Le Premier ministre libyen Abdul-Hamid Dbeibah a souligné samedi 12 février l’importance de tenir des élections le plus tôt possible pour mettre fin à la crise actuelle dans son pays.
Synthèse Anis Remane
«La solution à la crise actuelle, ainsi que la paix et la réconciliation dans le pays, peuvent être obtenues en organisant des élections rapidement», a dit M. Dbeibah dans un discours prononcé lors du Forum de réconciliation nationale dans la ville de Riqdalin, à quelque 120 km à l’ouest de la capitale Tripoli.
«Il y a une classe politique qui a pris le contrôle de la Libye ces dernières années et qui cherche à prolonger (le mandat) et à ramener la guerre et le conflit», a poursuivi M. Dbeibah, notant qu’il avait entamé des consultations avec les partis locaux afin d’élaborer un plan pour organiser des élections et un référendum sur la constitution. M.Dbeibah a également accusé la Chambre des représentants (parlement) d’émettre de fausses résolutions et d’être «responsable du conflit et de l’effusion de sang». Il réagissait une nouvelle fois à l’initiative du Parlement de désigner, jeudi 10 février, au poste de Premier ministre l’ex-ministre de l’intérieur Fathi Bachagha, également soutenu par le Haut Conseil d’Etat (HCE), chambre haute libyenne basée à Tripoli (ouest).
Pour le Parlement de Tobrouk comme pour celui de Tripoli, le mandat de M. Dbeibah devait prendre fin le 24 décembre 2021, date à laquelle devaient se tenir les premières élections post Kadhafi. La désignation de Fathi Bachagha pour le remplacer découle de ce principe d’un «rare consensus» entre le Parlement et le HCE, a déclaré son président Khaled el-Mecheri. Pour M. Dbeibah, il n’est pas question de céder les rênes du pouvoir avant que son gouvernement n’ait organisé les élections. Il est à son tour accusé par Khaled el-Mecheri «d’alimenter une campagne contre le Parlement et le HCE». Une déclaration qui pulvérise les traditionnels clivages entre l’Est et l’Ouest libyen et instaure désormais des alliances et des mésalliances au sein du dispositif politique en place à Tripoli. Une évolution qui renseigne également du fatras politico-institutionnel dans lequel se trouve aujourd’hui la Libye en raison des appétits de pouvoir des clans rivaux.
Samedi 12 février, des groupes armés ont convergé vers Tripoli, en provenance de Misrata, distante de quelque 200 km, pour apporter leur soutien à M. Dbeibah qui refuse de céder le pouvoir, faisant craindre la résurgence d’un conflit armé, mais qui, depuis son annonce qu’il allait se porter candidat à l’élection présidentielle, se révèle en réalité parmi les concurrents en quête du contrôle du pays. Résultat, la Libye se retrouve aujourd’hui avec deux Premiers ministres, un imbroglio institutionnel qui n’est peut-être pas nouveau puisque le pays avait déjà été dirigé entre 2014 et 2016 par deux Premiers ministres rivaux basés dans l’Est et l’Ouest, mais qui rend encore plus compliquée toute projection optimiste quant à la capacité des acteurs de la crise à s’entendre sur un calendrier électoral et la fin de la transition.
Devant cet imbroglio, le chef de l’ONU qui n’a pas réussi à imposer un agenda de sortie de crise face aux acteurs internationaux présents en Libye a «pris acte» de l’amendement constitutionnel qui trace la voie pour la révision du projet de Constitution de 2017 et pour le processus électoral de la nomination d’un nouveau Premier ministre. Il appelle «toutes les parties» à «préserver la stabilité» du pays comme «une priorité absolue».
Vendredi, 11 février, Antonio Guterres, a rappelé également «à toutes les institutions l’objectif premier d’organiser des élections nationales dans les meilleurs délais afin de garantir le respect de la volonté politique des 2,8 millions de citoyens libyens qui se sont inscrits sur les listes électorales». Il «appelle toutes les parties et institutions à continuer de veiller à ce que ces décisions cruciales soient prises de manière transparente et consensuelle», ajoute ce communiqué. La déclaration du chef de l’ONU ne mentionne ni les noms du Premier ministre intérimaire Abdelhamid Dbeibah ni celui du nouveau Premier ministre nommé jeudi, Fathi Bachagha. Antonio Guterres ne répète pas non plus ce qu’avait dit jeudi son porte-parole, à savoir que l’ONU continuait à soutenir jusqu’à présent Abdelhamid Dbeibah comme Premier ministre intérimaire en chargé des affaires en Libye.
Pour rappel, le Conseil de sécurité a prolongé, fin janvier, le mandat de la MANUL, la mission onusienne en Libye, jusqu’au 30 avril prochain. La résolution n’a pas abordé la question de la restructuration de la mission de l’ONU, en raison des divergences entre les représentants des États membres concernant la nomination d’un nouvel envoyé spécial et les prérogatives dont il devrait disposer. <