq grands domaines de coopération au cours des trois à cinq prochaines années, notamment l’énergie, la finance et l’investissement, l’innovation et les nouvelles technologies, ainsi que l’aérospatiale, et la langue et les cultures. Cependant, la coopération dans le domaine de l’énergie, dont les monarchies du CCG sont parmi les plus grands producteurs mondiaux, revêt une importance primordiale pour Xi Jinping. D’ailleurs, les sommets auxquels ont participé les responsables arabes et chinois ont suivi des entretiens bilatéraux ayant eu lieu, jeudi, avec les dirigeants saoudiens au terme desquels Ryad et Pékin ont souligné «l’importance de la stabilité» sur les marchés pétroliers, un point de friction avec les Etats-Unis qui ont exhorté les Saoudiens à augmenter leur production. «La Chine continuera à soutenir fermement les pays du CCG en vue de maintenir leur sécurité (…)», a déclaré Xi Jinping après le sommet avec le CCG (Arabie saoudite, Qatar, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman). Elle «continuera d’importer de larges quantités de pétrole brut des pays du CCG», a-t-il assuré, en promettant d’étendre cette coopération à d’autres domaines, comme les importations de gaz naturel liquéfié (GNL). Xi Jinping a en outre déclaré que la Chine utiliserait une plateforme basée à Shanghai «pour régler en RMB (yuan) le commerce du pétrole et du gaz», une décision qui, en cas d’accord des pays du Golfe, pourrait affaiblir la domination mondiale du dollar américain. Ce sera également une décision qui provoquerait les foudres de Washington qui, depuis quelques mois, entretient des relations plutôt difficiles avec l’Arabie saoudite. Autrefois l’un des alliés les plus fidèles de Washington au Moyen-Orient, l’Arabie saoudite a vu ses relations avec Washington se dégrader suite aux dernières décisions de l’Opep d’opérer dans coupes drastiques dans sa production. La dernière coupe en date, qui consistait à réduire la production du groupe de l’Opep+ de 2 millions de barils par jour n’a pas été du goût de Joe Biden qui espérait endiguer la hausse des prix de l’essence aux États-Unis avant les élections de mi-mandat et de limiter, par la même, les revenus de la Russie tirés de la vente de ses hydrocarbures.

Arabie saoudite-USA, les liens au plus bas
Après avoir mis des pieds et des mains pour empêcher la réduction de la production de l’Opep et dépêché plusieurs émissaires en Arabie saoudite afin de convaincre la famille royale de surseoir au projet de réduire à nouveau la production de pétrole, l’Opep n’a pas acquiescé au vœu du président américain. Mieux, l’Arabie saoudite était à la source d’une coupe drastique de 2 millions de barils dans la production cumulée de l’Opep+. Cette décision a encore tendu les relations entre la Maison Blanche du président Joe Biden et la famille royale d’Arabie saoudite. Il faut dire que la gestion par Washington de l’accord sur le nucléaire iranien et le retrait de son soutien aux opérations militaires d’une coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen ont fâché les responsables saoudiens. Le rapprochement sino-saoudien ne fera qu’envenimer davantage les relations entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. D’autant plus, qu’outre le pétrole et le gaz, sujet de discorde entre les alliés d’autrefois, le soutien des Saoudiens «au principe d’une seule Chine», leur soutien de la Chine «dans la sauvegarde de sa propre souveraineté, de sa sécurité et de son intégrité territoriale», ainsi que leur rejet de «l’ingérence dans les affaires intérieures de la Chine par toute force extérieure sous prétexte de droits ou tout autre» ne feront qu’éloigner les Américains de leurs anciens alliés du Golfe. Et c’est la Chine qui tire les ficelles ; Xi Jinping effectuant une visite historique en Arabie saoudite, sanctionnée par d’importants engagements dans le domaine de l’énergie. En effet, les deux parties ont convenu de renforcer leur commerce du pétrole brut, leur coopération en matière d’exploration et de développement de projets pétroliers et gaziers, de concrétiser le projet de complexe sino-saoudien d’éthylène ainsi que d’autres projets énergétiques majeurs. La Chine et l’Arabie saoudite ont également convenu d’explorer les opportunités d’investissement conjoint dans le secteur pétrochimique et de renforcer leur coopération dans les domaines de l’hydrogène, de l’électricité, de l’énergie photovoltaïque, de l’énergie éolienne et d’autres sources d’énergie renouvelable. Client important du brut saoudien, la Chine a décidé ainsi d’approfondir ses liens avec l’Arabie saoudite dans le secteur de l’énergie. Une première, alors que les relations de Ryad avec Washington n’ont jamais été aussi conflictuelles. En tout cas, la visite de Xi Jinping en Arabie saoudite dans un contexte de troubles majeurs sur le marché pétrolier ainsi que sur l’échiquier géopolitique, suite à la guerre en Ukraine, signale l’intention de la Chine d’accroître son influence au Moyen-Orient, où les États-Unis étaient, jusqu’à récemment, la superpuissance mondiale la plus influente dans la région. La visite du président chinois suggère également que l’Arabie saoudite considère ses relations avec la Chine comme étant d’une importance stratégique. <