Parmi les dossiers chauds à l’ordre du jour du sommet des chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine (UA), celui de la crise libyenne occupe une place centrale en raison des enjeux et des défis qu’elle recouvre ainsi que des menaces qu’elle fait peser sur le voisinage.

Par Lyes Sakhi
Paradoxalement, la vision algérienne de ce qui se déroule en Libye, pays en quête de normalisation politico-institutionnelle mais aux élites politiques et militaires profondément divisées, demeure empreinte d’optimisme. Vendredi 17 février, le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé à ce sujet dans un discours lu par son Premier ministre Aïmene Benabderrahmane à Addis-Abeba qu’«en dépit des inquiétudes concernant la situation de crise (dans ce pays), l’optimisme demeure de mise au regard de la bonne volonté affichée par les parties libyennes pour surmonter les épreuves et faire prévaloir l’intérêt suprême de la patrie».
Parmi ces pas positifs, M. Tebboune a cité «le retour du Comité militaire mixte 5+5 aux réunions après une longue interruption, pour le suivi de l’application des décisions convenues concernant le retrait des mercenaires et des combattants étrangers, le cessez-le-feu et l’échange de prisonniers».
Une position conforme à celle de l’ONU selon laquelle «surmonter l’impasse politique actuelle en Libye peut déclencher des progrès indispensables dans la résolution d’une myriade de crises dans ce pays». C’est ce qu’a déclaré vendredi 17 février à Addis-Abeba son secrétaire général.
«Ce dont nous avons besoin de toute urgence, c’est de la volonté politique pour sortir de l’impasse politique prolongée et réaliser des progrès sur plusieurs fronts», a déclaré António Guterres, lors d’une réunion du Comité de haut niveau sur la Libye, dans le cadre du Sommet. Des progrès sont absolument nécessaires pour organiser des élections et faire progresser les gains en matière de sécurité, de réconciliation nationale et de droits de l’homme, a-t-il déclaré.
«Nous n’avons pas d’agenda ni d’objectif mais un seul : garantir le droit du peuple libyen à vivre en paix, à voter lors d’élections libres et équitables et à partager la prospérité de son pays», a-t-il affirmé, ajoutant que les défis sont énormes dans un terrain miné par les rivalités entre les parties libyennes concurrentes pour le pouvoir, le gouvernement de Dbeibah à Tripoli et celui de Fathi

Bachagha appuyé par le maréchal khalifa Haftar.
Dans ce contexte, une enquête de l’ONU sur les droits de l’homme fin janvier comprenait des témoignages d’exécutions extrajudiciaires, de torture, de détention arbitraire, de disparitions forcées, de traite des êtres humains, de déplacements internes et de l’existence de sites d’inhumation de masse. Soulignant de graves préoccupations en matière de droits humains, le chef de l’ONU a déclaré que les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile continuent de subir des abus en toute impunité. Des milliers de personnes qui tentent de traverser la mer Méditerranée sont renvoyées en Libye et détenues dans des conditions inhumaines et dégradantes avec une aide humanitaire restreinte, et des milliers d’autres sont portées disparues.

«Pas d’alternative aux élections»
En décembre 2021, des différends juridiques et d’autres défis ont forcé l’annulation d’élections présidentielle et parlementaires historiques. Pour résoudre ce problème urgent, le Secrétaire général a déclaré que son Représentant spécial, Abdoulaye Bathily, avait engagé les parties libyennes et les partenaires internationaux à convenir d’une base constitutionnelle pour les élections d’ici la fin février. Mais en vain. En l’absence d’accord, les Nations Unies, en étroite collaboration avec les principales parties prenantes libyennes, l’Union africaine et les partenaires internationaux, devraient proposer et poursuivre des mécanismes alternatifs pour trouver des solutions, a-t-il dit. «Il n’y a pas d’alternative aux élections», a-t-il ajouté. «Elles restent la seule voie crédible vers une gouvernance légitime et unifiée». Pendant ce temps, l’accord de cessez-le-feu de 2020 continue de tenir, a-t-il dit, saluant les progrès sur les défis de sécurité. Les efforts comprennent le travail de la Commission militaire conjointe 5+5, convoquée par son Représentant spécial, qui représente «un instrument d’espoir pour tous les Libyens», a-t-il déclaré, ainsi que l’engagement et le soutien de l’Union africaine.
«La prochaine priorité de la Commission militaire mixte doit être le retrait complet des combattants étrangers et des mercenaires de Libye», a-t-il déclaré, rappelant que l’ingérence extérieure avait alimenté la descente de la Libye dans le conflit.
Se félicitant de la récente réunion au Caire entre la commission militaire et les représentants de la Libye, du Soudan et du Niger, il a déclaré que la décision de créer un comité de coordination et de partage d’informations marque «une étape importante vers une plus grande stabilité et paix en Libye et dans la région».
«Les Nations Unies et l’Union africaine – ainsi que d’autres acteurs et organisations régionaux clés – doivent travailler ensemble pour aider le peuple libyen à réaliser ses aspirations légitimes à un avenir plus pacifique et prospère», a déclaré M. Guterres.
Pour l’Algérie, a indiqué le chef de l’Etat, M. Tebboune, «l’étape dangereuse d’instabilité politique et sécuritaire ( en Libye ndlr), le blocage des processus de négociations et la scission institutionnelle, ont mis à l’épreuve tous les acquis remportés dans le processus de règlement de la crise dans ce pays voisin, au vu des répercussions graves sur la sécurité et la stabilité des pays voisins et de la région du Sahel».