En réunion depuis lundi 1er août, les parties maliennes concernées par l’Accord d’Alger ainsi que la Médiation internationale et la Communauté internationale autour du Comité de suivi de l’Accord (CSA), achèveront leurs travaux demain vendredi 5 août. Il s’agit d’un rendez-vous «historique», indiquent les autorités maliennes de transition. Il intervient dans un contexte marqué par un regain de violence dans leur pays et par un appel amical de l’Algérie à accélérer la mise en œuvre d’un accord de paix en attente d’application depuis sa signature en 2015. Des amorces de décisions et de résolutions importantes sont attendues en ce qui concerne le désarmement et la réinsertion des ex-combattants des groupes politico-militaires du Nord-Mali…

Par Lyes Sakhi
Cette réunion «de niveau décisionnel», à laquelle prennent part les représentants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rebelles) et de la Plateforme des mouvements du 14 juin 2014 (pro-gouvernement), vise à «débattre des différents aspects de l’Accord pour parvenir à un consensus autour de décisions qui concrétiseront sa mise en œuvre effective au bénéfice de l’ensemble des parties pour une paix durable et le développement du Mali», a indiqué un communiqué du ministère malien de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale en charge de l’Accord d’Alger à propos de ses travaux.
Entamé sous la présidence du Premier ministre Choguel Maïga, ce dernier a salué «l’ensemble des acteurs de l’Accord», mettant l’accent sur «l’importance du dialogue pour résoudre tous les différends». «Il ne pouvait pas y avoir de point qui ne puisse être soumis aux discussions en faveur de la paix», a-t-il affirmé, indiquant que les défis sécuritaires et socioéconomiques, l’affaiblissement du leadership local auxquels l’Etat malien fait face sont des handicaps majeurs dans la construction de la paix sociale et le développement local et menacent dangereusement son existence.
«Devant cette situation critique, la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, constitue l’une des orientations de la Feuille de route de la Transition, ainsi que du Plan d’action du Gouvernement 2021-2022, qui s’articule autour des axes stratégiques majeurs suivants : le renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, les réformes politiques et institutionnelles, l’organisation des élections générales, la promotion de la bonne gouvernance et l’adoption d’un pacte de stabilité sociale», a déclaré le Premier ministre. A ses dires, son gouvernement a instruit le Commissariat à la Réforme du secteur de la Sécurité (C-RSS), de tenir des réunions interministérielles «pour dégager le quota à octroyer aux Mouvements, tout en tenant compte de la soutenabilité de l’opération et des capacités d’absorption des services concernés par l’intégration». «Aujourd’hui, déterminés à répondre de manière réaliste et diligente aux engagements pris, il nous appartient de convenir, consensuellement à l’acceptation des offres de quotas militaires et civils proposées par le gouvernement concernant l’intégration des ex-combattants dans les corps constitués de l’Etat, y compris les Forces armées de sécurité, la poursuite de la mise en œuvre des questions politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle, la définition des modalités pratiques pour la gestion du cas des hauts cadres civils et militaires des mouvements», a-t-il précisé.

Renforcement de la confiance entre les parties à l’Accord
Selon Choguel Maïga, la mise en opération de ces différentes mesures contribue grandement au renforcement de la confiance entre les parties à l’Accord. «Je suis persuadé que ces cinq jours de concertations constitueront pour nous un espace fécond d’expression et de réflexion nous permettant d’avancer sur les différentes problématiques posées», avait-il dit lors de son allocution inaugurale, lundi dernier.
Pour sa part, le ministre de la Réconciliation chargé de l’Accord de paix d’Alger, le colonel-major Ismaël Wagué, est revenu dans son intervention sur «l’attachement des différentes parties signataires de l’Accord à l’application du processus de paix d’Alger et le chemin parcouru jusque-là, malgré les difficultés rencontrées sur le terrain».
«Depuis 2015 que nous nous sommes engagés devant le peuple malien et la communauté internationale à construire une paix durable, à travers l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, que de chemin parcouru, parsemé de compromis, de succès, de sacrifices, souvent de reculs et parfois de rebondissements», a-t-il souligné, saluant «les différentes parties prenantes pour les efforts consentis de part et d’autre», tout en insistant sur le caractère «décisif» de cette rencontre pour avancer dans le processus de mise en œuvre de l’accord.
En résumé, l’un des objectifs de la réunion, qui prendra fin demain, est de diligenter la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger à travers l’accélération du processus de Désarmement-Démobilisation-Réinsertion (DDR) des ex-combattants. «Pour ce faire, nous procéderons aux discussions relatives à la répartition des quotas à l’intégration des ex-combattants dans les corps constitués de l’Etat, y compris au sein des forces armées et de sécurité, au mécanisme de gestion du cas des hauts cadres civils et militaires des mouvements et enfin, de convenir des réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle», a fait observer le ministre de la Réconciliation. Selon lui, la présente réunion vise essentiellement à créer les conditions nécessaires pour entamer le DDR global et s’accorder sur les réformes politiques et institutionnelles non liées à la révision constitutionnelle. «La transition offre une opportunité unique pour parachever la mise en œuvre de l’Accord»
Le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies au Mali et chef de la Minusma, El Gassim Wane, a déclaré que «la Transition offre une opportunité unique pour parachever la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, laquelle, faut-il le rappeler, participe aussi de l’entreprise en cours de refondation de l’Etat malien. Tout doit être fait pour conforter cette dynamique», a-t-il dit. Le représentant des Nations unies a souligné que l’appui à la mise en œuvre de l’Accord de paix est l’une des priorités stratégiques de la Minusma.

Rétablir et restaurer la sécurité
L’ambassadeur d’Algérie au Mali, El Haoues Riache, chef de la Médiation internationale et du Comité de suivi de l’accord (CSA), a indiqué, quant à lui, que cette réunion revêt une grande importance pour la poursuite du processus de mise en œuvre de l’Accord de paix. «Cette réunion se tient aussi à un moment où des avancées sont annoncées par les autorités maliennes dans la lutte qu’elles mènent contre le terrorisme sur l’ensemble du territoire. Ces avancées contribueront, sans nul doute, à rétablir et à restaurer la sécurité tant nécessaire à la mise en œuvre des réformes engagées. Les Parties maliennes signataires de l’Accord de paix ont donc aujourd’hui la possibilité d’exploiter ces opportunités pour créer des synergies favorables aussi à la mise en œuvre de cet Accord, lequel reste la clé au retour de la paix et la stabilité au Nord de leur pays», a-t-il dit.
Selon le diplomate algérien, «cette réunion constitue aussi une forte réaffirmation de l’attachement des Parties à l’Accord de paix. Nous espérons donc qu’elle enclenchera, dans les semaines et les mois à venir, une accélération du processus de mise en œuvre de cet accord et de son intégration dans la dynamique globale de refondation des institutions du pays. De l’avis de la médiation internationale, il est urgent de parvenir à une accélération du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, lequel reste la pierre angulaire pour le retour de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans le respect de l’intégrité territoriale, de l’unité nationale et de la souveraineté de ce grand pays. La médiation internationale saisit cette heureuse opportunité pour vous renouveler son plein appui pour la réalisation de ce noble objectif», a déclaré El Haoues Riache. L’ambassadeur d’Algérie au Mali a, enfin, invité les uns et les autres à œuvrer pour l’atteinte des objectifs, à savoir la réussite effective du processus de DDR et des réformes politiques et Institutionnelles.
Pour rappel, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a affirmé que le règlement des problèmes auxquels fait face le Mali passait par la mise en œuvre de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger. «Tant que l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger n’a pas été mis en œuvre, les problèmes auxquels est confronté le Mali perdureront, car le pourrissement de la situation est tel que n’importe qui s’arroge le droit de s’immiscer dans les affaires de ce pays», a souligné le Président Tebboune lors de sa rencontre périodique avec la presse nationale, diffusée dimanche 31 juillet 2022. n