Pour Maître Hind Benmiloud, le règlement à l’amiable peut constituer une mesure positive concernant l’infraction de change. Cela n’est nullement le cas s’il s’agit de dilapidation de deniers publics.
Par Khaled Remouche
La moralisation de la vie publique constitue un axe important du plan d’action du gouvernement Benabderrahmane qui sera présenté en plénière à l’APN lundi prochain. La lutte contre la corruption, l’infraction de change, la dilapidation des deniers publics ainsi que le blanchiment d’argent figurent en pole position. Au chapitre corruption, il est prévu l’élaboration d’une nouvelle loi.
De façon générale, le gouvernement programme, lit-on dans le texte, le renforcement de la lutte contre la criminalité sous toutes ses formes en particulier contre le blanchiment d’argent, la contrefaçon, la contrebande, le trafic de drogues et la surfacturation. Concernant le volet particulier de la corruption, il est prévu l’aggravation des peines pour les infractions liées à la corruption. L’Exécutif affiche en ce sens sa volonté de combattre ce fléau : «Le gouvernement, lit-on dans le document, est déterminé à poursuivre la lutte contre cette criminalité, à travers la refonte de la loi sur la prévention et la lutte contre la corruption.» Outre cette révision législative, il est prévu également de revoir le dispositif institutionnel en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et la finalisation du projet de loi relative à la répression de l’infraction à la législation des changes et des mouvements de capitaux vers l’étranger.
Il faut savoir qu’il s’agit d’un troisième changement d’orientation en matière de lutte contre la corruption. Après une aggravation des peines, introduite par la loi sur la corruption de 2006, rappelons-le, il s’en est suivi un allègement quelques années plus tard puis un retour, aujourd’hui, à un durcissement des peines dans le sillage de la lutte contre les méfaits de la «Issaba». Pour l’infraction de change, le gouvernement introduit une nouveauté, le règlement à l’amiable. Précisément, il s’agit suivant ce document «du renforcement du système mis en place pour la gestion des biens saisis avec l’introduction de mesures particulières pour la gestion des sociétés, objets de poursuites judiciaires, de l’adoption du règlement à l’amiable garantissant la récupération des biens détournés».
Cette mesure vise, selon le gouvernement, la récupération dans des délais rapides de l’argent transféré illégalement à l’étranger qui s’avère, suivant les autorités, une opération difficile. Contacté à ce sujet, Hind Benmiloud, avocate, considère que c’est une mesure positive s’il s’agit de l’infraction de change, mais négative si ce règlement à l’amiable touche la dilapidation de deniers publics. Elle ajoute que cette solution constitue le prolongement à la récente révision par la Banque d’Algérie de la réglementation des changes. Les exportateurs qui, désormais, pourront accéder à 100% du montant en devises rapatrié dans un délai maximum de 180 jours tiré de leur opération d’exportation, ne seront pas poursuivis en cas de retard ou un manque dans le montant en devises à rapatrier. Dans ce cas, ils seront sanctionnés seulement par un versement en dinars du montant, ajoute-t-elle, au lieu des 100% en devise. Ils devront ainsi régulariser leur situation. Tout cela laisse entendre qu’il s’agit pour l’infraction de change d’un allègement des sanctions, puisque l’opérateur peut recourir au règlement à l’amiable. Les modalités de cette procédure, qui constitue une facilitation pour les opérateurs concernés, ne sont pas précisées dans le document. Ils le seront sans doute avec la promulgation de la loi relative à la répression de l’infraction de change. Nous ne savons donc pas si ce règlement à l’amiable sera utilisé uniquement pour des faits qui ne sont pas considérés par l’administration ou la justice comme graves. Il faut savoir que ce règlement à l’amiable est utilisé depuis plusieurs années par l’administration douanière. La procédure s’appelle la transaction pour notamment les fausses déclarations de valeur des marchandises. Grâce à la transaction, le Trésor récupère le montant dissimulé par l’importateur. Ce qui évite l’encombrement des affaires chez le receveur ou le service contentieux de la Douane ou au niveau de la justice. Telle semble être presque la même philosophie élargie à l’infraction de change avec, cependant, une nuance, le but est de récupérer l’argent détourné transféré illégalement dans des délais plus rapides.
Enfin, le gouvernement compte procéder, lit-on dans le document, à la mise en place des dispositions légales permettant le fonctionnement de la haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption prévue par la nouvelle Constitution, ainsi que la consécration du droit du citoyen à la transparence en matière de lutte contre la corruption. Toute la question est de savoir si, dans la pratique, cette volonté de lutter contre la corruption et les autres formes de criminalité économique se traduira sur le terrain par la réduction sensible de l’ampleur de cette criminalité qui reste aujourd’hui un sport national, en raison notamment de complicités de nombreux agents de contrôle et de fonctionnaires. <