La loi de finances complémentaire pour l’exercice 2022 permet au gouvernement de consacrer plus de 2000 milliards de dinars au développement local, à l’agriculture, au logement et à la réalisation des grandes infrastructures. Un signal fort à la relance de l’investissement notamment dans le BTPH, un secteur considéré comme une des locomotives de la croissance économique. Toutefois, une question importante surgit : le temps restant – quatre mois pratiquement avant la fin de l’année – suffira-t-il aux secteurs concernés de consommer tous les crédits qui leur sont alloués ? L’hypothèse forte est que tout cet argent ne sera consommé qu’en 2023…

Par Khaled Remouche
La loi de finances complémentaire 2022 prévoit une augmentation du budget d’équipement. Plus de 3900 milliards de dinars lui sont consacrés contre environ 2700 milliards de dinars dans la loi de finances 2022, une croissance de plus de 40%.Ce qui constitue un signal fort à la relance du BTPH l’une des locomotives de la croissance économique. Ce secteur a connu des difficultés en 2020 et 2021 du fait de la crise sanitaire. En dégageant des enveloppes conséquentes à la réévaluation des projets et au développement local : wilayas et communes et au lancement des travaux des grands projets structurants et à l’agriculture et à la réalisation d’infrastructures, une dynamique économique pourrait s’installer avec comme l’un des moteurs puissants l’investissement public. Le budget de l’Etat prévoit en particulier 223 milliards pour le programme complémentaire des wilayas, 100 milliards de dinars pour les plans communaux de développement, 200 milliards de dinars de soutien à l’accès à l’habitat et 253 milliards de dinars pour l’agriculture, 900 milliards de dinars pour les infrastructures économiques, administratives et socioculturelles. Mais la question est de savoir si le temps n’est pas trop court : quatre mois seulement pour consommer ces crédits. Il est fort probable comme pour les lois de finances précédentes que notre pays enregistre de nouveau une faible consommation des crédits du moins pour la loi de finances complémentaire 2022. Car la mécanique financière s’agissant de débloquer les crédits budgétaires est très lente. Il faut deux à quatre mois pour libérer les crédits et du temps pour que les ordonnateurs reçoivent les enveloppes permettant de lancer les travaux de nouveaux projets ou pour recevoir l’argent au titre de la réévaluation des projets permettant la relance de chantiers très importants. Cet argent va être sans doute pour une bonne partie consommée en 2023. Le paiement des situations de travaux a empoisonné pendant des décennies la vie des entreprises du BTPH. Ce problème est aujourd’hui loin d’être réglé. Il constitue toujours un problème pour ces entreprises. Par ailleurs, la faiblesse de la consommation des crédits est toujours enregistrée à l’échelle des communes.
L’Algérie vit, en somme, un gros problème de management des projets. La majorité des communes peinent à lancer des projets, à les réaliser dans les délais tout en veillant au respect de la qualité des travaux. En dépit de maints efforts de formation engagés depuis fort longtemps à la gestion au profit des communes, la plupart des communes ne maitrisent pas toujours leurs dépenses.
Les ressources humaines des collectivités doivent être renforcées par des cadres qualifiés en gestion et en management de projets pour inverser la tendance. Les communes dans leurs projets doivent être accompagnées de bureaux d’études qualifiés. Les architectes, les urbanistes et les ingénieurs s’ils sont compétents auront leur mot à dire. Il faudrait pas que l’administration dicte des choix au détriment de l’avis de ce personnel qualifié. Le mauvais choix des entreprises est également l’une des faiblesses de la gestion communale. S’agissant de l’argent public, il est anormal que la liste des entreprises défaillantes dans les travaux publics et bâtiments ne soit pas établie pour les écarter de la réalisation des projets publics. Il serait judicieux de faire connaitre et récompenser par des médailles ou des prix les entreprises qui ont montré leur capacité à réaliser les projets dans les délais et dans le respect des coûts et de la qualité des travaux.

Plus de 40% de croissance du budget d’équipement
Tout cela renvoie à l’efficacité des dépenses. Quand le citoyen lambda voit en Algérie des projets ne pas s’achever au terme de plus de dix ans de travaux, alors que dans certains pays africains des projets prennent deux ou trois ans maximum, il y a lieu de s’interroger. Il s’agit de savoir également si à la mise en oeuvre de la loi de finances complémentaire pour 2022, cet argent supplémentaire pour booster en principe la croissance économique ne sera pas gaspillé. La loi de finances complémentaire de 2022 ne chiffre pas, à première vue , le montant des réévaluations des projets. Un moyen d’éluder l’importance du montant qui montre l’incapacité à maitriser les dépenses? Il y a donc urgence à réformer le budget, à travers l’amélioration de la capacité d’absorption des crédits budgétaires et de l’efficacité dans les dépenses publiques. Dans le scénario inverse, l’Algérie continuera à gaspiller l’argent public, des sommes qui auraient pu être injectées dans la construction en particulier d’infrastructures de santé, de l’hydraulique, de logements, la création d’emplois et améliorer les conditions de vie de la population. <