Devant un parterre constitué de ministres, de walis, d’autorités locales des différentes wilayas et de hauts responsables de l’Etat, le Président de la République Abdelmadjid Tebboune a de nouveau appelé à la rupture avec les pratiques anciennes, notamment l’exercice des sports nationaux, la corruption et la surfacturation. «L’économie algérienne n’est pas une économie. C’est une économie d’importation où les surfacturations représentent en valeur la moitié des exportations hydrocarbures du pays», a-t-il révélé.
Ces phénomènes ont atteint ces dernières années des seuils sans précédent et sont, en partie, à la source de la crise financière que vit le pays. Des niveaux intolérables au point que le chef de l’Etat n’a pas manqué de pointer du doigt le préjudice causé annuellement à l’économie nationale par cette criminalité économique au cours de son intervention dimanche dernier, à l’ouverture de la rencontre walis-gouvernement. Concernant uniquement les surfacturations, elles représentent en valeur la moitié des exportations hydrocarbures du pays, a estimé le Président de la République. Si nous situons nos entrées en devises tirées des exportations d’hydrocarbures autour de 30 milliards de dollars, elles correspondent à une hémorragie d’une valeur d’environ 15 milliards de dollars annuellement, soit 30 à 40% de nos importations. C’est énorme. Ainsi, l’Algérie achète en partie du vent à l’étranger. Ce qui fait dire au chef de l’Etat : «Notre économie n’est pas une économie. C’est une économie d’importation.» Presque même topo pour la corruption. Le Président de la République a insisté sur les conséquences négatives de ce fléau sur l’économie nationale et sur les conditions de vie de la population. Il a appelé à la poursuite de la lutte contre la corruption : «La lutte contre la corruption sera poursuivie sur tous les plans et avec rigueur. La corruption a porté préjudice à l’économie nationale et mis le citoyen face à la petite corruption qui est la plus dangereuse car elle touche directement le citoyen lésé qui est en droit de bénéficier et de demander des documents dont il a besoin sans qu’aucune compensation ne lui soit exigée.» Ce discours va-t-en-guerre contre la corruption et la surfacturation n’est pas nouveau. Il a été tellement utilisé par les gouvernements et les chefs d’Etat précédents que ce langage guerrier n’arrive plus à convaincre, à moins que ces bonnes intentions ne se traduisent en actes permettant d’enrayer ces deux phénomènes. Ce qui est nouveau en revanche, c’est cette volonté affichée de consacrer le principe de redevabilité dans la nouvelle gouvernance du pays que compte matérialiser sur le terrain le chef de l’Etat. Ce qui veut dire que les responsables vont devoir rendre des comptes. Les walis pour leur gestion du développement local auront à le faire dans un an, a laissé entendre le chef de l’Etat. Cette instruction vaut également pour les ministres du gouvernement Djerad. Le principe de redevabilité, s’il est appliqué, ouvre la voie à la réalisation de progrès dans la lutte contre la corruption et la surfacturation. Le chef de l’Etat en ce sens a souligné, devant le parterre précité : «Personne n’est protégé.» Traduire que tout haut responsable quel que soit son rang sera traduit en justice s’il commet ce genre de crime économique. C’est à la fois un encouragement pour les responsables concernés à exercer leur mission de contrôle et une arme de dissuasion en direction des responsables tentés de les pratiquer. Mais là, à l’évidence, c’est sur le terrain et non sur les discours que sera jugée cette résolution par la population. Il y va de l’image du chef de l’Etat et du gouvernement. Il s’agit d’une action qui si elle est concrétisée, contribuera au retour à la confiance, à la crédibilité de nos institutions. On peut se demander, en outre, si un front intérieur n’est pas un facteur nécessaire à réunir dans cette guerre. Dans ce cas, il convient de mobiliser la population, impliquer notamment le Hirak. Mais cela demande des mesures d’apaisement et l’ouverture d’un dialogue sérieux avec ce mouvement citoyen.
Enfin, la démarche en matière de lutte contre la surfacturation et la corruption n’est pas détaillée dans le plan d’action du gouvernement, en dépit de l’existence d’un corpus de remèdes suggérés par des spécialistes de l’économie nationale. La feuille de route du gouvernement insiste sur le renforcement des impôts, de la Cour des comptes et de l’IGF, la numérisation des institutions de contrôle. Mais elle n’aborde pas notamment le système de veille indispensable si on veut lutter contre la surfacturation (vérification des prix des biens et services sur les marchés internationaux), la responsabilisation de la Banque d’Algérie et de la Douane dans les transferts illicites de devises ainsi que l’approche précise en matière de coordination entre les différentes institutions de contrôle en matière de lutte contre la corruption.