Par Halim Midouni
Les guerres, on sait comment elles commencent et on ne sait pas comment elles finissent. Il en est de même pour les sanctions économiques. On sait à quel moment, pourquoi et contre qui elles sont décidées. On n’est jamais sûr de leurs objectifs ni des conséquences qu’elles peuvent induire. En particulier, quand elles sont prises sans évaluation sérieuse de leur impact et quand les rapports de force entre ceux qui les décident et ceux qui les subissent ne sont pas clairs ni susceptibles de connaître une décantation décisive. Quand le jeu de compétitions qui les sous-tend concerne davantage des acteurs géopolitiquement et géographiquement externes au terrain où il se déroule.
C’est ce qui se passe actuellement en Europe dont les pays ont tranché, au lendemain du 24 février 2022 et le début des « opérations spéciales » russes en Ukraine, pour sortir l’arme économique contre la Russie et ses intérêts. Sans doute par indignation et solidarité avec Kiev dont les responsabilités anciennes et nouvelles dans le conflit qui l’oppose à Moscou méritent pourtant qu’elles soient également débattues ; probablement sous le choc d’un type de conflagration que le vieux continent n’a pas connue depuis la Seconde guerre mondiale ; certainement par réflexe d’aversion historique pour l’ours russe, un ressentiment qui remonte à la guerre froide, voire plus loin dans le temps ; indubitablement, enfin, sous la pression géostratégique des Etats-Unis qui cherchent à préserver ainsi qu’à réaffirmer leur leadership après l’avoir abimé en Irak puis en Afghanistan.
Cela, dans une zone qui leur est acquise culturellement parce qu’elle fait partie de l’Occident qu’ils incarnent et qui n’a de perception de la Russie – qui n’a pas été désagrégée au lendemain de la chute de l’ex-URSS – que celle de la crainte et du refus que ce pays ait des ambitions d’endiguement du déploiement américain à ses portes via l’Otan et via d’autres mécanismes – c’est une partie du sens à donner à la guerre en Ukraine – et des prétentions d’influence dans des parties du monde, notamment en Afrique, pour renforcer ces ambitions à peser dans le jeu international.
En réaction, Moscou, qui assurait l’essentiel de l’approvisionnement en gaz pour ces pays désormais hostiles, fait jouer le verrou énergétique jusqu’à placer les plus dépendants d’entre eux dans une situation inconfortable par rapport à leurs économiques comme par rapport à leurs opinions. Une grande économie comme celle de l’Allemagne qui, après avoir abandonné une politique étrangère d’équilibre avec la Russie et qui ne parvient comme d’autres voisins à donner à l’UE le poids stratégique pour lequel elle a été créée, se retrouve en situation d’appréhender des scénarios de crise énergétique et économique alors que l’horizon hivernal, auquel elle se prépare comme d’autres puissances européennes par des campagnes d’appel à la sobriété dans la consommation du gaz, de l’électricité et des carburants, est encore loin. D’autres pays du même calibre sont dans le même cas de figure et risquent de voir leur santé économique se détériorer si la guerre en Ukraine continue de s’aggraver – ce qui est une possibilité au vu des développements actuels. Un tableau qui incite à une question déjà posée : qu’est-ce que l’UE aujourd’hui ? Et quel sera son avenir à terme ?