Par Sihem Bounabi
Suite à l’annonce du ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid, qu’une quarantaine de textes d’application de la loi sanitaire 2018 sont actuellement en cours d’examen au niveau du gouvernement, Dr Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP), déclare en « prendre acte ». «Nous attendons depuis trois ans et demi, cette attente a été un frein pour la prise en charge de la réforme du système de santé. » Il tient également à souligner qu’«en tant que syndicat des spécialistes et membre de la coalition de la santé, on demande la mise en place de ces textes d’application depuis des années et on avait souligné au ministre de la Santé que l’on avait pas besoin des rencontres locales, régionales et assises nationales qui se sont déroulées récemment pour leur mise en place». Dr Mohamed Yousfi tient à préciser qu’il y a plus d’une centaine de textes qui sont toujours en attente d’être appliqués, estimant qu’« il y a encore beaucoup de travail à faire pour arriver à mettre en application tous les textes de la loi sanitaire promulguée en 2018 ». Il souligne à ce sujet que « la problématique est, si cette loi était récente, à la limite, la remarque ne s’impose pas, mais cela fait près de quatre ans qu’elle a été promulguée, ce qui signifie que l’on accuse un retard important ». Il enchaîne en affirmant : « Nous avons déclaré au ministre de la Santé qu’il est urgent que son ministère travaille nuit et jour pour rattraper le retard, parce que la réforme de la santé est tributaire de la loi sanitaire et de la mise en place donc des textes d’application rapidement.»
Dr Mohamed Yousfi rappelle également la nécessité de mettre en place rapidement la feuille de route de la réforme hospitalière, chapeautée par le Pr Mesbah, en concertation avec les partenaires sociaux, et qui a été validée au mois de mai de l’année dernière par le Conseil du gouvernement. Il met en exergue l’importance de cette mise en place en soulignant que « parmi les points forts de cette réforme, il y a notamment les volets de la numérisation, de la contractualisation et de la décentralisation ».
« Les solutions existent pour mettre fin à l’hémorragie de nos spécialistes »
Concernant les déclarations du ministre de la Santé, sur le dossier de l’exode des médecins spécialistes qui, tout en tirant la sonnette d’alarme, il a indiqué que le nombre de médecins qui sont partis en France cette année se comptent par centaines mais pas plus de 1 000 tel qu’annoncé dont la plupart étaient déjà installés en France ou retraitable. Dr Mohamed Yousfi réplique : « J’ai réagi dès le premier jour à l’annonce du nombre de médecins acceptés à pratiquer en France, en disant que je ne vais pas polémiquer sur les chiffres. En tant que syndicat des spécialistes, l’attention a été attirée sur cet exode et la sonnette d’alarme a été tirée depuis une vingtaine d’années. » Il enchaîne que « selon les chiffres que nous pouvons confirmer en tant que syndicat, durant ces vingt dernières années, il y a eu plus de 20 000 médecins qui ont quitté le secteur de la santé publique. C’est une véritable saignée que nous avons dénoncée depuis des années. La problématique est donc beaucoup plus profonde que celle de polémiquer sur les chiffres de 2022». Le président du SNSSP estime ainsi que « le phénomène de l’exode des médecins est beaucoup plus grave que l’on pense, parce que le système de santé publique est en train de se vider de ses compétences et entre-temps, le dysfonctionnement s’aggrave ». Il ajoute que « sans polémique sur la question de l‘âge, je tiens à affirmer que sur ces vingt dernières années, la majorité sont des jeunes, ceux plus âgés représentent une minorité». Toutefois, il tient à préciser : « Je ne veux pas polémiquer avec le ministre de la Santé sur ce sujet, mais je tiens à attirer son attention, comme nous avons également alerté le président de la République sur ce sujet, qu’il faut absolument mettre fin à cette hémorragie de nos spécialistes. » Dr Mohamed Yousfi affirme que les « solutions existent » pour peu que la volonté politique et les mesures annoncées par le président de la République se concrétisent sur le terrain. Il déclare à ce sujet que « la solution est de réhabiliter les médecins spécialistes de la santé publique à travers un statut particulier qui soit digne de leur parcours universitaire à travers notamment la mise en place de mesures incitatives au lieu de mesures répressives, comme le service civil. Il s’agit également de la concrétisation de tous les dossiers en instance au niveau du Premier ministère, à l’instar notamment de celui de la discrimination de l’imposition et de la prime d’intéressement ». Il conclut : «Cela ne va, certes, pas arrêter le phénomène, mais en redonnant aux médecins spécialistes leurs droits élémentaires à travers la révision des statuts, cela va juguler cette hémorragie et surtout donner de l’espoir à nos spécialistes pour rester dans le secteur de la santé publique. » n