La banque centrale a dévoilé, mardi, les grands agrégats monétaires et financiers et leur tendance durant les neuf premiers mois de l’année. Sans l’ombre d’un doute, le niveau de dépréciation de la monnaie nationale et celui de l’inflation sont les deux indicateurs ayant marqué le plus les esprits. L’un dans l’autre, la dépréciation du dinar et la hausse foudroyante de l’inflation auront des conséquences inévitables sur les entreprises et le pouvoir d’achat. Ce mouvement haussier n’est pas près de connaitre un quelconque répit, puisque dans ses calculs de la période 2022-2024, le gouvernement table sur de nouvelles dépréciations, lesquelles participent pleinement à la hausse de l’inflation, en plus de l’augmentation des prix sur le marché mondial, la dérégulation des marchés domestiques et la volonté de raboter les subventions dès 2022.

Par Hakim Ould Mohamed
Le dinar s’est nettement replié, cette année, malgré la reprise des cours pétroliers mondiaux depuis début 2021. Les données monétaires communiquées, mardi, par le Gouverneur de la Banque d’Algérie sont très parlantes. Evoquant le chapitre de la politique de change entreprise par son institution, lors d’une conférence dédiée à la présentation des principaux agrégats monétaires et financiers, le patron de la Banque centrale, Rosthom Fadli, a indiqué, d’emblée, que les évolutions du cours du dinar algérien demeurent fortement corrélées à l’évolution des fondamentaux économiques et aux fluctuations des principales monnaies de réserve sur les marchés internationaux des changes.
Cela signifie qu’une appréciation du dinar était peu envisageable dans un contexte marqué par une évolution baissière des fondamentaux de l’économie et où le marché de change mondial est trop volatile. Ainsi, la monnaie nationale continuait de se dépréciait en 2021, pour la énième année, perdant 6,21 % de sa valeur contre le dollar américain durant les onze premiers mois de l’année en cours par rapport à la même période de l’année précédente. Le dollar s’est échangé en moyenne contre 134,7 dinars au courant de l’année en cours, contre un cours moyen de 126,3 dinars en 2020. En termes de variation de fin de période, le dinar algérien perpétue sa dégringolade, se dépréciant de 6,86% passant de 129,1 dinars/dollar à fin novembre 2020 à 138,6 dinars/dollars à fin novembre 2021, et une dépréciation de 4,69 % entre fin novembre 2021 et fin 2020 où le cours enregistré était de 132,1dinars/dollar. La monnaie nationale n’était pas non plus en meilleure forme face à l’euro, puisque, selon les estimations de la Banque centrale, le dinar algérien s’est déprécié de 10,38% en termes de moyenne des 11 premiers mois de 2021 par rapport à la même période de l’année précédente où les cours enregistrés étaient de 160,02 dinars/euro, et de 143,4207 dinars/euro en 2020. En variation de fin de période, le dinar algérien s’est déprécié davantage de 1,69% vis-à-vis de l’euro ; la parité passant de 154,39 dinars/euro à fin novembre 2020 à 157,05 dinars/euro à fin novembre 2021, et une appréciation de 3,4% entre fin novembre 2021 et fin 2020 où le cours s’est établi à 162,40 dinars/euro. Ces nouvelles dépréciations de la monnaie nationale qui ont marqué l’exercice actuel sont une suite logique de la politique adoptée par la Banque centrale au lendemain du crash pétrolier de la mi-2014.

Rebond menaçant de l’inflation
Depuis, la Banque centrale a adopté une politique de change prudente, étant donné qu’une surévaluation du dinar pouvait faire peser des risques considérables sur l’économie nationale, dont les fondamentaux évoluaient résolument en tendance baissière. Cette dépréciation entamée depuis 2014 participait, en partie, à amortir l’effet du choc externe de grande ampleur sur l’économie. Elle était également de nature à aider à faire croître artificiellement les revenus de la fiscalité pétrolière libellée en dinar et à renchérir le coût des importations. Ces nouvelles estimations de la valeur du dinar, rapportées à celles des principales devises d’échange, renseignent de la poursuite de la même politique par la Banque centrale, d’autant plus que les fondamentaux ne semblent pas migrer vers la zone de confort, permettant de lever le pied sur les dépréciations à répétition de la valeur du dinar. Cependant, cette politique n’est pas sans conséquences sur l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages, laminé, ces dernières années, en partie, sous l’effet de cette politique qui a fait perdre au dinar d’importantes marges et aux ménages et aux entreprises d’importants profits. La Banque d’Algérie a levé le voile justement sur une inflation galopante, dont le taux s’est accéléré de 5,96% en une année pour atteindre 9,2 %, en octobre 2021 par rapport au même mois de l’année précédente, un taux jamais observé depuis 2012, année des grands rattrapages salariaux, reflétant, selon le Gouverneur de la plus haute institution monétaire, la hausse des prix des produits alimentaires. En effet, selon les chiffres fournis par Rosthom Fadli, cette évolution reflète la forte hausse des prix des biens alimentaires, passant de 1,8 % en octobre 2020 à 14,4 % en octobre 2021, en lien avec la forte croissance des prix des produits agricoles frais qui ont inscrit une évolution de 16,5 % en octobre 2021 contre 1,9 % le même mois de l’année écoulée. Les prix des biens manufacturés sont restés en hausse, atteignant un taux de 6,2 %, les prix des services ont évolué de 2,3 % en octobre 2021 contre 0,7 % le même mois de l’année précédente. Bien évidemment, cette progression fulgurante de l’inflation tient sa source de la dépréciation continue de la monnaie nationale, en plus de la hausse des prix des produits alimentaires de base sur les marchés mondiaux. Il y a peu de chances pour que ce mouvement haussier connaisse un répit, tant il est vrai que l’ensemble des facteurs favorisants sont omniprésents, dont la dépréciation du dinar annoncée sur la période 2022-2024, la volonté du gouvernement de lever le pied sur les subventions, la dérégulation des marchés…