Jeudi, le ministre des Finances a été interpellé sur le marché informel de change et les solutions que l’Etat compte mettre en place pour y remédier. Le débat refait surface depuis les mises en garde adressées par le chef de l’Etat aux fortunes prospérant hors canal bancaire. La nouvelle loi sur la monnaie et le crédit prévoit plusieurs dispositions pour accélérer la bancarisation, l’inclusion financière et la numérisation des transactions bancaires et commerciales. Le cash et l’informel seraient dans le viseur des autorités qui devraient intervenir sur des circuits sensibles, voire périlleux.
Par Hakim Ould Mohamed
Le ministre des Finances, Brahim Djamel Kassali, a été interpelé, jeudi, par les membres de la Commission des Finances et du budget de l’Assemblée, sur le marché informel de change, l’invitant à prendre des mesures radicales en vue de son éradication. Cela fait plusieurs jours que les spéculations vont bon train sur une intervention de l’Etat pour mettre un terme aux circuits invisibles de change, soit depuis les mises en garde du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, proférées à l’adresse des fortunes qui prospèrent en dehors du canal bancaire. En plus des préjudices que ce marché cause à l’économie, de par les gros montants en devises et en dinar qui échappent aux banques et au Trésor public, la délégation du Fonds monétaire international (FMI), qui a séjourné récemment en Algérie dans le cadre de l’article IX des statuts du Fonds, a, à nouveau, interpellé les autorités algériennes sur le marché informel de change qui aurait pris des proportions inquiétantes, ainsi que sur l’existence d’une double cotation du dinar qui est très préjudiciable pour l’économie et la monnaie nationale. Alors que le dinar retrouve des couleurs sur le marché officiel, une appréciation qui obéit à des paramétrages macroéconomiques, mais aussi à une opération de désinflation menée par la banque centrale, sa cotation sur le marché informel poursuit, à contrario, un mouvement en faveur d’une dépréciation, alimenté par les spéculations sur une possible intervention de l’Etat pour traquer les fortunes de l’informel, mais aussi par des facteurs conjoncturels, dont la reprise des voyages vers les Lieux Saints de l’Islam (Oumra), et l’effet psychologique de la décision permettant aux Algériens d’acquérir des véhicules de moins de trois années d’âge.
Quoi qu’il en soit, l’existence d’un marché informel de change et d’une seconde cotation du dinar est en elle-même antiéconomique. Ce pourquoi, des efforts doivent être menés pour mettre un terme à ce marché, en diversifiant l’offre en devises sur le marché interbancaire et en rationalisant les règles relatives aux opérations de change. Depuis toujours, les économistes et les institutions monétaires internationales n’ont pas arrêté de suggérer des pistes afin d’y remédier. La Banque d’Algérie pourrait, ainsi, dans ce sens, envisager d’autoriser un écart plus important entre les taux de change officiels acheteur et vendeur afin d’augmenter le volume de transactions. Elle pourrait également assouplir les plafonds indicatifs des montants de devises autorisés à des fins de dépenses médicales, d’études, et de voyages à l’étranger. La conjoncture s’y prête. L’Exécutif entend également mettre en place une batterie de mesures dans le cadre de la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit afin d’accélérer l’inclusion financière et la bancarisation des fortunes évoluant dans les circuits invisibles de l’économie. En plus de la décision de relancer le projet de création de bureaux de change privés, la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit donne la part belle à la numérisation des transactions et des moyens de paiement afin de réduire l’usage excessif du cash. Ainsi, l’article 63 du projet de loi sur la monnaie et le crédit, présenté, jeudi, par le ministre des Finances au niveau de la Commission des Finances et du budget de l’Assemblée, prévoit la création de banques numériques et d’instances appelées « Prestataires de services de paiement (PSP) », qui peuvent prendre la forme d’une société par actions (SPA), d’une société par actions simplifiée (SAS) ou d’une société à responsabilité limitée (SARL) (article 90). Dans le même objectif, à savoir la réduction de l’usage du cash dans les transactions et opérations commerciales, il sera question également d’introduire la monnaie numérique de la Banque centrale (article 02), appelée « dinar numérique algérien », qui est développée, mise en circulation, gérée et contrôlée par la Banque d’Algérie, laquelle constituera in fine un soutien à la forme matérielle de la monnaie fiduciaire. Mais pas seulement.
Le projet de révision de la loi sur la monnaie et le crédit d’octobre 2017 projette également la mise en place d’un cadre juridique pour l’exercice de l’activité relative à la finance islamique, qui consacre, en particulier, la possibilité d’agréer des banques et institutions financières effectuant exclusivement les opérations liées à la finance islamique (articles 70, 71 et 72). Le projet prévoit également l’agrément de banques numériques, d’investissement et des prestataires de services de paiement et des intermédiaires indépendants. Pour ainsi dire, ces dispositions contenues dans la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit ont pour objectif d’accélérer la numérisation, l’inclusion financière, la bancarisation et la réduction de l’usage du cash et sa circulation en dehors du canal bancaire. Il était déjà temps. Car, une chose est sûre : l’existence du marché parallèle des devises complique la gestion macroéconomique car elle alimente les anticipations inflationnistes, fausse la formation des prix et affaiblit les canaux de transmission de la politique monétaire. n