Par Khaled Remouche
L’Algérie n’est plus, depuis 2016, soumise à la surveillance renforcée du Groupe d’action financière (Gafi), et ce, après la mise en oeuvre de son plan de lutte contre ce crime qui répond aux 40 recommandations du Gafi approuvées par 180 pays et des directives du comité de Bâle, mais se pose toujours des problèmes d’application et d’interprétation de la réglementation en la matière.
Le Sénat vient d’adopter la loi sur la prévention et la lutte contre le blanchiment. Selon le ministre de la Justice Abderrachid Tabi, ce texte renforce les mécanismes de prévention et de lutte contre le blanchiment d’argent. Les dispositions de la nouvelle loi, ajoute-t-il, assurent l’efficacité du système financier et améliore celle des parties chargées de la prévention et de la lutte contre le blanchiment d’argent.
Il prévoit des sanctions administratives qui seront infligées aux entreprises notamment financières, aux professions non financières, comme les avocats, les notaires, les commissaires aux comptes, les experts comptables en cas de manquement à leurs obligations, à savoir signaler toute opération suspecte et oblige les associations à caractère caritatif à dévoiler l’origine des capitaux reçus. Le texte stipule que le don à une association est soumis à autorisation du ministère des Finances.
Il faut savoir que l’Algérie n’est plus soumise à une surveillance du Gafi depuis 2016 après la mise en oeuvre de son plan d’action contre le blanchiment d’argent qui répond aux 40 recommandations de cet organisme international chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement et les armes de destruction massive.
Les recommandations du Gafi sont approuvées par 180 pays. «Le 16 février 2016, le Gafi a reconnu que l’Algérie, l’Angola et le Panama ont fait des progrès significatifs dans l’amélioration de son régime de lutte contre le blanchiment des capitaux et ne sont plus soumises au processus de surveillance du Gafi», lit-on sur le site de cet organisme.
Le plan d’action adopté par l’Algérie, qui s’inspire de ces 40 recommandations des conventions internationales signées par l’Algérie et les directives du comité de Bâle, prévoit des mesures de vigilance à appliquer par le système financier, notamment les banques et établissements financiers.
«Les institutions financières devront être obligées d’appliquer des mesures de vigilance renforcées aux relations d’affaires et d’opérations entre personnes physiques. Les obligations de vigilance et de conservation des documents s’appliquent notamment aux banques, aux avocats, notaires et professions juridiques indépendantes lorsqu’ils préparent ou effectuent des transactions pour leurs clients concernant notamment l’achat et la vente de biens immobiliers, la gestion de capitaux, la gestion de compte en particulier d’épargne.
Les professions non financières telles que les avocats et notaires sont obligées de déclarer les opérations suspectes.
A noter qu’au coeur de ce dispositif de lutte contre le blanchiment figure le service de renseignement financier, dénommé en Algérie Cellule de renseignement et de traitement financier (CRTF). Cette cellule, créée en 2002, est chargée de collecter et de traiter les déclarations de soupçon qui lui sont soumises par les entités déclarantes et transmettre le dossier au Procureur de la République chaque fois que les faits sont susceptibles de poursuites judiciaires.
La Banque d’Algérie constitue également une structure très importante dans la lutte contre le blanchiment d’argent. L’institut d’émission constitue un organe essentiel dans la lutte contre ce crime, à travers plusieurs textes réglementaires. Il exerce son contrôle a postériori sur les banques et établissements financiers, à savoir en particulier s’ils appliquent les mesures de vigilance dans les opérations du commerce extérieur, dans les mouvements de capitaux transfrontaliers, notamment dans les virements électroniques. Les assujettis, c’est-à-dire les banques et les professions non financières, comme les avocats et les notaires qui sont soumis à l’obligation de déclaration de soupçon, sont tenus de signaler les opérations atypiques ou inhabituelles.
Ainsi, le renforcement du dispositif du blanchiment d’argent à travers cette nouvelle loi semble positif. Mais il ne faut pas oublier que depuis les années 2000, il a été mis en place un arsenal réglementaire assez riche, la constitution d’un centre de renseignement financier et l’application par les banques et établissements financiers des procédures internationales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Cela n’a pas empêché de très importantes opérations de blanchiment d’argent opérées pendant les deux dernières décades. En outre, des opérateurs se plaignent toujours de problèmes d’application et d’interprétation de textes par des agents bancaires qui portent atteinte à la liberté d’opérer des transactions. Par exemple, de simples opérations d’encaissement ou d’emprunts en dinars par le canal bancaire sont soumis à un interrogatoire, alors que ces opérations sont loin d’être suspectes. D’autant que les auteurs de ces opérations sont bien identifiés (nom et prénom, adresse, profession, origine des fonds connue). Ces comportements sont considérés comme une invitation à la thésaurisation du cash et non à sa circulation au sein du circuit financier. <