La diplomate qui connait bien les acteurs de la crise que vit le pays voisin est nommée par le chef de l’ONU comme «conseillère spéciale» chargée de déblayer un terrain encore incertain à quelques semaines de la tenue d’une élection présidentielle pour amorcer la fin de la transition dans le pays voisin et comme carte maitresse destinée à mettre tout le monde d’accord sur la nécessité du respect de cette échéance électorale.

Par Lyes Sakhi
A quelques petites semaines du rendez-vous électoral en Libye, les incertitudes continuent de peser sur le sort qui sera réservé à cette échéance présidentielle censée amorcer avec les législatives prévues en début de l’année prochaine la fin de la transition et le début de la mise en place d’institutions de normalisation dans ce pays voisin.
Cette fois, les interrogations sont venues des Nations unies elles-mêmes alors qu’elles ont pu durant ces derniers mois marquer des points en mettant en place un gouvernement de transition dirigée par l’homme d’affaires et candidat Dbeibah. «Nous voulons que ces élections fassent partie de la solution et non du problème» en Libye, a déclaré lors d’un point-presse le secrétaire général.
Le chef des Nations unies s’était exprimé sur le dossier libyen, mercredi 1er décembre, mais les discussions et les questionnements n’ont pas cessé depuis une semaine au sein des instances onusiennes et jusqu’au Conseil de sécurité qui suit ses développements de près.
«Nous ferons tout pour faciliter un dialogue, permettant de résoudre les questions qui subsistent encore (…) qui pourraient diviser la Libye» et pour «que les élections se fassent d’une manière qui contribue à la solution du problème libyen», a déclaré le chef de l’ONU.
L’ambassadeur du Niger à l’ONU, Abdou Abarry, président en exercice du Conseil de sécurité en ce mois de décembre, s’est montré plus clair : «les conditions d’élections libres, crédibles, démocratiques, consensuelles, maillon important pour le retour de la paix et de la stabilité en Libye, ne sont pas pour le moment réunies», a-t-il averti.
Un des obstacles à une présidentielle qui ouvrirait la voie à une unification réelle du pays et une normalisation rapide de son dispositif politico-institutionnel réside dans la présence de forces extra-libyennes sur le sol libyen, à l’Est comme à l’Ouest. «Les combattants étrangers sont toujours en Libye, la ligne de partage ancienne de conflit reste figée, il n’y a pas véritablement une réunification des forces en présence, a relevé l’ambassadeur dans une conférence de presse. «C’est un point de vue non pas du Conseil de sécurité, mais c’est une analyse que nous faisons», a-t-il cherché à nuancer pour ne pas froisser des membres permanents et les puissances agissantes sur le terrain libyen, qui ne pas encore intéressés de s’exprimer sur le climat pré-électoral actuel en Libye. Le diplomate a laissé entendre qu’il ne partageait pas la position de ceux, non identifiés, qui disent que «coûte que coûte il faut aller à des élections quelle que soit leur qualité».
Le casse-tête des combattants étrangers
«La situation n’est pas assez mature, assez mûre pour permettre un type d’élections qui peuvent mener à une stabilité pérenne et à une sécurité en Libye», a-t-il néanmoins insisté, en soulignant le danger pour les pays sahéliens du voisinage les risques qu’ils encourent face à des combattants de la région. En effet, selon l’ambassadeur Abdou Abarry, sur les plus de 20.000 mercenaires et militaires étrangers recensés par l’ONU en Libye, «il y a entre 11.000 et 12.000Soudanais» et «quelques milliers de Sahéliens». «En tant que pays voisin, nous voulons qu’il y ait un processus de démobilisation, fait en parfaite harmonie avec les pays voisins dont sont originaires ces forces», a-t-il déclaré.
Pour poursuivre le processus de transition jusqu’à l’élection présidentielle du 24 décembre, le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a sorti une carte maitresse en procédant à la nomination en tant que sa conseillère spéciale à Tripoli l’Américaine Stephanie Williams. Cette diplomate qui avait assurée en 2020 à Genève l’intérim du poste d’émissaire de l’ONU est dépêchée officiellement dans la capitale libyenne où elle résidera pour remplacer uniquement le slovaque Jan Kubis, en fonction en Libye depuis janvier dernier seulement. «Cette affectation de Mme Williams comme conseillère spéciale garantit une direction (onusienne) en place pendant ce mois de décembre très critique», a indiqué le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric. «Elle sera basée à Tripoli et commencera son travail dans les jours à venir», a-t-il ajouté, en laissant entendre que le chef de l’ONU avait rejeté la proposition de Jan Kubis, au contrat expirant le 10 décembre, de rester en poste le temps de la période électorale.
Dans les faits, Stephanie Williams connait bien les acteurs de la crise libyenne pour avoir été également numéro deux de la mission onusienne en Libye entre 2018 et 2020. Son action diplomatique avait favorisé plusieurs avancées dans le processus de paix libyen. Les efforts de bons offices et de médiation qu’elle mènera en direction des s parties prenantes libyennes, régionales et internationales, pour la poursuite de «la mise en oeuvre des trois volets du dialogue inter-libyen – politique, sécuritaire et économique – et de soutenir la tenue d’élections présidentielle et parlementaires», selon un communiqué de l’ONU, se feront immanquablement avec le soutien de son pays, les Etats-Unis qui a multiplié les initiatives et les pressions pour le respect du calendrier prévoyant la tenue d’une élection présidentielle à la fin du mois courant.

Accord pour l’unification des deux branches rivales de la Banque centrale

Les deux branches rivales de la Banque centrale de Libye ont annoncé lundi 6 décembre être parvenues à un accord pour entamer leur unification. Le gouverneur de la branche internationalement reconnue de la Banque centrale de Libye basée à Tripoli, Seddik al-Kebir, et Ali al-Hebri,qui préside la branche concurrente de la Banque centrale à al-Bayda dans l’Est llibyebn, se sont réunis lundi dernier pour «convenir d’un plan détaillé afin de lancer le processus d’unification de la Banque centrale», a annoncé l’institution à Tripoli dans un communiqué.
La réunion, à laquelle ont pris part des représentants du cabinet d’audit Deloitte, s’est conclue par un accord entre les deux responsables «pour le lancement effectif du processus d’unification». Selon la même source, il s’agit de la «plus importante étape vers la réunification» de la BCL, scindée en 2014, comme d’autres institutions étatiques, résultat des luttes de pouvoir entre camps politiques rivaux. A l’époque, les rivalités politiques ayant suivi la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011 ont davantage creusé l’écart entre l’Ouest, où se situe le siège de la BCL qui gère notamment les recettes pétrolières, et l’Est où s’est installée la branche parallèle. L’existence de deux branches concurrentes a entravé la mise en oeuvre d’une politique monétaire unique alors que le dinar libyen a fortement chuté depuis la révolte de 2011.
En juillet 2020, l’ONU avait annoncé avoir finalisé le processus permettant de lancer un audit international indépendant sur les deux branches, perçu commeune avancée majeure sur la voie de la réunification. La division entre Est et Ouest a provoqué d’importantes pertes financières, accompagnées d’une forte hausse de l’inflation et de la dette publique à plus de 100 milliards de dollars, selon la BCL. Après des années d’impasse, un nouveau gouvernement intérimaire a été désigné en février afin d’unifier les institutions et mener le pays à une élection présidentielle cruciale prévue le 24 décembre.