Après une année 2022 marquée par une succession d’événements ayant pesé sur le marché pétrolier, l’année qui commence semble destinée à évoluer dans la même atmosphère de volatilité si chère aux cours de l’or noir, sur fond d’une incertitude qui risque même d’être encore plus forte que l’année dernière. Laquelle a vu la guerre en Ukraine pousser les séances d’échange vers des voies inédites et des mutations géostratégiques faisant monter le brut à des hauts records au printemps dernier, avant qu’une période de recul ne s’enchaîne faisant perdre au baril quelque 50 dollars.
Par Feriel Nourine
Et c’est dans cette tendance que le marché clôturait, vendredi, sa dernière séance de 2022. Le Brent et le WTI ont, certes, amélioré leurs gains pour s’afficher à respectivement 86 dollars et 80 dollars, mais leurs prix restent nettement loin des près de 140 dollars atteints en mars dernier, calmés notamment par une économie mondiale au rythme de la récession et d’un retour en force de l’épidémie de Covid-19 en Chine. Deux facteurs qui ralentissent l’enthousiasme des investisseurs et freinent la demande mondiale, faut-il le souligner.
Sur l’année, la référence européenne a terminé l’année en hausse de 7,5% contre 4,2%, mais elles ont perdu près de 40% de leur valeur par rapport aux pics enregistrés quelques semaines après l‘entame de la guerre en Ukraine.
Pour 2023, peu de changements sont attendus sur le marché pétrolier. La guerre en Ukraine est toujours résonnante par ses tirs d’armes repoussant l’échéance d’une fin aux tensions armées entre la Russie et l’Ukraine.
Bien au contraire, la guerre entre ces deux pays s’inscrit de plus en plus en plus dans la durée, et les sanctions, notamment énergétiques, des pays occidentaux contre Moscou semblent avoir plus l’effet de l’huile versée sur le feu que celui de mise en place des mécanismes qui porteraient un coup à sa machine de guerre, comme le prétend constamment l’Union européenne et ses alliés.
C’est, en effet, l’objectif que comptent atteindre l’UE, le G7 et l’Australie à travers le plafonnement, à 60 dollars, du prix du brut russe dont l’entrée en vigueur a eu lieu début décembre dernier.
Or, si cette sanction n’a pas eu, depuis, d’effets notables sur les cours du pétrole, pour des paramètres de marché qui échappent au contrôle et à la maîtrise des pays qui ont adopté ce mécanisme, le dossier est loin d’être clos. C’est visiblement surtout du côté de la Russie qu’il faudra attendre les retombées du plafonnement. A ce propos, Moscou n’avait pas tardé à réagir à la nouvelle sanction en menaçant d’opérer des coupes dans ses pompages, en guise de riposte à la décision de l’UE et ses alliés, jugée de «stupide» par le Kremlin qui détient manifestement des arguments assez solides pour faire regretter, une nouvelles fois, à l’UE et ses alliés leur batterie de sanctions.
Après une montée au créneau de hauts responsables du pays, le président russe, Vladimir Poutine, est passé à l’acte, le 27 décembre, en signant un décret interdisant la vente aux pays qui appliquent le plafonnement à 60 dollars décidé par les Occidentaux. La mesure entrera en vigueur dès le 1er février prochain et durera jusqu’au 1er juillet, soit cinq mois. Ses effets se sont visiblement déjà vérifiés sur le marché en faisant gagner quelques dollars au baril qui a clôturé l’année à son plus haut depuis au moins quatre semaines.
Dans cette logique, l’entrée en vigueur, dans quatre semaines, du décret signé par Poutine pourrait faire monter nettement plus les cours de l’or noir.
Mais c’est surtout sur la situation épidémiologique en Chine que les regards des analystes sont braqués pour établir des prévisions de marché en 2023. C’est, en effet, de l’évolution de Covid-19 chez le premier importateur de pétrole que dépend, en partie, la progression de la demande mondiale, estime-t-on dans le milieu des spécialistes. Ces derniers prévoient que le niveau du baril de pétrole va beaucoup dépendre de la reprise de l’économie chinoise, après la fin de la stratégie du «zéro Covid».
En d’autres termes, l’année qui débute pourrait être favorable pour l’évolution des cours à condition que la reprise chinoise se matérialise, estime-t-on.
Sur ce registre, il faudra sans doute attendre encore pour voir plus clair. Ceci d’autant qu’après la levée par Pékin de nombreuses mesures visant à limiter la propagation du Covid-19, une nouvelle vague de contaminations dans ce pays alimente l’inquiétude des investisseurs, poussant d’autres pays à imposer des restrictions sanitaires aux voyageurs en provenance de Chine. Dans ce type d’évolution du marché, les pays producteurs devraient maintenir à son plus haut degré leur vigilance, et continuer à faire preuve de prudence dans la gestion de leur offre. En ce sens, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et leurs partenaires autour de l’Opep+ ont déjà tracé le chemin à suivre en continuant à réduire leur offre de 2 millions de barils en janvier. La suite de la feuille de route se fera en fonction de l’évolution du marché face aux événements qui s’annoncent. <