L’ancien ministre de l’Energie a été condamné à 20 ans de prison pour corruption et à deux millions de dinars d’amende. C’est le verdict prononcé hier par le tribunal de Sidi M’hamed qui s’est penché, le 1er février, sur cette grosse affaire de corruption impliquant l’ancien ministre de l’Energie sous Bouteflika de 1999 à 2010 contre lequel le tribunal avait requis la même peine. Le verdict ainsi prononcé ouvrira-t-il la voie de l’extradition du «fugitif»?
Par Nadir Kadi
Tenu en son absence étant en fuite à l’étranger, l’ancien ministre est visé par un mandat d’arrêt international. Il est poursuivi dans cette affaire du complexe gazier d’Arzew (Oran) pour «octroi d’indus privilèges, abus de fonction et conclusion de marchés en infraction aux lois et à la réglementation, conformément à la loi 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption».
Pour sa part, l’ancien patron du groupe Sonatrach, Mohamed Meziane, jugé dans le même procès, a été condamné à cinq ans de prison et un million DA d’amende. En effet, le Pôle pénal économique et financier près le tribunal algérois a rendu son verdict, dans l’affaire de l’ex-ministre de l’Energie Chakib Khelil en fuite à l’étranger, désormais condamné par contumace à 20 ans de prison ferme. L’ancien ministre en poste entre novembre 1999 et mai 2010, aujourd’hui accusé d’actes en lien avec la «corruption», a également été condamné à verser une amende de 2 millions de DA. Par ailleurs, la justice maintient et confirme le mandat d’arrêt international émis par l’Algérie contre Chakib Khelil en septembre 2019.
Verdict qui condamne, également, l’ancien PDG du groupe Sonatrach, Mohamed Meziane, et son adjoint de l’époque Abdelhafidh Feghouli, à des peines de 5 et 6 ans de prison ferme, en plus d’une amende commune de 20 millions de dinars et de deux amendes de 1 million de dinars chacun.
Le dossier jugé par le Tribunal de Sidi M’hamed, en retenant les charges de «dilapidation de deniers publics», «abus de fonction» et «conclusion de marchés publics contraires à la réglementation en vigueur», s’est concentré, pour rappel, sur les soupçons de malversations dans la gestion et le suivi du projet du complexe gazier d’Arzew (Oran) en 2008.
Les conclusions de procès confirment en ce sens l’irrégularité du marché accordé au Groupe italien Saipem. Ce dernier aurait, en effet, été «privilégié» sur instruction de l’ancien ministre au détriment d’une société émiratie, qui avait pourtant présenté une meilleure offre, selon la justice.
Ainsi, et selon la défense de l’ancien PDG Mohamed Meziane, il apparaît que l’ensemble des décisions étaient prises par le ministre lui-même : «A l’époque, le ministre de l’Energie avait décidé de scinder le projet en plusieurs parties. Mon client est un être humain. Et qui, à l’époque, pouvait dire non à Chakib Khelil ? Il ne serait pas resté une heure à son poste ! Il s’immisçait dans tout».
L’accusé ajoutant plus loin «Chakib Khelil (…) décidait de tout au niveau de la compagnie, à travers des instructions verbales et écrites»… Des propos qui entrent certainement dans une stratégie de défense, mais que le verdict semble également avaliser. Quant aux pertes engendrées par les malversations mises en avant par le procès, elles se chiffrent en milliards. Le représentant du Trésor, partie civile, avait, en effet, réclamé pas moins de 127 milliards de dinars à titre de dédommagement pour chacun des 40 accusés impliqués dans cette affaire. Le verdict d’hier a été dans cette logique, les sociétés poursuivies ont été condamnées à verser «entre 1 et 3 milliards de dinars d’amende», les personnes morales et Chakib Khelil sont également tenus de verser une compensation au Trésor public, estimée à plus de 19 milliards de dinars.
Quid des possibilités d’extradition de Khelil ?
La condamnation de Chakib Khelil ouvre-t-elle la voie de l’extradition ? Les lectures de spécialistes sont opposées entre ceux qui y voient le scénario possible et ceux que le jugent «peu probable» Ceux qui écartent le scénario de l’extradition mettent en évidence le fait qu’entre l’Algérie et les USA – lieu de résidence et de refuge de Khelil- n’existent que des conventions judiciaires bilatérales qui n’évoquent pas des situations d’extradition contrairement aux conventions judiciaires entre l’Algérie et la France ou encore entre l’Algérie et la Belgique, le Portugal, le Royaume-Uni, la Chine et plusieurs pays arabes et africains.
«Sans ce cadre juridique et cet accord d’extradition, Chakib Khelil ne connaîtra pas la prison», soutiennent des juristes, lesquels expliquent que «les probabilités de le voir extrader demeurent faibles» En 2013, la justice avait émis un mandat d’arrêt international contre Khelil dans le cadre d’une enquête sur le versement de commissions par une filiale du géant italien ENI pour l’obtention de contrats en Algérie, scandale qui a fait l’objet de plusieurs procès en Italie et en Algérie. Réfugié aux Etats-Unis, il était rentré en 2016 en Algérie après l’abandon des poursuites contre lui avant de repartir à l’étranger lorsque la procédure a été relancée.