La Réunion de Haut niveau Décisionnel (RND) des parties à l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali qui a pris fin vendredi 5 août après cinq jours de travaux, a ouvert une nouvelle opportunité pour la relance de l’accord de paix signé à Alger en 2015 entre le gouvernement et les ex-rebelles du Nord-Mali. Il reste à ses initiateurs, gouvernement malien de transition et mouvements signataires de l’accord de paix, d’avancer plus loin dans sa concrétisation
et d’appliquer sur le terrain les résolutions prises concernant les questions politiques et militaires.
Par Halim Midouni
Les résultats de cette réunion, la deuxième du genre, sont des annonces « encourageantes », a-t-on commenté à Alger. Ils semblent avoir été obtenus par la volonté de l’autorité militaire de transition malienne à trouver une solution aux problèmes politiques et sécuritaires qui sont posés dans le nord du pays – une question clé pour la réussite la transition et la tenue d’élections crédibles dans le pays – et sous la pression amicale de l’Algérie qui s’inquiète du retard pris pour l’application de l’accord d’Alger et du gel des négociations depuis dix mois.
La dernière manifestation de cette inquiétude a été la déclaration du chef de l’Etat, M. Tebboune, dimanche 31 juillet, qui avait « demandé » aux dirigeants maliens de « retourner à la légalité dans les meilleurs délais ». « Tant que l’accord de paix ne sera pas appliqué, les problèmes du Mali persisteront «, avait-il également dit, quelques heures seulement avant le début de la Réunion de haut niveau, le 2 août 2022.
Tenue en présence du Premier ministre Choguel Maïga, présidée par le ministre de la Réconciliation, de la paix et de la cohésion nationale, chargé de l’accord d’Alger, le colonel-major Ismaël Wagué, modérée également par le président de la commission d’intégration et représentant du gouvernement de transition, le général de division Ibrahim Fane, la Réunion a porté sur trois points essentiels : la répartition des quotas d’intégration des ex-combattants dans les Corps constitués, y compris au sein de l’armée malienne ; la gestion du cas des hauts cadres civils et militaires des mouvements signataires de l’accord de paix d’Alger et enfin les questions des réformes politiques et institutionnelles non-liées à la révision constitutionnelle.
Pour rappel, l’intégration doit aboutir à une armée nationale restructurée, plus représentative des Maliens du nord. Cette armée doit ensuite se redéployer progressivement dans les principales villes du septentrion malien sous la forme de bataillons mixes composés à ratio égal des forces armées maliennes, des combattants de l’ex-rébellion et des groupes armés pro-gouvernement. Dans ce cadre, il a été annoncé la décision de « l’intégration de 26.000 ex-combattants » dans l’armée. L’intégration en question doit se faire « en deux tranches de 13.000 (ex-combattants), dont la première est répartie selon le quota ayant fait l’objet d’un consensus entre les deux parties », indique un communiqué officiel qui ne donne pas de date précise sur le début de l’opération. La deuxième tranche s’étalera « sur une période de deux ans, notamment 2023-2024 », un délai qui semble s’accorder avec celui que s’est donné le pouvoir militaire pour conclure la transition d’ici mars 2024 au plus tard ; une marge qu’il parait également s’accorder en fonction des réalités du terrain sécuritaire dans l’ensemble du pays et par rapport aux courants politiques nationaux dont certains – ceux qui soutiennent les colonels au pouvoir à Bamako – ne veulent rien entendre à l’accord d’Alger et appellent à chasser jusqu’aux agents onusiens de la Minusma.
Les parties liées à l’accord d’Alger conviennent de la « création et l’opérationnalisation d’une commission ad hoc » qui sera chargée notamment de formuler des propositions « pour la gestion au cas par cas des hauts cadres civils et militaires des mouvements signataires », pour leur intégration dans « la chaîne de commandement ». Pour la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), le début du processus de désarmement, démobilisation, de réinsertion et d’intégration (DDR-intégration) est subordonné à une entente sur la chaine de commandement. La partie Gouvernementale en prend note, mais exprime son avis contraire. Les deux parties conviennent de poursuivre la discussion sur la question au sein de la commission Ad hoc.
Almou Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des Mouvements de l’Azawad, se veut plus précis en indiquant que les ex-rebelles entendent pour la plupart entrer dans la future armée nationale reconstituée avec leur grade et galon actuel.
Les questions des réformes politiques et institutionnelles, non-liées à la révision constitutionnelle, ont été également abordées. La CMA considère que les questions de réforme politique et institutionnelle, liées à la révision constitutionnelle, devront être prises en charge par le Gouvernement. Toutefois dans cet exercice, elle reste à la disposition du Gouvernement en cas de besoin. Elle s’est engagée à élaborer, incessamment, un Mémorandum spécifiant les questions non-liées à la révision constitutionnelle.
Dans son allocution de clôture, le Premier ministre Choguel Maiga a réitéré la volonté du Président de la transition ainsi que du gouvernement de ne ménager aucun effort pour mettre en œuvre sa part d’engagement prise dans le cadre de l’Accord de paix. Il a tenu à remercier la médiation internationale sous « la conduite déterminée de l’Algérie » dont il a « salué le leadership et l’engagement »
Communiqué conjoint ONU-UA sur Mali
Le Secrétaire général des Nations unies et le Président de la Commission de l’Union africaine se félicitent de la conclusion réussie de la réunion de niveau décisionnel sur certains aspects de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’Alger. Ils notent, en particulier, avec satisfaction le consensus auquel les parties sont arrivées pour l’intégration de 26 000 ex-combattants au sein des forces armées et de défense et d’autres services de l’Etat, ainsi que sur les réformes institutionnelles non liées à la révision de la Constitution.
Le Secrétaire général des Nations unies et le Président de la Commission de l’Union africaine relèvent la mise en place d’une commission ad hoc pour traiter d’aspects sur lesquels un consensus doit encore être trouvé, notamment la gestion au cas par cas des cadres civils et militaires des Mouvements signataires, y compris en relation avec la chaîne de commandement. Ils exhortent les parties à agir avec diligence pour assurer le suivi requis et conforter la dynamique qui vient d’être imprimée au processus de paix.
Le Secrétaire général des Nations unies et le Président de la Commission de l’Union africaine félicitent les parties pour leur engagement renouvelé en faveur de la paix et de la réconciliation. Ils les assurent de la disponibilité continue des Nations unies et de l’UA, dans le cadre de la Médiation internationale conduite par l’Algérie, à continuer à œuvrer avec elles en vue de mener à son terme le processus de paix. À cet égard, elles attendent avec grand intérêt une réunion prochaine du Comité de suivi de l’Accord de paix.